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Sénégal

Casamance : retour à la case cauchemar pour les réfugiés

En Casamance, le camp de réfugiés de Bourgadie, proche de la frontière bissau-guinéenne, accueille près de 800 personnes.(Photo : AFP)
En Casamance, le camp de réfugiés de Bourgadie, proche de la frontière bissau-guinéenne, accueille près de 800 personnes.
(Photo : AFP)
Les combats qui se déroulent depuis maintenant deux semaines à la frontière entre la Guinée-Bissau et le Sénégal ont provoqué le déplacement de milliers de personnes. 795 d'entre elles sont hébergées dans un «camp de transit» près de Ziguinchor, une des principales villes de la Casamance, au sud du Sénégal. Ce sont des Sénégalais pour la plupart et, pour beaucoup, c'est un retour vers la case cauchemar qu'ils croyaient avoir dépassé.

De notre envoyée spéciale en Casamance

Sous un soleil écrasant, des filles jouent au ballon, des petits garçons se poursuivent en laissant échapper des éclats de rire qui rejaillissent un bref instant sur le visage de leurs mères. Autour d'eux, des matelas sans housse trônent sur des étals en béton, voisinant avec des baluchons ou quelques maigres affaires dans des sacs en plastique bleu. On est au «camp de transit pour réfugiés et déplacés» installé au marché de Bourgadié, un quartier de Mpack, à une dizaine de kilomètres de Ziguinchor, près de la frontière avec la Guinée-Bissau.

«Le 17 mars au matin, un message est parvenu à la gouvernance de Ziguinchor, faisant cas de déplacement de personnes à travers la frontière bissau-guinéenne, et il était rapporté qu'environ 2 000 personnes avaient franchi la frontière. La cellule de gestion (de réfugiés et déplacés) a immédiatement été convoquée, et elle a aussitôt identifié le site de Bourgadié», a expliqué à RFI le docteur Ibra Sène, coordonnateur de cette cellule relevant de la gouvernance de Ziguinchor. A la date du mercredi 29 mars, 795 personnes représentant 131 familles - des Bissau-Guinéens, mais surtout beaucoup de Sénégalais - étaient hébergées à Bourgadié. Cet effectif comprenait «425 enfants âgés de moins de 15 ans», a ajouté le Dr Sène, en précisant que les autres déplacés et réfugiés ont été accueillis par des membres de leurs familles ou des relations installées dans la région.

«C'est le même problème qui nous ramène»

Le Sénégalais Alphonse Carvalho, marié à deux femmes et père de douze enfants, avait quitté le Sénégal il y a 12 ans à cause la rébellion indépendantiste armée déclenchée en 1982 par le Mouvement démocratique des forces de la Casamance (MFDC) et marquée par des attaques armées. Fin 2004, la direction historique du mouvement a signé un accord général de paix avec le gouvernement sénégalais, la situation sur le terrain s'était considérablement apaisée depuis plusieurs mois. Depuis, Alphonse nourrissait l'espoir de voir s'installer «une paix définitive», en cultivant de l'arachide, du riz et des produits maraîchers à Soungoutoto, à environ un kilomètre de Sao Domingos, quartier général à l'armée bissau-guinéenne officiellement en guerre contre l'état-major de Salif Sadio, lui-même autoproclamé «général en chef du MFDC». Aujourd'hui, dit-il, le cauchemar recommence, «c'est le même problème qui nous ramène ici encore».

Idem pour Adolphe Mendy, père de huit enfants dont trois qu'il était parvenu à inscrire à l'école grâce aux revenus tirés de l'agriculture dans son exil à Djégué. «J'ai quitté Djégué le 18 mars à cause des combats qu'on a entendus soudainement à Sao Domingos», affirme Adolphe, originaire du village sénégalais de Baraca Mano.

En attendant la fin des combats, que tous appellent de leurs voeux, les réfugiés et déplacés du camp de Bourgadié sont pris en charge notamment par les services régionaux de l'Etat, le Programme alimentaire mondial (PAM, qui fournit les denrées) et le Comité international de la Croix-Rouge (CICR, qui aide à l'organisation et à la préparation des repas). Aucune nouvelle arrivée n'a été enregistrée depuis lundi, selon Lamine Coly, responsable des volontaires de la Croix-Rouge de Ziguinchor qui sont «intervenus en Guinée-Bissau» dès le premier jour des combats et sont à Bourgadié depuis le 18 mars.

Transfert en vue

Lamine Dhiédhiou, chef du Collectif des jeunes éclaireurs et scouts musulmans, est également sur place «nuit et jour». Entre deux programmes à vocation «psychosociale» pour les enfants, il tente de préparer les réfugiés et déplacés à un transfert vers un autre site à Guérina (environ 20 km de Ziguinchor). «Il nous reste le curage de puits, mais d'autres dispositions pourraient être prises, et nous attendons le signal des autorités pour procéder à ce transfert», envisagé sur la base de «considérations notamment sécuritaires», a précisé le Dr Ibra Sène, sans donner de détails.

Beaucoup de déplacés et réfugiés avouent appréhender les lendemains qui suivront la fin des combats, et confient notamment leurs craintes sur l'enfouissement d'engins explosifs dans des zones précédemment déminées. C'est le cas de la Bissau-Guinéenne Estelle Malack, venue à Bourgadié avec sept membres de sa famille. «Je veux que la guerre se termine, mais aujourd'hui, j'ai peur de mourir à cause d'une mine quand je pourrais aller ramasser des noix de cajou ou cueillir le gombo qu'on cultive», dit-elle.


par Coumba  Sylla

Article publié le 31/03/2006 Dernière mise à jour le 31/03/2006 à 17:13 TU