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Tchad-Banque mondiale

Une bouffée de pétrodollars pour N'Djamena

La Banque mondiale (BM) va débloquer les revenus pétroliers tchadiens. Elle exige en retour que cet argent frais ainsi que 70% des pétrodollars soient réservés aux secteurs de «l'éducation, de la santé, de l'agriculture, de l'électricité, de l'eau, des infrastructures et de la lutte contre le sida».

La Banque mondiale (BM) va reprendre ses décaissements en faveur de N’Djamena. Elle exige en retour que cet argent frais ainsi que 70% des pétrodollars soit réservés aux secteurs de «l'éducation, de la santé, de l'agriculture, de l'électricité, de l'eau, des infrastructures et de la lutte contre le sida», à charge pour le Trésor public tchadien de dégager une ligne budgétaire pour financer les dépenses sécuritaires. En attendant la signature d’un «accord global», la BM promet de débourser, chaque mois et à partir du prochain trimestre, «un tiers des sommes totales en dépôt» à Londres où le consortium américano-malaisien qui opère au Tchad verse les royalties.

Idriss Deby, en casquette blanche, fait campagne à Mongo où il promet de sécuriser le pays avec l'argent du pétrole.(Photo : Donaig Le Du/RFI)
Idriss Deby, en casquette blanche, fait campagne à Mongo où il promet de sécuriser le pays avec l'argent du pétrole.
(Photo : Donaig Le Du/RFI)

Visiblement, la BM ne s’est pas trop émue des derniers propos va-t’en-guerre du président Deby. Et le sous-secrétaire d'Etat américain adjoint aux Affaires africaines, Donald Yamamoto, n’en attendait sans doute pas moins. Il peut se féliciter de geste de la Banque mondiale au lendemain de sa mission de médiation à N’Djamena où le président Idriss Deby menaçait de couper les robinets du pétrole exploité par le consortium américano-malaisien (Exxon-Mobil, Chevron-Texaco et Petronas). Les finances de N’Djamena étaient en effet en panne depuis que le gouvernement tchadien a rompu le contrat de transparence pétrolière et de bonne gouvernance concocté par la BM.

En décembre dernier, N’Djamena a fait sauter la clause qui lui imposait de laisser dormir 10% des subsides pétroliers dans un Fonds pour les générations futures. En mesure de rétorsion, la BM avait fait bloquer une centaine de millions de pétrodollars en transit sur un compte londonien de la Citybank. Elle avait gelé en même temps quelque 124 millions de dollars de crédits en attente de versement. Aujourd’hui, la BM lève ces sanctions. Pourtant, depuis l’offensive rebelle du 13 avril dernier, Idriss Deby revendique une affectation militaire pour l’argent du pétrole qu’il réclame à cor et à cris.

La BM invoque le fardeau des déplacés et des réfugiés

Pour expliquer son revirement, la BM invoque le fardeau des nouvelles cohortes de déplacés provoquées par la dernière offensive rebelle, dans la région de Goz Beïda notamment où ses représentants viennent d’effectuer une tournée. Elle insiste aussi sur les nouvelles arrivées de réfugiés en provenance du Darfour soudanais, 200 000 personnes au moins, déjà, et deux ou trois cents de plus chaque jour. Le 15 avril dernier, le président tchadien menaçait de les expulser s’il n’obtenait pas gain de cause auprès de la BM. Il a été entendu.

L’accord «temporaire» prévoit que le Tchad adopte un budget 2006 qui «spécifie que 70% des revenus pétroliers seront utilisés pour des programmes prioritaires de lutte contre la pauvreté». Il précise que «les dépenses consacrées à la sécurité sont exclues de ces sommes et seront financées sur les revenus généraux du Trésor public tchadien». En dehors des recettes fiscales, les 30% de pétrodollars restant devraient donc pouvoir tomber dans les caisses de l’Etat. Or le régime Deby n’a guère de raisons de renoncer à s’armer pour consolider son pouvoir, sous l’aile militaire de Paris et avec l’appui de Washington, qui ne paraît pas non plus envisager pour le moment d’alternative.

Pour l’avoir contresignée, le régime Deby estime sans doute qu’il peut accommoder à son profit la formule budgétaire prescrite par la BM. Reste à savoir ce qu’il a concédé en retour, en dehors de sa promesse réitérée de faire un usage civil des royalties pétrolières.


par Monique  Mas

Article publié le 27/04/2006 Dernière mise à jour le 27/04/2006 à 17:40 TU

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(Montage : C.Wissing / RFI)