Nucléaire iranien
Fin de l’ultimatum, et après?
(Photo : AFP)
Comment l’affaire du nucléaire iranien va-t-elle tourner ? A la veille de l’ultimatum fixé par l’ONU au régime de Téhéran, l’ambiance était au pessimisme, jeudi 27 avril à Sofia. C’est en effet dans la capitale bulgare que les ministres des Affaires étrangères de l’Otan devaient se joindre, dans la soirée, à un « dîner transatlantique ».
Or, bien que le dossier ne soit pas du ressort de l’alliance militaire occidentale et que la réunion fut destinée avant tout à préparer le sommet de Riga (Lituanie) en novembre prochain, la question est si sensible qu’elle figurait en bonne place au menu des discussions. Les ministres, a déclaré un diplomate, ont « en tête de savoir ce qui va se passer si le délai expire sans revirement de la part des Iraniens. »
Le Conseil de sécurité des Nations unies a donné à l'Iran jusqu’au 28 avril pour suspendre son enrichissement d'uranium, un processus qui peut conduire à la fabrication de l’arme atomique. Le directeur de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA), Mohamed ElBaradei, doit remettre ce jour-là au Conseil et à l'exécutif de l'Agence un rapport indiquant si Téhéran s'est plié à cette demande.
L'Iran ne se soumettra pas à « la pression »
A Vienne, où siège l'AIEA, des entretiens de dernière minute entre ElBaradei et Gholamreza Aghazadeh, le chef du programme nucléaire iranien, ont pris fin mercredi au bout d'une heure et demie sans qu'aucune des deux parties ne fasse de déclaration. « Il est assez clair que ce rapport constatera que l’Iran n’a pas répondu aux demandes du Conseil de sécurité », a prédit le porte-parole de la Maison Blanche.
Tout indique, en effet, que Téhéran ne cédera pas. Excluant tout geste de conciliation, les dirigeants iraniens ont répété ces derniers jours qu’il n’était pas question de reculer sur le programme nucléaire de leur pays. L'Iran ne se soumettra pas à « la pression et à l'injustice », a encore assuré jeudi le président ultra-conservateur Mahmoud Ahmadinejad.
La veille, l'ayatollah Ali Khamenei, guide suprême du régime, menaçait selon la télévision nationale de s'en prendre aux intérêts américains au cas où les Etats-Unis, qui n’excluent pas le recours à la force, attaqueraient la République islamique. « Les Américains doivent savoir que s'ils attaquent l'Iran, leurs intérêts seront pris pour cibles partout dans le monde où ce sera possible. » Ainsi, les exercices militaires organisés ce mois-ci par Téhéran dans le Golfe sont interprétés comme une menace voilée contre une route maritime vitale pour les exportations de pétrole.
D’où la colère de Washington. « Voici un régime, déclare-t-on à la Maison Blanche, qui continue à défier la communauté internationale (...) Voici un régime qui continue à s'isoler du reste du monde par ses déclarations, ses menaces et ses actions. » Et le porte-parole de George Bush d’ajouter : « C'est pourquoi nous travaillons avec les autres membres du Conseil de sécurité, avec nos amis et nos alliés, pour nous assurer qu'on agisse sur le front diplomatique pour empêcher le régime d'acquérir des armes nucléaires ou le savoir-faire pour fabriquer des armes nucléaires. »
Chine et Russie sont opposées à des sanctions
Le président américain pourrait-il ordonner une intervention militaire contre l’Iran ? Les Etats-Unis, a répondu le porte-parole, cherchent une « solution diplomatique » à la crise. Mais ils préconisent le recours au chapitre sept de la charte des Nations unies, qui permet au Conseil de sécurité de prendre des mesures coercitives allant des sanctions, diplomatiques ou économiques, au recours à la force. D’éventuelles sanctions pourraient prendre la forme, dans un premier temps, de restrictions dans les déplacements de dirigeants iraniens ou de gels de certains avoirs.
Les Etats-Unis, seul membre permanent du Conseil de sécurité à ne pas exclure une intervention armée, pourrait compter sur l’appui de la France et de la Grande-Bretagne, également membres permanents ayant droit de veto, en vue d’imposer des sanctions à Téhéran. Mais les deux derniers, la Chine et la Russie – partenaires commerciaux importants de l’Iran -, y sont opposés.
Le président russe Vladimir Poutine a ainsi estimé jeudi que c’est l’AIEA qui devait garder le « rôle clé » dans le dossier nucléaire iranien « et ne pas s’en décharger sur le Conseil de sécurité de l’ONU ». Autrement dit, il n’est pas question de sanctionner pour l’instant. Quant à la Chine, elle « espère que cette question sera résolue par le dialogue », selon un porte-parole de Pékin. Les cinq membres permanents du Conseil de sécurité ont prévu de tenir sur ce dossier une réunion à Paris mardi 2 mai.
par Philippe Quillerier
Article publié le 27/04/2006 Dernière mise à jour le 27/04/2006 à 16:09 TU