France
Villepin dit adieu au CPE
(Photo : AFP)
«Remplacé» : ainsi fut libellé l’avis de décès du contrat première embauche mort presque avant d’être né. Une loi enterre l’autre. La proposition déposée par Bernard Accoyer ce lundi 10 avril, qui devrait être discutée dans les tout prochains jours à l’Assemblée nationale, a donc pour objet d’envoyer le CPE aux oubliettes en proposant un nouveau dispositif pour lutter contre le chômage des jeunes en difficulté. Composée de deux articles, elle est guidée par un objectif : inciter les employeurs à offrir des contrats à durée indéterminée aux jeunes de 16 à 25 ans, peu ou pas qualifiés, en leur octroyant pour deux ans de nouvelles aides.
Elle prévoit de renforcer des dispositifs existants comme le contrat jeune en entreprise (CJE), le contrat de professionnalisation, ou le contrat d’insertion dans la vie sociale (Civis), en élargissant les conditions d’accessibilité, en améliorant le suivi du parcours professionnel des jeunes concernés (tuteurs et formations) et en offrant aux employeurs des primes versées par l’Etat (de 100 à 400 euros pour les CJE et les contrats de professionnalisation). Les cibles de ces nouvelles mesures sont les jeunes ayant un diplôme inférieur ou égal au baccalauréat, ceux n’ayant pas terminé un premier cycle universitaire, ceux qui se trouvent au chômage depuis plus de 6 mois ou résident dans des zones défavorisées. Ce dispositif coûtera 150 millions d’euros en 2006 et le double l’année suivante.
Les syndicats crient victoire
Les syndicats ne s’y sont pas trompés. Dès l’annonce du «remplacement» du CPE, ils ont manifesté leur satisfaction. François Chérèque, le secrétaire général de la CFDT, s’est félicité d’avoir «atteint» l’objectif des syndicats. Maryse Dumas, secrétaire confédérale de la CGT, a salué le «succès remporté par l’action convergente des salariés, des étudiants et des lycéens». Jacques Voisin, le président de la CFTC, s’est dit «satisfait», Bernard Van Craeynest, celui de la CFE-CGC, a manifesté son soulagement par un simple mot : «enfin». Du côté des jeunes aussi, l’heure est à la satisfaction. Mais qu’il s’agisse de l’Unef (étudiants) ou de la FIDL (lycéens), ils appellent à maintenir la pression jusqu’au vote de la loi.
A gauche, même son de cloche. François Hollande s’est réjoui que le CPE soit «enfin retiré», même s’il a qualifié cette affaire «d’immense gâchis» qui «laissera des traces profondes». Même le Medef, l’organisation patronale dirigée par Laurence Parisot, a semblé soulagé de cette solution qui met fin à «une crise qui a entamé la crédibilité de notre pays».
Finalement tout le monde est content, sauf Villepin. Il est vrai que le Premier ministre avait fait du CPE un combat personnel, sa disparition lui fait donc subir une défaite tout aussi personnelle. Même si elle éclabousse au passage le président Chirac. Le chef du gouvernement a eu beau essayer de se présenter comme le capitaine du navire, le dossier lui a échappé. Et la solution finalement choisie par le chef de l’Etat n’est certainement pas celle qu’il avait espérée.Ménagé sur la forme -le choix de «remplacer» plutôt qu’abroger ou suspendre le CPE n’est pas innocent-, le Premier ministre n’en est pas moins désavoué sur le fond et sur la méthode. Mais surtout, son image est terriblement ternie.
Matignon vaut bien un camouflet
Dominique de Villepin a fait une chute vertigineuse dans les sondages. Sa cote de popularité a sombré (25% selon le dernier sondage LH2 pour Libération). Il sort donc particulièrement fragilisé de cet épisode. Il n’en a pas, pour autant, décidé de jeter l’éponge. Son intervention télévisée dans la foulée de l’annonce du remplacement du CPE par un communiqué de l’Elysée, le 10 avril au matin, fait penser qu’il a plutôt conclu de douze semaines d’affrontement avec les syndicats de salariés et de jeunes, que Matignon valait bien un camouflet.
Dominique de Villepin s’est exprimé sobrement et rapidement. Il a pris acte du fait que «les conditions nécessaires de confiance et de sérénité n’étaient pas réunies pour permettre l’application du CPE» et qu’il fallait donc le remplacer par un autre dispositif. Il a «regretté» que cette «disposition forte» n’ait pas été comprise et a tourné la page de la mésentente avec les partenaires sociaux, en proposant d’ouvrir «une discussion sans a priori» sur la sécurisation des parcours professionnels. Le Premier ministre a changé de méthode et de ton.
Reste à savoir si cette attitude lui permettra de reconquérir à force de travail le cœur des Français déçus de son intransigeance sur le CPE ou si, au contraire, elle va lui faire perdre l’estime des électeurs de droite qui appréciaient le discours de fermeté de celui qui disait ne pas vouloir céder aux ultimatums. Mais aussi s’il peut retrouver l’autorité nécessaire à la tête de la majorité pour ne pas être condamné à l’inaction. Verdict en 2007.
par Valérie Gas
Article publié le 10/04/2006 Dernière mise à jour le 10/04/2006 à 17:10 TU