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Nucléaire iranien

Téhéran pousse l’ONU vers des sanctions

A deux semaines de la fin d'un ultimatum du Conseil de sécurité de l'Onu demandant à Téhéran de suspendre toutes ses activités liées à l'enrichissement, le président Ahmadinejad a annoncé que son pays était entré «<em>dans le groupe des pays qui ont la technologie nucléaire</em>».(Photo : AFP)
A deux semaines de la fin d'un ultimatum du Conseil de sécurité de l'Onu demandant à Téhéran de suspendre toutes ses activités liées à l'enrichissement, le président Ahmadinejad a annoncé que son pays était entré «dans le groupe des pays qui ont la technologie nucléaire».
(Photo : AFP)
Peu avant l’arrivée sur place du directeur de l’AIEA Mohammed ElBaradei, l’Iran a annoncé avoir enrichi de l’uranium. « L’Iran a rejoint les pays nucléaires », a proclamé le président ultra-conservateur Mahmoud Ahmadinejad. Ce nouveau défi met sous pression la communauté internationale en contraignant le Conseil de sécurité des Nations unies à adopter des sanctions. Mais la fragile unité des 5 membres permanents est plus que jamais menacée.

L’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) n’a pas été surprise par l’annonce de l’Iran affirmant qu’il avait enrichi de l’uranium. C’est ce que confient des diplomates en poste à Vienne (Autriche), où l’agence a son siège. L’AIEA, comme d’ailleurs les chancelleries, sait depuis longtemps que le site de Natanz (centre de l’Iran) est destiné à cette activité susceptible, à partir d’un certain degré, de déboucher sur du combustible nucléaire militaire. La communauté internationale s’attendait donc à ce que le président ultra-conservateur Mahmoud Ahmadinejad, fidèle à sa stratégie de provocation graduée, fasse une telle déclaration.

Mais elle n’en est pas moins inquiète. Car les grandes puissances mondiales savent que le président iranien, en proclamant mardi que « l'Iran a rejoint les pays nucléaires », a renvoyé la balle dans leur camp. Le chef de l'Organisation iranienne de l'énergie atomique, Gholamreza Aghazadeh, a précisé : « Le 9 avril, nous avons réussi à enrichir de l'uranium à 3,5% ». Ce taux, selon les experts, est encore très loin des 90% nécessaires à l’élaboration de l’arme atomique. Mais, expliquent-ils, si l’Iran a acquis le principe technologique, rien ne l’empêchera de franchir de nouveaux paliers pour atteindre le seuil requis.

Possibilités d’actions militaires

Or depuis de longs mois, c’est avec difficulté que la communauté internationale parvient à présenter un front uni pour empêcher Téhéran d’acquérir l’arme nucléaire. Les Occidentaux, Etats-Unis en tête, ont du mal à convaincre Moscou et Pékin, deux grands partenaires commerciaux de l’Iran, de s’acheminer vers des sanctions au Conseil de sécurité. Les cinq membres permanents (Etats-Unis, Chine, Russie, France et Grande-Bretagne) ont été saisis du dossier le 8 mars dernier. Sous l’impulsion de Washington, le Conseil, tout en n’assortissant pas son ultimatum de sanctions, a donné à l’Iran jusqu’au 28 avril pour suspendre toutes ses activités d’enrichissement, comme le lui a demandé l’AIEA.

La provocation de Mahmoud Ahmadinejad prend d’autant plus de relief qu’elle survient à quelques heures de l’arrivée à Téhéran du directeur de l’AIEA. Mohammed ElBaradei, chargé par le Conseil de sécurité de lui rendre compte du respect de ses injonctions, doit s’entretenir jeudi avec des responsables iraniens. Selon la formule d’un diplomate occidental, l’annonce de l’enrichissement « coupe l’herbe sous le pied du directeur de l’agence ». Et, au passage, inflige une humiliation supplémentaire à l’ONU.

Ce geste de défi intervient, également, après des informations de la presse américaine sur la possibilité d'une attaque des Etats-Unis contre les installations nucléaires iraniennes. Dans leurs éditions du week-end, le magazine New Yorker et le quotidien Washington Post écrivaient que l'administration planchait sur les possibilités d’actions militaires contre l'Iran, envisageant des bombardements plus ou moins étendus et éventuellement l'emploi d'armes nucléaires tactiques anti-bunkers pour percer les structures protégeant les sites iraniens.

L'Iran va « dans la mauvaise direction »

Même si le président Bush a qualifié ces informations de « pure spéculation », de nombreux observateurs voient là un avertissement à Téhéran sous forme de « fuites » organisées par l’administration américaine. Les Etats-Unis ont-ils, toutefois, les moyens de mettre ces menaces voilées à exécution ? L’analyste Saïd Leylaz explique à l’AFP que « les responsables iraniens estiment que le prix élevé du pétrole, qui pourrait atteindre les 100 dollars en cas d’attaque, et l’enlisement américain en Irak empêchent toute action militaire contre les installations nucléaires iraniennes. »

En réalité, les Etats-Unis apparaissent embarrassés, comme en témoigne leur première réaction officielle, pour le moins modérée. Washington a déclaré mardi que l'Iran allait « dans la mauvaise direction » et, refusant d’évoquer des sanctions, que les discussions devaient se poursuivre avec les autres membres du Conseil de sécurité et l'Allemagne sur les suites à donner à cette affaire. La même formule est du reste utilisée par Paris, Berlin et Moscou, la Russie ajoutant de son côté qu’elle rejetait, à nouveau, toute « solution par la force ». Quant à la Grande-Bretagne, elle juge l’annonce iranienne « pas très utile ».

Mercredi, le porte-parole de la Maison Blanche, pressé par les journalistes, à dû feindre de hausser le ton. Les sanctions sont « certainement une option envisageable », a déclaré le porte-parole Scott McClellan. Mais les chancelleries se posent la question : jusqu’à quand les Nations unies vont-elles pouvoir, sans se décrédibiliser, différer des mesures concrètes contre un régime qui les met régulièrement au défi ? Un diplomate occidental estime ainsi que Téhéran a « franchi une nouvelle ligne rouge ». Et que, dans ces conditions, « les membres du Conseil de sécurité devront étudier sérieusement quelle action, et notamment quelles sanctions, doivent maintenant être prises. »

Il est donc possible que cette fois, et après de longs mois de tergiversations, on s’achemine vers les premières mesures de rétorsion onusiennes. Elles pourraient se traduire, d’abord, par un gel des avoirs iraniens à l’étranger et l’interdiction de voyager pour certains dirigeants. En attendant la fin de l’ultimatum du 28 avril, la visite en Iran de Mohammed ElBaradei sera suivie avec la plus grande attention.


par Philippe  Quillerier

Article publié le 12/04/2006 Dernière mise à jour le 12/04/2006 à 17:22 TU

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(Conception : RFI)