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CPE : Chirac n’a pas désamorcé la fronde

La mobilisation reste forte du côté des opposants au CPE.(Photo: AFP)
La mobilisation reste forte du côté des opposants au CPE.
(Photo: AFP)
Jacques Chirac n’est pas parvenu à apaiser la colère des anti-CPE, déterminés au contraire à rejeter le scénario de compromis -à propos du contrat première embauche- proposé, vendredi, par le président de la République.

Promulguer la loi au risque, sinon, de désavouer son Premier ministre, tout en n’appliquant pas cette loi en l’attente d’un nouveau texte législatif qui la modifierait ; autrement dit, tenter de dénouer la crise sans prendre de mesure catégorique susceptible de fâcher les uns ou les autres : c’est ce que le président de la République, Jacques Chirac, a tenté de faire vendredi soir en s’adressant solennellement à la nation. « C’est la première fois dans l’histoire, à ma connaissance, qu’on promulgue une loi en demandant qu’elle ne soit pas appliquée », a ironisé le leader du parti centriste UDF, François Bayrou. Résultat : samedi, la presse parlait de numéro de « grand écart » ou bien encore d’« équilibriste » qui n’a pas réussi à apaiser la fronde des opposants au CPE. Au contraire.

Même si M. Chirac a semblé faire des concessions de fond, les syndicats lui ont opposé une fin de non recevoir en maintenant leur appel à une nouvelle journée d'action le 4 avril. C’est « incompréhensible et inacceptable », selon Force ouvrière. « Nous nous sentons méprisés par l’autisme de Jacques Chirac, nous allons poursuivre notre mobilisation », a prévenu Bruno Julliard, président de l’Unef (Union nationale des étudiants de France) qui entend relever le défi du « bras de fer ». Jacques Chirac a semé « la confusion. La mobilisation garde toute sa pertinence », selon la CFDT, qui rejette le compromis. Pour la CGT, le principal syndicat du pays, Jacques Chirac a pris « la responsabilité de prolonger la crise et d’amplifier la mobilisation » en promulguant la loi.

En somme, tous ont à nouveau exigé un retrait pur et simple du contrat première embauche et refusé tout « aménagement ». Du côté des étudiants et des lycéens, ils ont été quelque deux mille, à Paris, à manifester, le soir même de l’intervention du président. Une nouvelle fois, ces manifestations ont été émaillées d'incidents dans la capitale : cent-sept personnes ont été interpellées dans la nuit de vendredi à samedi, et neuf ont été placées en garde à vue à la suite de violences et de dégradations volontaires. Ces actes de vandalisme ont été déploré par le maire (PS) de Paris, Bertrand Delanoë. Ce dernier réaffirme son « opposition ferme à la décision un peu grotesque du chef de l’Etat sur le CPE », mais il « déplore et condamne ces actes inacceptables qui sont le fait d’irresponsables intervenant en marge des manifestations contre le CPE, en dénaturent l’esprit démocratique et pacifique, et contribuent à accroître la tension dans un climat déjà préoccupant ».

Jacques Chirac a su « concilier la raison et l’action »

Le Premier ministre Dominique de Villepin recevait samedi matin les responsables de la majorité : outre le président de l’UMP et ministre de l’Intérieur Nicolas Sarkozy, étaient présents le ministre délégué aux Relations avec le Parlement, Henri Cuq, les présidents des deux chambres, Jean-Louis Debré (Assemblée nationale) et Christian Poncelet (Sénat), ainsi que les présidents des groupes UMP Bernard Accoyer (Assemblée) et Josselin de Rohan (Sénat).

Pour les députés de la majorité, Jacques Chirac a su « concilier la raison et l’action ». Les responsables de la majorité ont déclaré s’entendre« sur la ligne stratégique ». Ainsi, à sa sortie de Matignon, Nicolas Sarkozy a déclaré : « Il faut que tout cela s’arrête le plus tôt possible, que les étudiants puissent recommencer à étudier, que les lycéens retrouvent les lycées et qu’on puisse retrouver les conditions d’un dialogue approfondi sur la base de ce qu’a dit Jacques Chirac ».

Selon la présidente du Medef, Laurence Parisot, l’intervention présidentielle a été favorablement entendue par les chefs d’entreprise qui ont un « sens réaliste et pragmatique ». Elle a ajouté que ces derniers « ont compris que le CPE, tel qu’il est défini actuellement, fait peur, et est anxiogène. Le nouveau CPE gardera les avantages de souplesse et de flexibilité tout en se rapprochant d’un droit ordinaire, pas éloigné des autres contrats de travail ».

« Une politique de régression et de stigmatisation sociales » 

Le président du groupe UMP à l'Assemblée, Bernard Accoyer, se retrouve en charge du dossier CPE, passé désormais aux mains des parlementaires. Il « prendra contact très rapidement » avec les syndicats pour « renouer le fil du dialogue et préparer la proposition de loi sans préjugés », en accord avec son homologue au Sénat, Josselin de Rohan, a précisé l'entourage du député.

Réunis place du Colonel Fabien, au siège du PCF, les représentants de onze partis de gauche et d'extrême gauche (PS, Verts, PCF, PRG, MRC, LCR et cinq petites formations), dont les chefs de file s'étaient rencontrés vendredi à l'Assemblée, ont adopté une déclaration commune en riposte aux déclarations de Jacques Chirac et demandent le retrait du CPE. François Hollande, Premier secrétaire du Parti socialiste, a annoncé samedi qu'une proposition de loi serait déposée à l'Assemblée nationale dans les prochains jours pour abroger les contrats CPE et CNE.

Les représentants de la gauche politique se sont joints à l’appel des syndicats pour la journée de grève et de manifestation de mardi prochain. Martine Aubry, ancienne ministre du Travail, de l’Emploi et Solidarité (PS) -à l'origine de la loi sur les 35 heures- déclare : « Tous ceux qui ne veulent pas de cette société dure pour les plus fragiles, douce pour les plus forts, doivent leur dire : nous demandons le retrait du CPE, qui est devenu le symbole d’une politique de régression et de stigmatisation sociales ». Le succès attendu du 4 avril devrait venir en appui à la bataille parlementaire qu'entend conduire le PS.


par Dominique  Raizon

Article publié le 01/04/2006 Dernière mise à jour le 01/04/2006 à 17:21 TU

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