France
Villepin se projette dans l’avenir, malgré tout
(Photo: AFP)
Ceux qui attendaient sa démission auront été déçus. Dominique de Villepin a coupé court à la rumeur selon laquelle il avait l’intention de quitter ses fonctions. Lors de sa conférence de presse mensuelle, repoussée d’une semaine à cause de la crise sur le contrat première embauche (CPE), il a déclaré qu’il voulait mener «jusqu’au bout la bataille pour l’emploi». Ajoutant qu’il en avait pris «l’engagement auprès des Français» et qu’il serait toujours «au rendez-vous des actes».
Cette mise au point était d’autant plus nécessaire que c’est le Premier ministre lui-même qui avait été à l’origine des interrogations sur son avenir à la tête du gouvernement. En répondant à une interpellation du Premier secrétaire du Parti socialiste, François Hollande, en disant qu’il tirerait «en tant que chef du gouvernement toutes le conclusions nécessaires» de la crise du CPE, Dominique de Villepin semblait avoir posé un jalon vers la démission, lors de la séance des questions au gouvernement à l’Assemblée nationale, le 5 avril.
Se repositionner
Au regard des longues semaines de conflit autour du contrat première embauche, une telle hypothèse était, en effet, plausible. Déterminé jusqu’à l’inflexibilité à mettre en œuvre le CPE malgré le mouvement de protestation de très grande ampleur des jeunes et des salariés, Dominique de Villepin a finalement été dépossédé de ce dossier après l’allocution télévisée de Jacques Chirac. Désormais, ce sont les présidents des groupes UMP à l’Assemblée et au Sénat, Bernard Accoyer et Josselin de Rohan, qui sont chargés de trouver les moyens pour sortir de la crise et mènent les discussions avec les partenaires sociaux. C’est cette situation qui a provoqué de très nombreuses critiques (à gauche mais aussi à l’UDF, la formation centriste) sur une dérive institutionnelle vers un régime de parti où le Premier ministre n’est plus responsable.
Dans ce contexte tendu, le chef du gouvernement a donc tenté de se repositionner dans le processus en cours pour sortir de l’impasse sur le CPE. D’abord en s’associant à l’initiative de reprise du dialogue avec les partenaires sociaux qu’il a pourtant été incapable de mener lui-même : «Nous avons ouvert un temps de dialogue sans aucun a priori, sans aucun tabou». En se présentant au moins comme l’un des promoteurs de la nouvelle méthode, il a donc tenté de réfuter l’idée selon laquelle il était devenu plus spectateur qu’acteur sur ce dossier. Même s’il a néanmoins admis être en situation d’attente face aux discussions engagées : «Ne préjugeons pas des résultats et des premières conclusions auxquelles on pourrait arriver».
Le Premier ministre a aussi reconnu certaines erreurs et notamment celle d’avoir voulu «aller trop vite» même si c’était pour la bonne cause : l’emploi des jeunes. Il a affirmé qu’aujourd’hui, la priorité était «l’apaisement». Il a encore admis que sur des sujets comme les contrats de travail «il n’est possible d’avancer que par le dialogue et la concertation». Ces prises de conscience ne semblent pas pour autant avoir entamé ses convictions profondes. Dominique de Villepin a, en effet, une nouvelle fois justifié le CPE, «un outil» censé «apporter plus d’embauches et plus d’emplois». Il a, d’autre part, défendu la flexibilité, «un moyen nécessaire pour donner un emploi à tous».
Mais c’est surtout en annonçant la mise en œuvre de trois nouveaux chantiers que le chef du gouvernement a montré qu’il était toujours à la barre et qu’il se projetait dans l’avenir, avec ou sans CPE. Sécurisation des parcours professionnels, lutte contre la pauvreté et l’exclusion, renforcement des liens entre l’université et l’emploi : c’est en travaillant sur ces trois questions que le Premier ministre entend désormais poursuivre la lutte contre le chômage et la précarité, à la tête d’un gouvernement dont il s’est dit satisfait et d’une majorité qu’il juge «unie».
«Hors du temps réel»
Cette contre-offensive du Premier ministre n’a pas convaincu tout le monde. Jean-Claude Mailly, le secrétaire général de Force ouvrière, a estimé que Dominique de Villepin était «hors du temps réel», ajoutant qu’«évoquer la flexibilité relève de la provocation». François Sauvadet, porte-parole du groupe UDF à l’Assemblée nationale, a conclu de l’intervention du Premier ministre qu’il était «le dos au mur, visiblement contraint à jouer l’apaisement». Quant au socialiste Jack Lang, il n’a pas épargné Dominique de Villepin. Il a déclaré : «Le Premier ministre est surtout à l’écoute de lui-même, il est enivré par ses propres paroles… dans un entêtement presque enfantin». François Hollande a lui estimé qu’au lieu d’apporter une réponse «claire» et d’abroger le CPE, le chef du gouvernement «continue à faire embrouillé, compliqué et incantatoire».
Dans l’opinion aussi, l’image du Premier ministre a été sérieusement écornée par la crise du CPE. Avec seulement 28% de jugements positifs, selon la dernière enquête réalisée par l’institut BVA pour l’Express, il atteint des niveaux records de mauvaises opinions et perd 14 points en un mois. Pour remonter dans les sondages, il lui faudra donc faire plus que des déclarations d’intention et passer l’épreuve des actes avec succès. Tout en trouvant les mots justes pour renouer une relation avec des Français majoritairement échaudés. Dans ces conditions, à défaut de remettre immédiatement en cause son avenir de chef du gouvernement, le CPE risque tout de même de représenter un encombrant boulet pour celui qui se voyait déjà candidat à l’élection présidentielle de 2007.
par Valérie Gas
Article publié le 06/04/2006 Dernière mise à jour le 06/04/2006 à 17:02 TU