Espagne
Espoir prudent après le cessez-le-feu de l’ETA
(Photo : AFP)
« Alto el fuego permanente ». De nombreux journaux espagnols examinaient à la loupe, jeudi, les termes du communiqué de l’ETA, soulignant le fait que le cessez-le-feu était qualifié de « permanent » par l’organisation séparatiste basque. Le quotidien El Pais juge le mot « ambigu » et estime que cette formulation ne correspond pas à « la fin définitive de la violence » exigée, en préalable à tout « dialogue » avec l’ETA, par une résolution votée au Congrès espagnol en mai 2005. Le chef du Parti Populaire (PP, droite), Mariano Rajoy, est plus catégorique. « On nous annonce un nouveau cessez-le-feu, déclare le leader de l'opposition espagnole. C'est une pause, ce n'est pas un renoncement à l'activité criminelle (…) L’ETA ne se repent de rien et ne demande pas pardon aux victimes du terrorisme. »
La méfiance est alimentée par l’échec de deux précédentes tentatives de dialogue avec l'ETA qui avaient suivi les trêves de 1989 et 1998. Aussi la presse est-elle unanime à suggérer qu'avant de faire un pas, « il sera nécessaire, en accord avec la résolution approuvée en mai par le Congrès, de vérifier s'il s'agit d'un engagement ferme de renoncement définitif à la violence, incluant le recours à l'extorsion et à d'autres formes de contrainte. »
Ne payer « aucun prix politique » aux terroristes
(Photo : AFP)
Le président du gouvernement espagnol José Luis Zapatero, en voyage à Bruxelles jeudi pour le Conseil européen, est bien conscient de l’ampleur de la tâche. Lui qui a fait de la paix au Pays basque la priorité de son mandat prévenait dès mercredi que « après tant d'années d'horreur et de terreur, ce sera un processus long et difficile ».
Il devrait entamer à partir de mardi des consultations avec les principaux partis politiques. Son premier rendez-vous sera avec Mariano Rajoy, auquel il a lancé mercredi un appel à l'union. Le leader du Parti Populaire (dont le mouvement est le seul à n’avoir pas voté la résolution de mai 2005) a répondu qu'il était « disposé à soutenir le gouvernement pour qu'il ne paie aucun prix politique » aux terroristes. On ne sait pas encore quel rôle pourrait jouer le parti interdit Batasuna, bras politique de l'ETA, dont le leader Arnaldo Otegi, qui comparaît vendredi en justice comme « instigateur » d'actes terroristes, risque la prison ferme.
Le droit des Basques à « décider » de leur avenir
Des rumeurs faisaient état, depuis des semaines, de négociations secrètes entre l’organisation séparatiste et le gouvernement de Madrid. Ainsi, après 38 ans de violences terroristes ayant fait quelque 800 morts, les terroristes basques seraient prêts, à l’instar de l’Armée républicaine irlandaise récemment, à passer de la lutte armée à la lutte politique. L'objectif du cessez-le-feu, selon l’ETA, « est de lancer un processus démocratique au Pays basque afin de construire un nouveau cadre dans lequel nos droits en tant que peuple seront reconnus, et afin de permettre le développement futur de toutes les options politiques. » Et le texte de réaffirmer le droit des Basques à « décider » de leur avenir.
Comme leurs homologues espagnols, les dirigeants étrangers sont partagés. Si l'annonce de l’ETA est un « signe extrêmement positif », selon le chancelier autrichien Wolfgang Schüssel, président en exercice de l'Union européenne (UE), la Commission européenne refuse de spéculer sur le retrait éventuel de l'ETA de sa liste d'organisations terroristes. Plus enthousiaste, le président français Jacques Chirac a estimé que le cessez-le-feu représentait « un grand espoir pour l'Espagne et pour la lutte contre le terrorisme » et rappelé la « coopération exemplaire » de Paris et Madrid dans ce domaine. A Washington, la prudence domine : « Toute mesure décisive prise par l'ETA pour abandonner la violence doit être bien accueillie », a déclaré le porte-parole du Département d'Etat.
par Philippe Quillerier
Article publié le 23/03/2006 Dernière mise à jour le 23/03/2006 à 17:10 TU