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France

CPE : Chirac tente un compromis

Jacques Chirac&nbsp;: «&nbsp;<em>dénouer la situation en étant juste et raisonnable&nbsp;</em>»(Photo: DR)
Jacques Chirac : « dénouer la situation en étant juste et raisonnable »
(Photo: DR)
Le président de la République a annoncé la promulgation de la loi instaurant le contrat première embauche (CPE) lors de son allocution télévisée, vendredi 31 mars. Jacques Chirac a néanmoins pris dans le même temps la décision de demander des modifications sur les deux points qui font l’objet d’une contestation : la durée de la période d’essai, qui sera ramenée à un an, et les conditions de la rupture du contrat (le «droit du salarié à connaître les raisons» d’une éventuelle rupture de contrat sera inscrit dans la nouvelle loi). Dans cette optique, le chef de l’Etat a appelé les partenaires sociaux, les organisations étudiantes et lycéennes à prendre «toute leur part dans l’élaboration de ces nouvelles dispositions». Deux lois pour le prix d’une et le temps de voir venir.

Aucun contrat première embauche ne sera signé avant que les modifications demandées par Jacques Chirac n’aient été votées. Le CPE n’est ni retiré, ni suspendu. Pour autant, il ne sera pas immédiatement appliqué. C’est finalement ce scénario de sortie de crise que le chef de l’Etat a choisi. Un scénario qui permet à la fois de ne pas faire mine de reculer mais qui donne du temps au temps dans l’espoir que les syndicats salariés, étudiants et lycéens saisiront la main tendue. Car Jacques Chirac leur a lancé un appel clair à participer à l’élaboration d’une nouvelle loi qui modifiera le CPE sur les points les plus décriés.

«La période [d’essai] de deux ans sera réduite à un an. En cas de rupture du contrat, le droit du jeune salarié à en connaître les raisons sera inscrit dans le nouvelle loi». C’est en acceptant de remettre sur la table de la négociation ces deux mesures, sources de précarité accrue pour les jeunes selon les opposants au CPE, que le chef de l’Etat tente de montrer qu’il tient compte du mouvement de protestation qui agite la France depuis maintenant deux mois. Il n’est pas question pour lui que le débat reste bloqué sur la revendication du retrait du texte. Jacques Chirac a fait valoir sur cette question une position nette : une loi votée par les élus doit être promulguée. Mais il a voulu faire de cette promulgation un point de départ plutôt qu’un point de rupture. Car pour Jacques Chirac, «le moment est venu d’aller de l’avant».

Villepin a raison, mais…

Le président de la République n’a donc pas désavoué son Premier ministre. Il a même réaffirmé pour justifier son action que le contrat première embauche «peut être un instrument efficace pour l’emploi». Pour autant, il ne lui a pas donné totalement raison puisque la copie doit être revue. Il n’a pas non plus réellement choisi la voix du passage en force (promulgation-mise en œuvre) puisque l’application du CPE est repoussée à plus tard. A posteriori, les efforts déployés par l’entourage de Dominique de Villepin depuis quelques jours pour affirmer la parfaite communion de pensée entre les deux hommes ressemblent à une tentative de conjurer le sort.

La satisfaction de Nicolas Sarkozy, qui s’est exprimé quelques minutes seulement après le chef de l’Etat, est à elle seule révélatrice du fait que la solution proposée par Jacques Chirac ne va pas à 100% dans le sens de Dominique de Villepin. Le président de l’UMP (Union pour un mouvement populaire) a salué la décision «de sagesse» du chef de l’Etat et s’est félicité du fait qu’elle corresponde aux attentes exprimées par les députés de son parti. Il a, lui aussi, appelé les opposants aux CPE à «prendre leurs responsabilités» car «il n’est jamais trop tard pour sortir d’une crise».

Reste à savoir si, du côté de l’intersyndicale anti-CPE, la tentation du compromis sera plus forte que celle de l’affrontement. Rien n’est moins sûr pour le moment. Les premières réactions ont été particulièrement hostiles. Bernard Thibault, le secrétaire général de la CGT, a déclaré que «rien n’avait fondamentalement changé» avec l’intervention de Jacques Chirac. Il a donc affirmé que son syndicat n’irait pas discuter demain plus qu’hier «d’aménagements» d’un contrat «dérogatoire au droit social pour les moins de 26 ans». Jean-Claude Mailly, son homologue de Force ouvrière, a déclaré que la proposition du chef de l’Etat était «incompréhensible et inacceptable». A la CFDT, on est sur la même ligne. Rémi Jouan, le porte-parole de la confédération, a conclu : «La mobilisation reste vraiment nécessaire». 

Les jeunes en colère

Bruno Julliard, le président du syndicat étudiant Unef, a affirmé que «les jeunes, ce soir, doivent se sentir méprisés et pas entendus par le président». Une opinion confirmée par les réactions des centaines de jeunes qui s’étaient rassemblés sur de nombreuses places dans les grandes villes de France dans l’attente de l’allocution de Jacques Chirac et qui ont exprimé leur déception et leur colère à la suite de l’intervention du président de la République.

L’appel à la grève et à la manifestation le 4 avril est donc maintenu. Pour le moment, la tentative de compromis de Jacques Chirac n’a pas obtenu d’écho. Pour autant, il n’est pas évident que les syndicats puissent rester ad vitam aeternam dans la même posture de refus irréductible.


par Valérie  Gas

Article publié le 31/03/2006 Dernière mise à jour le 31/03/2006 à 22:09 TU

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