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Nucléaire iranien

Nouvel échec pour l’AIEA

Le chef des négociateurs du dossier nucléaire iranien, Ali Larijani (D) a rejeté la demande du directeur général de l’AIEA, Mohamed ElBaradei (G), de suspendre l'enrichissement d'uranium dans son pays.(Photo : AFP)
Le chef des négociateurs du dossier nucléaire iranien, Ali Larijani (D) a rejeté la demande du directeur général de l’AIEA, Mohamed ElBaradei (G), de suspendre l'enrichissement d'uranium dans son pays.
(Photo : AFP)
Le chef de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) Mohamed ElBaradei a tenté en vain de convaincre l’Iran de suspendre ses activités d’enrichissement d’uranium avant l’expiration d’un ultimatum du Conseil de sécurité qui exige que Téhéran suspende toutes ses activités nucléaires ultrasensibles d’ici le 28 avril.

De notre correspondant à Téhéran

A son arrivée à Téhéran, jeudi tôt dans la matinée, M. ElBaradei avait affirmé qu'il essaierait de « convaincre l'Iran de prendre des mesures permettant l'établissement de la confiance, incluant la suspension des activités d'enrichissement de l'uranium, jusqu'à ce que les questions en suspens (sur son programme nucléaire) soient clarifiées ». Mais les dirigeants ont opposé une fin de non recevoir à cette demande. « Du moment que nous coopérons de manière constructive avec l'Agence, que M. ElBaradei est là et que les inspecteurs et les caméras de l'Agence sont en Iran, de telles propositions ne sont pas très importantes pour régler le problème » nucléaire iranien lui a répondu le chef des négociateurs de ce programme, Ali Larijani.

Avant même l’arrivée du chef de l’AIEA, le président ultraconservateur Mahmoud Ahmadinejad avait donné le ton. « Nous ne négocions avec personne sur les droits de notre peuple et personne n'a le droit de reculer d'un iota sur la voie sur laquelle nous nous sommes engagés », avait déclaré le président Ahmadinejad. « La situation a complètement changé. Nous sommes un pays nucléaire et nous parlons désormais aux autres pays à partir de la position d'un pays nucléaire », avait-il ajouté.  Loin d'adopter un ton conciliant, le président iranien a précisé que « nos centrifugeuses (pour l'enrichissement d'uranium) sont de type P1 et l'étape suivante (consiste à utiliser) des centrifugeuses P2, dont la capacité est quatre fois supérieure et sur lesquelles nous menons actuellement des activités de recherche ».

A terme, 50 000 centrifugeuses à Natanz

En effet, 24 heures avant la visite du directeur général de l’AIEA, le pouvoir iranien avait organisé une grande cérémonie pour annoncer avoir réussi à enrichir l’uranium à 3,5%, mettant la communauté internationale devant le fait accompli. Après l’annonce de ce « succès », le président avait affirmé que l’Iran avait rejoint les « pays nucléaires ». Les responsables nucléaires iraniens ont en effet précisé qu’ils avaient réussi à faire fonctionner une cascade de 164 centrifugeuses à l’usine d’enrichissement de Natanz (centre) pour enrichir l’uranium à 3,5%. Loin de céder aux pressions internationales, Téhéran a exprimé sa détermination d’accélérer son programme nucléaire et d’installer d’ici à la fin de l’année 3 000 centrifugeuses. Ce qui leur permettra de passer à l’étape industrielle. L’Iran veut construire à terme une usine de 50 000 centrifugeuses à Natanz.

Or, les Etats-Unis et les pays européens, qui demandent la suspension des activités iraniennes, soupçonnent l’Iran de vouloir utiliser ce programme à des fins militaires. L’enrichissement d’uranium sert à fabriquer du combustible pour les centrales nucléaires civiles mais il peut également servir à la fabrication de l’arme atomique. Selon les experts, il suffit d’avoir 1 500 centrifugeuses et de les faire fonctionner pendant un an pour obtenir suffisamment d’uranium hautement enrichi pour fabriquer une ou deux bombes. L'Iran assure que son programme nucléaire a un objectif exclusivement pacifique. Lors de sa visite à Téhéran, M. ElBaradei a déclaré que « le programme nucléaire iranien est en route depuis deux décennies, et certaines de ses activités n'ont pas été rapportées ». Mais il a ajouté que l’AIEA « n'a pas constaté de détournement (du programme nucléaire iranien) pour obtenir la bombe ».

Chapitre 7

En tout cas, les dirigeants iraniens semblent plus déterminés que jamais et ce malgré les menaces du Conseil de sécurité. Ils sont persuadés que les Etats-Unis ne pourront pas mener une attaque militaire contre leurs installations à cause de la situation en Irak mais aussi parce qu’elle ferait augmenter le prix du pétrole aux alentours des 100 dollars. Ce que l’économie mondiale ne pourra pas supporter. De même, ils estiment que des sanctions économiques décidées par le Conseil de sécurité, qui seront graduelles, n’affecteront pas immédiatement la population. Ce qui leur laisse le temps de développer le programme nucléaire pour imposer l’Iran comme une véritable puissance nucléaire.

Reste que les Etats-Unis semblent également déterminés à empêcher le programme nucléaire iranien. Ainsi, pour la première fois, la secrétaire d'Etat américaine, Condoleezza Rice, a suggéré au Conseil de sécurité de l'Onu d'adopter une résolution sur l'Iran en vertu du fameux « Chapitre 7 » de la charte des Nations unies, qui prévoit notamment l'usage de la force. « Quand le Conseil de sécurité se réunira, il faudra bien qu'il y ait certaines conséquences pour cet acte, pour ce défi, et nous allons examiner toutes les options dont dispose le Conseil de sécurité », a déclaré la chef de la diplomatie américaine. Les résolutions de l'Onu ayant trait au Chapitre 7 donnent au Conseil de larges pouvoirs d'action, y compris militaires, pour traiter les « menaces pour la paix, les infractions à la paix, ou les actes d'agression ». Un argument déjà utilisé par les Etats-Unis contre Saddam Hussein.


par Siavosh  Ghazi

Article publié le 14/04/2006 Dernière mise à jour le 14/04/2006 à 09:04 TU

Dossiers

(Conception : RFI)

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Barthélémy Courmont

Chercheur à L'Iris, Institut de relations internationales et stratégiques

«On privilégie toujours, malgré des plans militaires qui existent, une approche diplomatique sur cette question.»

[14/04/2006]