Rechercher

/ languages

Choisir langue
 

Grippe aviaire

Le Cameroun touché

Maroua est célèbre pour son quartier Doualaré, où se concentrent les activités liées au poulet. La présence du virus H5N1 dans cette ville est tout un symbole pour le pays.(Carte : DK/RFI)
Maroua est célèbre pour son quartier Doualaré, où se concentrent les activités liées au poulet. La présence du virus H5N1 dans cette ville est tout un symbole pour le pays.
(Carte : DK/RFI)
Les autorités ont annoncé officiellement la présence du virus H5N1 dans la ville de Maroua, située dans une région limitrophe du Nigeria. Elles n’ont toutefois pas mis ce pays en cause. Un plan d’urgence a été déployé mais, déjà, des défenseurs des intérêts des aviculteurs locaux, annoncent « des incidences catastrophiques » dans ce secteur, du fait d’une certaine psychose.

De notre correspondant à Yaoundé

Cela pourrait s’appeler opération « marchés de poulet fermés ». Lundi dans la matinée, une forte délégation d’officiels, d’experts vétérinaires et des forces de l’ordre, a effectué une descente dans les marchés de la ville de Maroua, à quelque 1 000 Km de Yaoundé, dans la province de l'Extrême-nord qui partage une longue frontière avec le Nigeria. « Certains commerçants de poulets affichaient une réelle résistance à suspendre leurs activités jusqu’à ce matin », expliquait à la mi-journée une source qui suit de près le dossier. Opération réussie, selon des informations recueillies de bonnes sources, puisque tous les marchés concernés sont restés effectivement clos dans la journée.

Une certaine psychose semblait s’être emparé des populations. « Tout le monde se méfie du poulet ici », indiquaient des sources concordantes sur place à Maroua. Le même vent de panique soufflait, plus ou moins confusément sur l’ensemble du pays lundi, accentuant les appréhensions de certaines ménagères, sans pour autant refréner les ardeurs des inconditionnels du poulet à Yaoundé, Douala, Bafoussam, Bamenda. Maroua est célèbre pour son quartier Doualaré, où se concentrent les activités liées au poulet. La ville par laquelle le pays a découvert la présence sur son sol du virus H5N1 est donc tout un symbole. L’annonce a été faite officiellement par les autorités, dans un communiqué rendu public samedi, au terme d’un processus vieux de plusieurs semaines.

Mesures d’urgence

Il a fallu attendre la confirmation des soupçons par le laboratoire de l’Institut Pasteur de Paris, lui-même prolongeant les analyses faites au Laboratoire national vétérinaire, puis le Centre Pasteur de Yaoundé. Entre les 21 et 23 février, des prélèvements avaient été effectués dans certains élevages à volailles, dont des canards. Dès l’annonce de la nouvelle, le gouvernement a pris des mesures d’urgence comme l’ouverture « d’une enquête épidémiologique rapide pour déterminer l’origine des canards suspects et le nombre d’oiseux éventuellement sortis de ces élevages vers d’autres destinations. Une interdiction formelle de sortie d’oiseaux de la ville de Maroua. La fermeture des marchés de volaille et leurs produits dérivés, ainsi que les autres animaux sensibles. La surveillance active de tous les élevages avicoles de la ville avec une enquête précise dans toutes les concessions de la ville où les cadavres ont été décelés. (…) La destruction des oiseaux par incinération et la désinfection des bâtiments », déclarait, dimanche, M. Abdoulaye Sarki, le ministre de l’Elevage, des pêches et des industries animales.

Des experts ont été dépêchés sur place à Maroua, zone qui faisait l’objet de mesures préventives, dont l’interdiction d’importations de volailles en provenance du Nigeria. M. Sarki a tout de même joué de prudence sur l’origine du virus. « Il n’y pas eu de contacts entre cet élevage (celui qui a fait l’objet de prélèvement, ndlr) et les oiseaux en provenance du Nigeria », a-t-il déclaré. Quelques jours avant l’annonce officielle de samedi, l’opinion semblait en alerte, suite notamment à l’incinération à Maroua d’un millier de poussins d’un jour abandonnés et réputés malades, mais dont l’origine était inconnue. Les autorités, qui essaient de jouer la carte de la transparence en évitant visiblement de créer ou d’entretenir la panique, ont même déjà fait savoir qu’elles envisagent d’assurer des indemnisations aux éleveurs qui seraient touchés, à hauteur de 2 000 Fcfa par animal abattu.

« Tenir informées les populations »

Combien de temps faudra-t-il attendre pour que d’éventuelles compensations soient versées aux aviculteurs ? Toujours est-il que ces derniers redoutent déjà une incidence négative sur leurs activités. « On ne s’ennuie pas encore. Mais nous savons que nos activités vont ralentir bientôt. Il n'y a que l’Etat pour prendre les mesures qui s’imposent », se lamente, stoïque, Joseph Takam, aviculteur installé à Bafoussam, à l’Ouest, un des principaux foyers d’approvisionnement du pays. Des observateurs qui suivent de près la filière avicole dont ils défendent les intérêts, sont plutôt alarmistes. « Il y aura des incidences catastrophiques sur le secteur. Avec la psychose qui a envahi les populations, la consommation va baisser, ainsi que les commandes », prédit Bernard Ndjomgang, président de l’Association citoyenne de défense des intérêts collectifs (Acdic), très présente sur front de la mobilisation en faveur des aviculteurs camerounais.

Bernard Ndjomgang décline, préoccupé, les articulations de ce qu’il considère comme un plan alternatif à celui des autorités. « A partir de ce lundi, une de nos équipes est envoyée dans la région infectée. Elle devra assurer un suivi quotidien de l’évolution de la situation et en tenir informées quotidiennement les populations. Il nous faudra travailler à mettre la pression sur les responsables administratifs pour qu’ils fassent leur travail ». Autant dire que le gouvernement risque de ne pas avoir le sommeil tranquille.


par Valentin  Zinga

Article publié le 13/03/2006 Dernière mise à jour le 13/03/2006 à 16:48 TU

Dossiers

(Conception : Bourgoing / RFI)