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Nucléaire iranien

Le TNP, référence de la discorde

Mise à feu d'un missile balistique pakistanais <i>Hatf-V</i> capable de transporter une ogive nucléaire. A l'inverse de l'Iran, le Pakistan n'a pas signé le TNP. (Photo: AFP)
Mise à feu d'un missile balistique pakistanais Hatf-V capable de transporter une ogive nucléaire. A l'inverse de l'Iran, le Pakistan n'a pas signé le TNP.
(Photo: AFP)
Dans la crise internationale autour du programme atomique mené par Téhéran, tous les protagonistes s’accordent à se référer au traité de non-prolifération nucléaire (TNP), signé en 1968. C’est sur l’interprétation et surtout les modalités d’application du texte qu’ils divergent. L’Iran refusant une complète transparence sur ses projets, l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) n’est pas en mesure de confirmer que son programme ne cache pas un volet militaire interdit par le traité.

Dimanche 14 mai, à la veille d’une réunion à Bruxelles des ministres des Affaires étrangères européens sur les « mesures incitatives » à proposer à Téhéran pour qu'il renonce à enrichir l'uranium, le président iranien affirmait : « A mon sens, la meilleure mesure incitative est l'application du traité de non prolifération (TNP) et en particulier ses articles 2 et 4. »

Que disent ces deux articles ? Que chaque pays signataire du texte a le droit de développer la recherche, la production et l’utilisation de l’énergie nucléaire, à condition que ce soit à des fins pacifiques. Ce droit, la communauté internationale et notamment les pays occidentaux ne le remettent pas en cause.

Ce qu’ils contestent, c’est le refus de l’Iran de donner des preuves de sa bonne foi à l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), chargée de vérifier l’application du TNP. En février, l’Agence avait exprimé « sa profonde préoccupation de n’être toujours pas en mesure de clarifier certaines questions importantes liées au programme nucléaire iranien. » Et le 28 avril, dans son rapport au Conseil de sécurité de l’ONU, elle confirmait que l'Iran n'avait pas respecté les injonctions de la communauté internationale.

Droit international issu de la Guerre froide

Lundi, s’appuyant une nouvelle fois sur le traité de non-prolifération, le porte-parole du gouvernement iranien Gholam Hossein Elham a déclaré : « Nous agissons dans le cadre des règles internationales et du TNP », ajoutant que « dans ce cadre-là, nous continuons sur notre chemin pour obtenir le droit absolu de l'Iran » à la technologie nucléaire.

Ainsi, chaque partie à la crise du nucléaire iranien insiste, avec plus ou moins de bonne foi et quelques arrières-pensées, pour se référer au TNP. Cette pièce maîtresse du droit international issu de la Guerre froide a été élaborée par les Etats-Unis et l’Union soviétique. Signé en 1968, il est entré en vigueur le 5 mars 1970 après qu’il eut été ratifié, comme le prévoit le texte lui-même, par les « gouvernements dépositaires » (Etats-Unis, URSS, Grande-Bretagne) et quarante autres Etats.

Aujourd’hui, on compte 189 Etats signataires, ce qui en fait le traité le plus universel, même si nombre de ces pays n’ont pas les moyens d’envisager la moindre ébauche de programme nucléaire. Seuls trois Etats ne l’ont pas signé à ce jour : l’Inde, le Pakistan et Israël. Ce dernier pays est au centre de la crise. Disposant officieusement de l’arme atomique (82 ogives selon un rapport du secrétariat américain à la Défense rendu public en 2004), Israël suit de très près l’évolution du dossier, en particulier après les déclarations répétées du président iranien appelant à le « rayer » de la carte.

Le TNP est fondé sur le principe d’inégalité

Pourquoi cette différence de traitement entre certains pays ? Y a-t-il deux poids, deux mesures ? Une intransigeance sélective de la part des grandes puissances, notamment occidentales ? Certains le pensent, comme Ardeshir Zahedi, ancien ministre iranien des Affaires étrangères (1966-1973). Il a signé, au nom de son pays, le Traité de non-prolifération (TNP). Il déclarait le 1er mai 2006 à RFI : « Regardez autour de l’Iran. Israël, l’Inde et le Pakistan n’ont jamais signé le TNP et sont aujourd’hui des puissances nucléaires. C’est pourquoi je pense qu’il y a là ce que l’on appelle deux poids deux mesures et ce n’est pas juste. »

D’autres experts, tels Richard Haass, président du Council on Foreign Relations, font valoir qu’on ne peut mettre tous les pays sur le même plan, en particulier des démocraties comme l’Inde et Israël, et des dictatures comme la Corée du Nord (qui s’est retirée du TNP en janvier 2003) ou encore des Etats qui, comme l’Iran, soutiennent le terrorisme et appellent officiellement à détruire un voisin régional.

Le TNP est, quoi qu’il en soit, fondé sur le principe d’inégalité de traitement, puisqu’il accorde à seulement cinq pays (Chine, France, Russie, Royaume-Uni et Etats-Unis) le droit de posséder l’arme nucléaire. Il repose sur la discrimination opérée entre les États dotés de l'arme atomique ayant fait exploser un engin avant le 1er janvier 1967 (EDAN), et les autres États, non dotés de l'arme nucléaire (ENDAN). Les premiers, également membres permanents du Conseil de sécurité de l'ONU, se sont engagés en signant le traité à ne pas aider un autre pays à acquérir des armes nucléaires ; les seconds à ne pas fabriquer d'armes nucléaires et à ne pas essayer de s'en procurer.

Le texte garantit à l'AIEA un accès « dans un bref délai »

L’Iran en signant le TNP en 1970, a rejoint les ENDAN. Mais il a, à plusieurs reprises, menacé de se retirer du traité, sans s’exécuter jusqu’ici. Le 4 février dernier, Téhéran a toutefois suspendu le protocole additionnel au traité, un outil international qui renforce les garanties de contrôle du nucléaire par l’AIEA grâce aux informations très détaillées que doivent fournir les signataires. L’Iran fait partie des 107 Etats à l’avoir signé.

Le protocole autorise l'AIEA à inspecter non seulement les installations en fonctionnement, mais également des lieux où elle n'a pas accès en vertu du TNP, comme des réacteurs arrêtés, des centres de recherche ou des usines fabriquant des produits susceptibles de servir à un programme nucléaire. Le texte garantit à l'AIEA un accès « dans un bref délai », avec un préavis allant de deux à vingt-quatre heures, à tous les sites déclarés et éventuellement non déclarés pour qu'elle puisse s'assurer de « l'absence d'activités et de matériaux nucléaires non déclarés. »

par Philippe  Quillerier

Article publié le 15/05/2006 Dernière mise à jour le 15/05/2006 à 17:44 TU

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