Vatican
De Jean-Paul II à Benoît XVI
(Photo : AFP)
16.X.1978 – 2.IV.2005. Deux dates gravées dans le marbre de la tombe de Jean Paul II, où entre 10 000 et 15 000 fidèles viennent se recueillir chaque jour, dans la crypte de la basilique Saint-Pierre. Deux dates qui rappellent la durée, 26 ans, d’un pontificat hors du commun. Jean Paul II restera comme le pape des superlatifs. Par ses voyages à travers le monde, par ses écrits, par ses gestes symboliques, Karol Wojtyla a marqué durablement l’Eglise catholique, et un an après sa mort, son héritage fait encore l’objet de multiples analyses.
A l’heure où les tensions inter-religieuses semblent connaître un regain de vigueur, comment ne pas rappeler les gestes inédits effectués par Jean Paul II : à la Synagogue de Rome, au Mur occidental à Jérusalem, à la mosquée de Damas. On pourrait ajouter, par sa force symbolique, la visite à Ali Agça, en prison, pour pardonner l’homme qui, le 13 mai 1981, tenta de le tuer place Saint-Pierre. L’héritage de Wojtyla, ce sont de nombreuses encycliques, certes, mais c’est sans doute la force d’un témoignage qui a frappé l’opinion, souvent bien au-delà du seul monde catholique.
Benoît XVI inscrit dans le sillage du Concile Vatican II
Comment cet héritage est-il assumé par son successeur, Benoît XVI ? « J’observerai les choses pendant un an, puis je déciderai », aurait confié, peu après son élection, le nouveau pape à son entourage qui lui demandait quelles réformes il entendait apporter. A dire vrai, par petites touches, le nouveau locataire du palais apostolique a déjà imprimé un nouveau style. Jean Paul II multipliait voyages et documents ? Benoît XVI préfère réduire la surface médiatique de sa fonction. Le pape polonais intervenait très souvent pour dénoncer telle ou telle situation de guerre à travers le monde ? Le pape allemand ne traite que rarement en public les thèmes de politique internationale. Son prédécesseur négligeait la curie et travaillait en équipe, Benoît XVI préfère consulter davantage, mais trancher seul. C’est lui, d’ailleurs, qui écrit de sa main la plupart de ses interventions publiques. Le nombre de personnes « bien informées » dans les étages supérieurs du palais semble avoir diminué, tant le pape aime être discret.
Joseph Ratzinger souhaite imposer à la papauté et à la curie romaine une sorte de cure d’amaigrissement. Il a déjà annoncé le regroupement de plusieurs services, le « ministère » des migrants passant désormais sous la coupe du Conseil Justice et Paix, et le Conseil pour le dialogue inter-religieux étant intégré au Conseil de la Culture. Le dialogue avec les autres croyances serait-il devenu moins important ? Au Vatican, on récuse cette hypothèse. Symboliquement, toutefois, difficile de ne pas y voir un changement de cap vis-à-vis du pontificat précédent.
Car pour le nouveau pape, un pape très européen par ses centres d’intérêts, la priorité est, certes, de s’inscrire dans le sillage du Concile Vatican II et dans l’héritage de son prédécesseur, mais surtout de réaffirmer avec force l’identité catholique et l’unité de l’Eglise. Cela s’est traduit par une volonté explicite de résorber le schisme des intégristes, qui faisait l’objet des discussions du récent consistoire. Cela s’est traduit par la défense du droit de l’Eglise à intervenir dans le débat public pour la défense de la vie et de la famille, la scène espagnole étant le théâtre où, sur ces points, l’affrontement est le plus vif avec la culture laïque.
C’est encore sur la base de cette réaffirmation de l’identité catholique que Benoît XVI entend poursuivre le dialogue avec les autres confessions chrétiennes. De ce point de vue, tout était déjà écrit dans le fameux document, Dominus Iesus, publié en l’an 2000 par le cardinal Ratzinger. Depuis un an, un nouveau climat semble à cet égard s’être instauré avec le monde orthodoxe, notamment avec le patriarcat de Moscou.
L’Asie, défi du 3e millénaire pour Jean Paul II, le reste pour Benoît XVI
Enfin, si la question sociale et la géopolitique sont beaucoup plus absentes que durant le pontificat précédent, Benoît XVI ne cache pas son ambition de libérer les catholiques chinois des brimades, voire des persécutions, qu’ils ont subi depuis l’avènement du communisme à Pékin. La récente élévation au rang de cardinal de Mgr Zen, l’archevêque de Hong Kong, connu pour son engagement très net en faveur de la liberté religieuse, pourrait marquer un tournant.
Deux dossiers empêchent, depuis des lustres, le rétablissement des relations diplomatiques entre le Vatican et Pékin. L’un est purement politique, il s’agit de la reconnaissance diplomatique de Taiwan : le Saint-Siège semble prêt à y renoncer assez facilement. Le deuxième dossier est plus délicat, puisqu’il s’agit de la nomination des évêques chinois sur laquelle ni Rome ni Pékin ne veulent perdre la main. Officiellement, chacun campe sur ses positions, mais dans les faits, presque tous les évêques dits « officiels » nommés par Pékin au sein de l’Eglise patriotique demandent en coulisse l’aval du Pape. Pour l’Eglise aussi la Chine s’éveille, et l’occasion est à ne pas manquer. « L’Asie est le défi du troisième millénaire », déclara un jour Jean Paul II. Elle reste une priorité pour son successeur.
par Laurent Morino
Article publié le 02/04/2006 Dernière mise à jour le 02/04/2006 à 11:22 TU