Nucléaire iranien
Vers des sanctions, à petit pas
(Photo: AFP)
Mercredi soir à Vienne, alors que son rapport prenait la direction de New York où il sera examiné par le Conseil de sécurité des Nations unies, Mohamed ElBaradei demandait aux différents protagonistes de « baisser le ton ». Le directeur de l’AIEA, qui continue de se vouloir optimiste dans la crise iranienne, estime que le transfert de son rapport à l’ONU n’est pas la fin de la diplomatie, et qu’un accord politique reste possible.
Les dernières déclarations des parties impliquées incitent au scepticisme. Adoptant une attitude de défi, l'Iran a affiché jeudi sa détermination à poursuivre son enrichissement d'uranium. Le guide suprême iranien, l'ayatollah Ali Khamenei, a affirmé qu'« aujourd'hui, le peuple iranien et les responsables de la République islamique d'Iran, plus puissants qu'avant, (…) résisteront à toute pression ou conspiration ». Alors que John Bolton, l’ambassadeur américain aux Nations unies, avait menacé le régime iranien de « conséquences tangibles et douloureuses », Javad Vaïdi, haut responsable au Conseil suprême de la sécurité nationale, a réagi : « Les Américains ont les moyens de causer du mal et des souffrances (à l'Iran) mais ils sont aussi susceptibles d'éprouver la douleur et le mal. S'ils choisissent cette voie, eh bien allons-y ! ».
L’escalade inquiète les diplomates
Les Etats-Unis se disent de plus en plus convaincus que seules des sanctions, même graduelles, peuvent contraindre l’Iran à renoncer à son programme atomique soupçonné de comporter un volet militaire secret. « La communauté internationale a été incapable de résoudre la crise au sein de l’AIEA », constatait jeudi l’ambassadeur américain auprès de l’agence, Gregory Schulte. Et le numéro trois de la diplomatie américaine, Nicholas Burns, de prévoir que « lundi ou mardi prochains, le Conseil de sécurité va commencer un débat très animé sur les ambitions nucléaires de l’Iran (…) Si Téhéran ne réagit pas aux mots, nous pensons que la communauté mondiale devra envisager la possibilité de sanctions. »
Cette escalade dans la crise iranienne inquiète nombre de diplomates. Certains redoutent un scénario « à la nord-coréenne », Pyong Yang ayant décidé, fin 2002, de limiter sa coopération avec l’AIEA et de quitter le traité de non-prolifération (TNP). La Chine, qui est hostile aux sanctions contre l’Iran, exhorte la communauté internationale à négocier. « Hier, Mohamed ElBaradei a assuré que la crise pouvait être réglée par la négociation, a déclaré jeudi à Pékin le ministre chinois des Affaires étrangères Li Zhaoxing. C’est vrai. La coopération demeure possible. Nous soutenons les engagements de la Russie et de l’Union européenne concernant l’Iran. »
L’Union européenne (UE) avait en effet soutenu, ces dernières semaines, le plan russe proposant d’enrichir l’uranium iranien en Russie. Mais ce plan a échoué. Souci d’indépendance énergétique ou volonté de dissimuler un programme militaire ?, Téhéran refuse que certaines activités d’enrichissement de l’uranium, celles concernant la recherche, soient effectuées hors de son territoire. Des sources diplomatiques avaient affirmé en début de semaine qu’un nouveau plan élaboré par Moscou circulait dans les chancelleries. Le compromis aurait proposé, conformément au souhait de Téhéran, d’autoriser l’enrichissement d’une petite partie de l’uranium sur le territoire iranien, à des fins de recherche. Interrogé, le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov, en visite à Washington, a cependant formellement démenti l’existence d’un tel compromis.
Prudence diplomatique
Cela dit, rien ne semble encore joué. Il va falloir du temps avant que les quinze membres du Conseil de sécurité, dont l’Argentine assure ce mois-ci la présidence, ne se mettent d’accord sur un programme de sanctions. Celles-ci pourraient se traduire dans un premier temps, avant des sanctions économiques, par une limitation des voyages des dirigeants iraniens à l’étranger, ou une restriction de leur participation à des réunions internationales. Plusieurs diplomates ont indiqué que le premier texte susceptible d'être proposé à l'adoption du Conseil ne devrait pas être une résolution mais plutôt une déclaration présidentielle. Ce genre de texte n'a pas le caractère contraignant d'une résolution mais nécessite l'unanimité des quinze membres du Conseil.
On n’en est pas encore là. A New York, les ambassadeurs des cinq membres permanents du Conseil de sécurité (Etats-Unis, France, Grande-Bretagne, Chine, Russie) se sont réunis mercredi pour concertation. Tandis que l’ambassadeur chinois, inquiet, estimait la situation « très sérieuse », son homologue français soulignait que « l’action du Conseil devra être graduelle », le but étant de persuader les Iraniens « de revenir à la suspension » de leurs activités d’enrichissement d’uranium. « Nous en sommes encore à un stade préliminaire », a déclaré son homologue britannique, Emyr Jones Parry. Avant de poursuivre, tout en prudence diplomatique : « Nous allons maintenant intensifier nos discussions ici pour voir exactement ce que nous allons faire et je pense qu'il en sortira un accord de principe sur le moment où nous proposerons un texte au Conseil. » Une autre réunion doit avoir lieu vendredi.
par Philippe Quillerier
Article publié le 09/03/2006 Dernière mise à jour le 09/03/2006 à 17:41 TU