Rechercher

/ languages

Choisir langue
 

Guinée-Bissau-Sénégal

Salif Sadio pris à revers par l’armée bissau-guinéenne

«<em>Notre objectif, c'est de prendre Salif Sadio et sa base</em>», explique le commandant des troupes bissau-guinéennes.(Carte : C.W. / RFI)
«Notre objectif, c'est de prendre Salif Sadio et sa base», explique le commandant des troupes bissau-guinéennes.
(Carte : C.W. / RFI)
Selon notre correspondant en Guinée-Bissau, Alain Yero Embalo, qui s’est rendu à la frontière sénégalaise, l’armée bissau-guinéenne a pénétré jeudi en territoire sénégalais, jusqu’à deux ou trois kilomètres à l’intérieur de la Casamance. Pour sa part, l’armée sénégalaise dément toute «intrusion». En tout cas, officiellement, au moins 600 soldats participent à l’expédition bissau-guinéenne. Son quartier général est établi dans la localité de Sao Domingos où a été déployée l’artillerie lourde pour pilonner les bases-arrières des indépendantistes casamançais. Avant de partir, ces derniers en ont miné les abords où un bus a sauté, jeudi, provoquant la mort de onze passagers. Vendredi, l’opération de nettoyage militaire bissau-guinéenne se poursuivait.

Jeudi après-midi, «un bus de brousse a sauté sur un engin explosif sur la route reliant Sao Domingos à Varela», un axe bissau-guinéen habituellement très fréquenté par des riverains de la frontière, rapporte le délégué régional du Comité international de la Croix-Rouge (CICR), qui indique que «onze morts ont été recensés [et que] 12 blessés [ont été transportés] dans un état préoccupant à Ziguinchor», la principale ville de la Casamance, au sud du Sénégal, à une vingtaine de kilomètres au nord du théâtre des opérations bissau-guinéennes.

Vendredi, des tirs résonnaient toujours à la frontière franchie, sinon par les hommes, du moins par les balles voire les roquettes des troupes bissau-guinéennes. Mais, après trois jours de bruits de guerre, en l’absence d’une réaction politique de Dakar, les seules déclarations officielles émanent de sources militaires sénégalaises et bissau-guinéennes, les premières donnant à penser que Dakar a décidé de fermer les yeux, les secondes affichant crûment la couleur d’une opération de nettoyage des bases arrières des indépendantistes casamançais.

Pas d'intrusion bissau-guinéenne selon l'armée sénégalaise

«Nous n'avons pas une idée précise de ce qui se passe exactement. Les choses se passent vers la frontière, en territoire bissau-guinéen. Nous ne sommes pas impliqués», s’est défendu le chef de la Direction de l'information et des relations publiques des armées (Dirpa) du Sénégal, le lieutenant-colonel Antoine Wardini, interrogé par l’Agence France Presse (AFP). Pour sa part, il dénie toute «intrusion de l'armée bissau-guinéenne en territoire sénégalais».

«Notre objectif c'est de prendre Salif Sadio et sa base», explique en revanche à l’AFP le major Québa Djiassi, qui commande les troupes bissau-guinéennes chargées de mener l’offensive sur Baraca Mandioca, une localité des confins nord de la Guinée-Bissau, fief du patron de la branche militaire du Mouvement des forces démocratiques de la Casamance (MFDC), Salif Sadio. Il ne s’agit donc plus du tout de manœuvres militaires de routine, comme le disait Bissau précédemment, mais plutôt d’un exercice en vraie grandeur visant les indépendantistes casamançais.

Selon le major Djassi, les combats engagés dans la nuit de mercredi à jeudi auraient fait trois morts et quatre blessés dans l’armée bissau-guinéenne. Jeudi en fin d’après-midi, des centaines de civils continuaient à fuir la région. Parmi eux, des indépendantistes, qui circulent comme poissons dans l’eau. Une vingtaine de militants du MFDC seraient toutefois tombés aux mains des soldats de Guinée-Bissau. De source militaire bissau-guinéenne, l’un des conseillers de Salif Sadio, Malamine Tamba, a été arrêté et conduit au commissariat de Sao Domingos. Vendredi, les ratissages se poursuivaient.

Une opération conduite par Bissau avec le concours de factions du MFDC

Le major Djiassi interrogé par l’AFP indique également que l’opération a été décidée au niveau de l’état-major général de l’armée bissau-guinéenne et qu’elle reçoit l’appui de certaines factions du MFDC. A l’heure de la redistribution des cartes militaires au sein du MFDC, où le commandement doit être «réunifié» avant le prochain round de négociations avec Dakar, le «général en chef» du MFDC, Salif Sadio, paraît donc pris en étau entre Bissau, où règne de nouveau le président «Nino» Vieira et ses frères ennemis du MFDC, sous l’œil sans doute intéressé de Dakar.

De retour au pouvoir, le président bissau-guinéen garde rancune du soutien passé des indépendantistes à son défunt tombeur, le général Ansoumane Mané. Et du côté des concurrents de Sadio, au sein du MFDC, un autre chef de guerre, Ibrahima Magne Diémé aurait organisé le premier assaut lancé dans la nuit de mardi à mercredi. Le moment venu, Bissau pourrait se réclamer, si nécessaire, d’un «droit de poursuite» en territoire casamançais pour justifier le pilonnage des environs de Bambali et de Guedel, au sud du Sénégal, dans la ligne de mire de ses batteries d’artillerie. Mais si les dégâts collatéraux ne sont pas trop lourds et si l’affaire est rapidement expédiée, Dakar pourra se suffire de compter les points.

«Tous les endroits autour des bases que nous visons sont truffées de mines, ce qui pourrait ralentir notre progression en direction de l'état-major de Salif Sadio», indique le commandant des troupes bissau-guinéenne. L’opération de nettoyage pourrait traîner en longueur et Sadio et ses hommes profiter de leur connaissance du terrain. Dans l’immédiat, cette affaire empoisonne à nouveau l’air casamançais. A moins de s’avérer radicale, elle menace de compromettre la reprise rapide des négociations lancées officiellement en février 2005 entre le gouvernement sénégalais et le MFDC pour consolider l'accord général de paix signé le 30 décembre 2004, à Ziguinchor.


par Monique  Mas

Article publié le 17/03/2006 Dernière mise à jour le 17/03/2006 à 16:34 TU

Audio

Alioune Tine

Secrétaire général de l'ONG Rencontre africaine des droits de l'Homme.

«C'est carrément la relance du conflit.»

[17/03/2006]

Répercussions en Guinée-Bissau du conflit séparatiste en Casamance

«D’importants renforts bissau-guinéens ont été acheminés hier à Sao Domingos (Guinée Bissau)»

[18/03/2006]

Conflit frontalier entre le Sénégal et la Guinée-Bissau

Par Alain Yero Emballo, envoyé spécial à Sao Domingos

«La nuit a été calme, un calme précaire qui ne rassure pas les habitants de Sao Domingos qui n’ont pas quitté la ville.»

[19/03/2006]

Articles