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Terrorisme

Moussaoui, toujours plus agressif

Zacarias Moussaoui au tribunal d'Alexandria, Etats-Unis.(Photo : AFP)
Zacarias Moussaoui au tribunal d'Alexandria, Etats-Unis.
(Photo : AFP)
Le Français a ouvert jeudi la phase de son procès consacrée aux circonstances atténuantes en persistant dans son outrance anti-américaine et son mépris des victimes. Devant son attitude et ses propos extravagants (il a soutenu que George Bush allait le libérer), la juge Brinkema a écourté l’audience. Le verdict pourrait être prononcé plus tôt que prévu, sans doute au début de la semaine prochaine.

C’était la deuxième déposition de Zacarias Moussaoui dans le procès qui doit décider de sa condamnation, peine de mort ou prison à vie, pour son rôle présumé dans les attentats du 11-Septembre. La veille, l’audience au tribunal fédéral d’Alexandria (Virginie) avait été éprouvante pour les jurés, le public et les familles des victimes : tandis que l’audition de l’enregistrement de la lutte entre pirates de l’air et passagers du vol 93 de la United Airlines terrifiait l’assistance, le Français affichait un mépris ponctué de temps à autres d’un sourire. Il prenait des notes, semblant se préparer pour sa déposition de jeudi.

Allait-il, enfin, adopter une attitude moins agressive que lors des précédentes audiences ? Devant une salle comble, toujours vêtu de sa combinaison verte de prisonnier, il s’est assis dans le box des témoins pour une déposition qui allait durer deux heures et demi. Il s’en est d’abord pris à ses avocats, en particulier Gerald Zerkin, un abolitionniste commis d'office qui tente depuis quatre ans de lui épargner la peine de mort. « Si j'avais pu assurer ma propre défense, je serais dans une meilleure position aujourd'hui », a-t-il lancé avant de poursuivre : « Vous êtes américain, vous êtes juif (…) Vous avez fait ce que j'appellerais de la non assistance criminelle ».

« Je n’ai pas de regrets, pas de remords »

Il a ensuite pris pour cible les survivants et les proches des victimes venus raconter leur douleur. « Je trouve écœurant que des gens viennent ici faire part de leur chagrin pour obtenir la mort de quelqu’un d’autre (…) Nous l’avons fait pour cela : nous voulons infliger la souffrance. Je souhaite qu’il y ait encore plus de souffrance. » Sur le banc des familles, une femme d’une cinquantaine d’années a fondu en larmes et quitté la salle.

Suivant ses consignes, ses avocats l’ont interrogé sur les raisons de sa haine des Etats-Unis et des Américains. « Le Coran dit : (...) luttez contre ceux qui ne croient pas en Allah, qui ne reconnaissent pas la religion de la vérité (...) les juifs et les chrétiens », a répondu Moussaoui. « Vous êtes pour moi la tête du serpent. Si nous voulons détruire l'Etat juif de Palestine, nous devons vous détruire d'abord. » Eprouve-t-il des regrets pour les familles des victimes ? « Je n’ai pas de regrets, pas de remords. »

Un procureur l’interroge :  « Etiez-vous d’accord pour perpétrer un attentat suicide ? » Réponse : « Tout ce que je pourrai faire pour vous faire du mal, je le ferai » Puis, à propos des attentats du 11-Septembre : « J’aurais voulu qu’ils se reproduisent le 12, le 13, le 14, le 15, le 16, le 17… » Soudain, il stupéfie l’assistance : « Je rêve de voir un jour George Bush annonçant au monde qu’il va me libérer. Je n’en ai jamais douté une seconde (…) Je suis sûr à 100% que vous n’aurez jamais mon sang. Je serai libre. »

Instabilité mentale ou stratégie ?

Autant de déclarations qui semblent nourrir la thèse de ses avocats, lesquels tentent de convaincre le jury que Moussaoui, circonstance atténuante susceptible de lui épargner l’injection mortelle, est mentalement déséquilibré. D’où, selon eux, le fait qu’il amplifie son rôle au sein d’al-Qaïda en prétendant qu’il aurait dû se trouver aux commandes d’un avion ciblant la Maison Blanche le 11 septembre 2001. C’est pourquoi ils multiplient les questions pour l’amener à se contredire. « Dieu merci, je ne suis pas fou », a toutefois répliqué le prévenu.

La défense fait également valoir que les jurés n’auraient aucun intérêt à le condamner à mort, ce qui l’élèverait au statut glorieux de « martyr » de l’islam. Mieux vaudrait, selon elle, l’envoyer finir ses jours à l’isolement dans une prison fédérale de haute sécurité.

Le jury sera-t-il sensible à ces arguments ? On devrait le savoir dans les prochains jours. Face au comportement de Zacarias Moussaoui, la juge Leonie Brinkema, chargée de l’affaire, a brièvement discuté avec les avocats et les procureurs puis annoncé qu’elle suspendait l’audience jusqu’à lundi. Elle a ajouté que les jurés pourraient être amenés à délibérer plus tôt que prévu, sans doute dès le début de la semaine prochaine.

En attendant, les chroniqueurs judiciaires américains s’interrogent sur l’attitude déroutante et a priori suicidaire de Moussaoui, sans cesse plus provocateur à mesure que le procès avance. Authentique instabilité mentale ou stratégie visant à lui éviter la peine capitale ? Certains témoins venus de France, parmi lesquels d’anciens amis du prévenu et qui n’ont pas encore été entendus, semblaient en tout cas atterrés au sortir de l’audience.

par Philippe  Quillerier

Article publié le 14/04/2006 Dernière mise à jour le 14/04/2006 à 16:01 TU