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Mondial 2006

Un marché pour les réseaux de prostitution

Le co-président de la Fédération allemande de foot est devenu le parrain de la campagne « Ab pfiff » contre la prostitution forcée.(Sources : Fifa & Deutscher frauenrat)
Le co-président de la Fédération allemande de foot est devenu le parrain de la campagne « Ab pfiff » contre la prostitution forcée.
(Sources : Fifa & Deutscher frauenrat)
Mauvaise publicité pour la prochaine Coupe du monde de football (9 juin-18 juillet). Depuis deux mois, différentes associations attirent l’attention de la communauté internationale sur le risque d’une recrudescence de la prostitution, notamment forcée, en Allemagne à cette période.

« Cette 18e Coupe du monde de football battra-t-elle tous les records en matière de racolage ? » s’interrogeait Le Monde dans son édition du 26 février dernier. En effet, depuis le mois de janvier, plusieurs associations internationales mettent en garde contre la recrudescence de la prostitution, notamment illégale, pendant cette grand’ messe sportive prévue du 9 juin au 9 juillet dans douze villes allemandes. Trois millions de spectateurs sont attendus, en majorité des hommes, et, pour Interpol, il est « avéré » qu’« au moment des grands événements sportifs, les réseaux de prostitution mettent en place des structures spécifiques ». Selon un porte-parole de la police munichoise, quelque 2 000 prostituées travaillent dans la ville et ce chiffre pourrait être multiplié par trois pendant la Coupe du monde.

L’Allemagne, qui a légalisé la prostitution en 2002, permettant aux prostituées d’accéder à la sécurité sociale et de profiter d’un droit du travail, a décidé de canaliser cette recrudescence, si elle a bien lieu. A Cologne, les autorités ont prévu la construction, à proximité des stades, de « performance boxes », des petites cabines avec lit, douche et distributeurs de préservatifs et de snacks. Dortmund a opté pour le « drive-in » accessible en voiture, dans des périmètres définis et surveillés. Hambourg va lancer une campagne pour promouvoir des « rapports sexuels de qualité ». Les journaux rapportent que les établissements du quartier « rouge » de Reeperbahn ont déjà recruté du personnel « saisonnier » pour la période. La mairie de Berlin va distribuer 100 000 préservatifs et un tract en anglais édictant les 10 règles de bonne conduite pour les supporteurs souhaitant passer un moment avec une prostituée. Les autorités de Bavière (dont deux villes, Munich et Nuremberg, accueilleront des matches) veulent obliger les clients des bordels à mettre un préservatif. Des panneaux seront installés dans tous les établissements.

Prostitution légale et illégale

A côté de ces initiatives publiques, certains privés se sont organisés pour profiter des sorties de matches. Comme les propriétaires d’Artemis, une méga-maison close de 3 500 m², qui peut accueillir 600 clients à la fois. Ouvert en septembre dernier, il se trouve à quelques stations de métro et 25 minutes à pied du stade olympique de Berlin. Difficile de savoir combien de filles vont faire le voyage en Allemagne pour se prostituer. Le chiffre de 40 000, colporté par la presse ces dernières semaines, est réfuté de toutes parts. Difficile également de faire la différence entre prostitution légale et illégale.

Daniela Tofoli, journaliste pour le grand quotidien paulista, la Folha de Sao Paulo, a rencontré en février dernier plusieurs prostituées brésiliennes qui se préparent à partir en Allemagne. Comme Marjorri, 25 ans, qui a remis à jour son passeport et acheté un dictionnaire portugais/allemand en prévision de son départ fin mai. Elle a déjà pris contact avec une maison close allemande. « Certains de mes clients vont assister aux matches là-bas, je vais donc avoir du travail garanti. En plus, je serais payée en euros. Je vais pouvoir gagner le double de ce que je gagne habituellement », explique la jeune femme. Si certaines femmes, comme Marjorri, partent volontairement, d’autres, au Brésil, en Afrique et en Europe de l’Est, risquent d’être victimes de réseaux de trafiquants.

Campagnes mondiales

Pour sensibiliser l’opinion publique sur ce phénomène, différentes campagnes internationales ont été lancées. Celle de Coalition contre la traite des femmes (CATW), « Acheter du sexe n’est pas un sport », l’a été le 25 janvier. L’ONG, qui fustige la prostitution illégale mais aussi légale, a mis en ligne une pétition en 6 langues pour « protester contre la promotion publique de la prostitution durant la Coupe du monde de football ». Le co-président de la Fédération allemande de foot, Theo Zwanziger, qui avait reconnu avoir « sous-estimé » le problème, est devenu le parrain de la campagne « Ab pfiff » (« Coup de sifflet final ») contre la prostitution forcée, lancée le 7 mars et orchestrée notamment par le Conseil national des femmes en Allemagne, une fédération d’associations féminines. « Ce n’est pas une campagne contre la prostitution ou les prostituées. Ce n’est pas non plus une campagne contre les clients ou le football », précise sa présidente Brunhilde Raiser.

Le Parlement européen réfléchit à la mise en œuvre d’une campagne européenne d’information et d’éducation du public sur la prostitution forcée des femmes lors de la Coupe du monde. Il préconise la mise en place, en Allemagne, d’un numéro vert pour les femmes en détresse. A part Theo Zwanziger, les responsables des institutions sportives, tout comme les sportifs, restent en dehors du débat. La Fédération internationale de football (Fifa) a juste assuré « qu’il n’y aura pas de prostitution dans et autour des stades ».


par Olivia  Marsaud

Article publié le 17/03/2006 Dernière mise à jour le 17/03/2006 à 19:22 TU