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Nucléaire iranien

Téhéran persiste, Washington hausse le ton

La secrétaire d'Etat américaine, Condoleezza Rice : «<em>Le droit à l'autodéfense ne nécessite pas une résolution du Conseil de sécurité</em>».(Photo : AFP)
La secrétaire d'Etat américaine, Condoleezza Rice : «Le droit à l'autodéfense ne nécessite pas une résolution du Conseil de sécurité».
(Photo : AFP)
A huit jours de l’expiration de l’ultimatum onusien, l’Iran défie à nouveau une communauté internationale divisée en intensifiant son programme nucléaire. Les Etats-Unis n’excluent pas d’invoquer leur droit à l’autodéfense, ce qui leur permettrait d’intervenir militairement sans l’aval des Nations unies.

Intraitable, l’Iran semble déterminé à poursuivre coûte que coûte le développement de son programme atomique que la communauté internationale soupçonne de dissimuler un volet militaire. En annonçant la prochaine mise en route de deux nouvelles cascades de centrifugeuses pour enrichir l’uranium, ce qui aboutirait au triplement de ses capacités, le régime de Téhéran vient encore accentuer l’inquiétude.

C’est une délégation iranienne venue mercredi à Moscou qui a fait cette déclaration aux diplomates de la troïka européenne (Allemagne, France et Grande-Bretagne). Un responsable français présent a précisé que les délégués iraniens leur avaient même demandé « de prendre acte de cette situation, et les ont invités à négocier leur accompagnement de ce programme d’enrichissement. » Rejetant cette proposition de coopération, les trois représentants européens ont répondu en appelant fermement l’Iran à ne pas poursuivre dans cette direction. Et ils ont mis en garde Téhéran contre des « mesures qui auraient pour effet de l’isoler davantage. »

La tendance est au pessimisme

La venue de cette délégation iranienne dans la capitale russe n’était pas prévue. A huit jours de l’expiration de l’ultimatum des Nations unies, les grandes puissances (Etats-Unis, Russie, Chine et troïka européenne) s’étaient donné rendez-vous à Moscou pour examiner le dossier nucléaire iranien. Mais la réunion, qui devait décider de possibles sanctions après l’échéance, n’a pas donné de résultats tangibles. Le Conseil de sécurité a donné jusqu’au 28 avril à l’Iran pour cesser ses opérations d’enrichissement. A cette date, l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), dont des experts sont actuellement en Iran, devra dire dans un rapport si Téhéran s’est conformé aux exigences onusiennes.

La tendance était déjà au pessimisme quant au respect par Téhéran de ces injonctions internationales. Le régime iranien a en effet annoncé, la semaine dernière, avoir réussi à enrichir de l'uranium à 3,5% en faisant fonctionner une cascade de 164 centrifugeuses dans ses installations de Natanz. Le secrétaire britannique au Foreign office, Jack Straw, estimait mardi qu’à la date buttoir, l’Iran n’aura pas obtempéré. « Nous partons de l’hypothèse que l’Iran ne se sera pas conformé aux demandes du Conseil à la fin du délai (…) Le plus probable est que cette affaire soit renvoyée devant le Conseil de sécurité et que l’on y discute des étapes suivantes. »

Les derniers développements semblent donner raison au ministre britannique. Pour autant, la communauté internationale apparaît de plus en plus divisée sur les mesures à mettre en œuvre pour amener l’Iran à coopérer. Si les membres permanents du Conseil de sécurité sont d’accord pour souhaiter la résolution de la crise par les voies diplomatiques, le fossé se creuse désormais entre les partisans de la fermeté (Etats-Unis, France, Grande-Bretagne) et ceux qui doutent de l’efficacité d’éventuelles sanctions (Chine, Russie).

Chaque pays est libre de « décider avec qui il veut coopérer »

Les Etats-Unis, les seuls jusqu’ici à n’avoir pas écarté l’option militaire, se disent prêts à agir unilatéralement s’il le faut. Nicholas Burns, le numéro trois du département d’Etat américain, a déclaré mercredi à Moscou « que Washington a clairement exposé son point de vue et qu'il n'est de l'intérêt de personne que l'Iran possède des armes nucléaires (…) Et nous allons faire ce que nous avons à faire pour empêcher cela. » Dans ce cadre, la secrétaire d’Etat Condoleezza Rice, tout en réaffirmant privilégier la négociation, n’a pas exclu que les Etats-Unis interviennent au nom du droit à l’autodéfense. « Le droit à l’autodéfense ne nécessite pas une résolution du Conseil de sécurité. »

Haussant le ton également à l’égard de la Russie, Nicholas Burns lui a demandé de cesser toute collaboration nucléaire avec l'Iran. Notamment en ce qui concerne l'immense chantier de la centrale de Bouchehr construite par les Russes dans le sud du pays. Montant du contrat : 1 milliard de dollars. Demande rejetée jeudi par Moscou, un communiqué officiel déclarant que chaque pays était libre de « décider avec qui il veut coopérer. » Auparavant, le négociateur russe sur le nucléaire iranien Sergueï Kirienko avait déjà déclaré que la centrale de Bouchehr ne menaçait pas « le régime de non-prolifération ».

C’est dans ce contexte tendu que les présidents français Jacques Chirac et égyptien Hosni Moubarak se sont prononcés mercredi au Caire pour une solution diplomatique de la crise iranienne, se démarquant de l'escalade verbale entre Washington et Téhéran. Selon le chef de l’Etat français, « il faut explorer toutes les possibilités offertes par l'action diplomatique pour éviter une déstabilisation qui pourrait être très grave de la région du Moyen-Orient et probablement au-delà. » Jeudi soir, la délégation iranienne arrivée mercredi à Moscou, conduite par le numéro deux du Conseil suprême de la sécurité nationale, Javad Vaidi, devait s'entretenir avec des responsables russes.


par Philippe  Quillerier

Article publié le 20/04/2006 Dernière mise à jour le 20/04/2006 à 16:19 TU

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(Conception : RFI)