Proche-Orient
Spectaculaire opération israélienne contre une prison palestinienne
(Photo : AFP)
Ahmed Saadat, le chef du Front populaire de libération de la Palestine (FPLP) marchant les bras en l'air, en direction des soldats israéliens : l'image a marqué, mardi soir, la fin de l'opération israélienne contre la prison palestinienne de Jericho. Le matin, en quelques heures, le pénitencier avait été assiégé et pris d'assaut par l'armée israélienne. Les soldats, appuyés par des blindés, des hélicoptères et plusieurs dizaines de jeeps ont d'abord encerclé le bâtiment. Tandis que des bulldozers commençaient à démolir les murs du complexe, des militaires munis de mégaphones appelaient les détenus à se rendre. Lors de l’assaut, deux Palestiniens, dont un membre des services de sécurité de la prison, ont été tués par balles, et dix-huit blessés, selon des sources palestiniennes.
Cette opération visait à capturer Ahmed Saadat, le chef du Front populaire de libération de la Palestine (FPLP, composante de l’OLP comme le Fatah du président Mahmoud Abbas et le FDLP). Avec trois autres membres de ce mouvement radical, Saadat était emprisonné à Jericho depuis avril 2002, après avoir été jugé par un tribunal militaire palestinien pour l’assassinat du ministre israélien du Tourisme Rehavam Zeevi en 2001. Leur détention était placée sous supervision américano-britannique depuis 2002.
Selon un porte-parole de l'armée, 180 Palestiniens ont été arrêtés au cours de l'opération. Joint au téléphone par la chaîne arabe Al-Jazira, Ahmed Saadat avait affirmé dans la matinée que ni lui ni ses co-détenus ne se rendraient, en accusant les gardes britanniques et américains de « collusion avec les Israéliens ».
Peu avant le déclenchement de l’opération, les gardiens américains et britanniques avaient quitté les lieux, officiellement pour des raisons de sécurité. « Le Royaume-Uni et les Etats-Unis ont de manière répétée fait part de leurs préoccupations auprès de l'Autorité palestinienne à propos de la sécurité de nos observateurs », a déclaré le ministre britannique des Affaires étrangères Jack Straw. Mahmoud Abbas, actuellement en tournée en Europe, a affirmé tenir pour responsables les gardiens américains et britanniques. Il leur reproche d'avoir quitté la prison avant le lancement de l'offensive israélienne sans en avoir informé l'Autorité palestinienne, en « violation des accords internationaux passés en 2002. »
Le raid a été lancé à la suite d'informations sur un projet de Mahmoud Abbas de libérer Ahmed Saadat. Selon le ministre israélien de la Sécurité intérieure Gédeon Ezra, l’opération a été ordonnée par le Premier ministre par intérim Ehud Olmert « dans le cadre de la lutte anti-terroriste. Nous nous sommes engagés à ce que les assassins du ministre Rehavam Zeevi restent derrière les barreaux. » Le 7 mars, Mahmoud Abbas s'était dit prêt à libérer Ahmad Saadat - élu député, malgré sa détention, lors des législatives du 25 janvier remportées par le Hamas - si le FPLP le déchargeait de toute responsabilité pour sa sécurité, disant craindre qu'il ne soit assassiné par Israël. Des responsables israéliens ont récemment mis en garde contre l’élimination des membres du FPLP détenus à Jéricho au cas où ils seraient libérés.
Les Etats-Unis appellent au « calme »
Peu après le déclenchement de l’opération, des manifestations ont éclaté dans plusieurs villes de Cisjordanie et de la bande de Gaza, où le centre culturel britannique, pris d'assaut par des militants palestiniens, a été incendié et « très gravement endommagé », selon son directeur.
Plusieurs enlèvements, huit au total, ont eu lieu au cours de la journée. Un groupe armé proche du FPLP a revendiqué celui, confirmé par Paris, de deux ressortissantes françaises de l'organisation Médecins du Monde dans la bande de Gaza. On a signalé à Khan Younès le rapt du chef de la représentation du Comité international de la Croix-Rouge (CICR), un ressortissant suisse, celui d’un enseignant américain – rapidement libéré - à l'Université américaine arabe de Jénine, et celui de quatre personnes, dont deux journalistes sud-coréens, dans un hôtel de Gaza.
Pour tenter d’enrayer les violences, la police palestinienne a donné l'ordre à ses hommes de tirer à vue contre des Palestiniens qui porteraient atteinte à des intérêts étrangers dans la bande de Gaza. Un membre du FPLP a été tué et sept blessés dans des affrontements avec la police palestinienne à Gaza. Le poste frontière de Rafah, entre la bande de Gaza et l’Egypte, a été fermé.
Le dirigeant du mouvement islamiste Hamas, Khaled Mechaal, a appelé le quartet (Etats-Unis, Union européenne, Russie et ONU) à « intervenir pour sauver la situation ». Durant ce mardi, l'Egypte est restée en contact avec les différentes parties pour tenter de mettre un terme à l'opération israélienne, exprimant également sa « vive indignation », tandis que les Etats-Unis, comme la Grande-Bretagne, exhortaient Palestiniens et Israéliens au « calme » et à la « retenue ».
par Philippe Quillerier
Article publié le 14/03/2006 Dernière mise à jour le 14/03/2006 à 17:41 TU