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interview

Banque mondiale

Interview exclusive de Paul Wolfowitz

Paul Wolfowitz : « <em>Nous avons le désir de voir les populations pauvres du Tchad bénéficier des revenus nouveaux dégagés par le pétrole </em>»(Photo : AFP)
Paul Wolfowitz : « Nous avons le désir de voir les populations pauvres du Tchad bénéficier des revenus nouveaux dégagés par le pétrole »
(Photo : AFP)
«Priorité à la lutte contre la corruption», affirme le président de la Banque mondiale à notre envoyée spéciale permanente aux Etats-Unis. Ce week-end se tiennent à Washington les assemblées de printemps du Fonds monétaire international et de la Banque mondiale.

RFI : Lors d’un récent voyage en Indonésie, vous avez placé la lutte contre la corruption au tout premier rang de ce que vous vous proposez de faire. Comment pouvez-vous équilibrer une stratégie qui cible les dirigeants, quels qu’ils soient, sans pénaliser la population ?

Paul Wolfowitz : Ce que je veux faire d’abord est de fournir des résultats pour les pauvres, c’est cela mon programme. Mais quand les rouages d’un pays sont corrompus, malheureusement, beaucoup d’argent ne va pas là où il devrait aller et le gouvernement cesse de faire ce qu’il est censé faire. Ce qui est encourageant, en Indonésie comme dans beaucoup d’autres pays, c’est une demande croissante des dirigeants et de leur population d’avoir de meilleures institutions : c’est un domaine dans lequel nous pouvons les aider.

RFI : Mais en cours de route, vous pouvez imposer des sanctions ?

Paul Wolfowitz : Les gens semblent toujours vouloir aller vers des sanctions. Un grand pourfendeur de la corruption en Afrique m’a dit : «La punition marche beaucoup moins bien que la prévention». Nous travaillons beaucoup avec les pays pour obtenir un meilleur système comptable, de meilleurs tribunaux, de meilleures institutions... j’imagine que vous pourriez dire que ce n’est pas aussi spectaculaire, c’est même un peu ennuyeux, mais c’est ce qui marche sur le long terme.

RFI : Quelle est votre définition de la bonne gouvernance ?

Paul Wolfowitz : Je pense que c’est lorsque les institutions gouvernementales offrent de façon efficace ce dont la population a besoin. Cela veut dire tout, depuis des choses concrètes comme les écoles, les routes, ou des choses moins tangibles comme une éducation qui fournisse la qualité et pas seulement la quantité, ou  comme, ce qui est le plus précieux et le plus difficile à définir, l’intégrité avec laquelle les institutions et les serviteurs de l’Etat fonctionnent. 

RFI : A propos du Tchad, vous avez dit que vous étiez prêt à discuter avec le gouvernement tchadien pour évaluer la situation et peut-être offrir une solution. Qu’ êtes-vous prêt à offrir et que pourriez -vous accepter ?

Paul Wolfowitz : J’ai eu une conversation jeudi matin au téléphone avec le président Idriss Deby et nous avons parlé de quelques avancées dont nous pourrons discuter avec le ministre des Finances, monsieur Talli, qui sera là ce week-end. Espérons que nous ferons des progrès. Nous sommes engagés dans des discussions sérieuses. Je dirai que la tonalité est constructive et nous avons en commun le désir de voir les populations pauvres du Tchad bénéficier des revenus nouveaux dégagés par le pétrole.

RFI : Une question plus personnelle : vous êtes à la tête de la Banque mondiale depuis presque un an maintenant, est-ce que cela a changé votre façon de voir le monde, y-a-t-il des choses que vous voyez aujourd’hui et que peut-être vous ne voyiez pas il y a dix mois ?

Paul Wolfowitz : D’abord laissez-moi dire que ce n’est pas un terrain neuf pour moi. Je viens de rentrer d’un voyage en Indonésie où je suis allé pour la première fois il y vingt-cinq ans. J’y suis retourné comme ambassadeur des Etats-Unis il y a vingt ans, j’ai vu ce pays relever les défis du développement sur une longue durée. Le développement est un sujet qui m’intéresse et dans lequel je suis impliqué depuis longtemps, donc ce n’est pas là que j’ai été surpris ! Je suppose que l’une des choses que j’ai apprises - je le savais avant, mais cela s’est imposé fortement dans mon esprit- c’est combien il est précieux d’avoir des institutions internationales comme la Banque mondiale qui peuvent avec succès rassembler l’argent et les ressources de multiples donateurs et les distribuer efficacement à de nombreux bénéficiaires. Et ce, d’une façon efficace surtout pour les populations les plus pauvres du monde. Je pense que la BM est une institution irremplaçable, y compris dans un avenir lointain lorsque les besoins seront peut-être différents. La grippe aviaire par exemple, est venue de nulle part et nous sommes une institution qui peut aider à mener cette bataille : je pense qu’avoir une Banque mondiale forte sera une chose importante .

RFI : Vous avez été amené à mieux connaître l’Afrique : qu’est-ce qui vous a frappé dans ce continent, quelles sont les forces et les faiblesses de l’Afrique ?

Paul Wolfowitz : C’est une très bonne question ! D’une certaine façon il y a des choses en Afrique qui me rappellent l’extrême pauvreté que j’ai connue en Indonésie. Ce qui est malheureusement encore différent c’est qu’alors qu’ il y a vingt ans, en Indonésie, vous pouviez regarder autour de vous dans la région et voir des exemples de réussite et des modèles à suivre, en Afrique nous commençons tout juste, nous l’espérons, à voir ce genre de signes. Je crois que si cela se produit de la même façon, ce sera une grande avancée, parce que j’ai été impressionné depuis longtemps par le rôle que l’exemple des réussites joue dans le processus du développement. Quand les gens peuvent voir que leurs voisins réussissent, ils voient le chemin de la réussite pour eux-mêmes. C’est difficile de s’identifier à quelqu’un qui se trouve à des dizaines de milliers de kilomètres dans une culture complètement différente. 

RFI : Donc c’est l’une de vos priorités ?

Paul Wolfowitz : Je crois que l’Afrique subsaharienne doit être la première priorité de la Banque mondiale ! Du moins en ce moment, alors que 600 millions de personnes dans le sous-continent sont encore à la traîne du reste du monde en voie de développement. Mais ce n’est pas notre seule priorité, il faut que nous soyons attentifs à la Chine, au Mexique, au Brésil et à l’Inde, que nous épaulions ces pays à revenus moyens qui marchent bien mais qui ont besoin d’aide et de soutien. 


Propos recueillis par Anne  Toulouse

Article publié le 21/04/2006 Dernière mise à jour le 21/04/2006 à 12:59 TU

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Paul Wolfowitz

Président de la Banque mondiale

«Ce que je veux faire d’abord est de fournir des résultats pour les pauvres, c’est cela mon programme»

[21/04/2006]