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Bénin

Sarkozy révèle sa politique africaine

Manifestation d'étudiants béninois contre la venue de Nicolas Sarkozy, le 19 mai 2006 à Cotonou.(Photo: AFP)
Manifestation d'étudiants béninois contre la venue de Nicolas Sarkozy, le 19 mai 2006 à Cotonou.
(Photo: AFP)
La nouvelle loi Sarkozy sur l’immigration a fait des vagues au Mali. Elle en a fait également au Bénin où le ministre français de l’Intérieur a poursuivi sa courte tournée africaine. A un an de la présidentielle française, le numéro deux du gouvernement a également appelé à la construction d’une «relation nouvelle» avec l’Afrique.

Comme au cours de sa visite, jeudi au Mali, l’essentiel des entretiens de Nicolas Sarkozy, au Bénin, a porté sur « l’immigration choisie » que le ministre français de l’Intérieur a l’intention de mettre en place avec sa nouvelle loi. Le numéro deux du gouvernement français a eu un entretien sur ce thème ainsi que sur le codéveloppement, avec le président Thomas Yayi Boni. Devant la classe politique béninoise, Nicolas Sarkozy, qui veut être le candidat de l’UMP à la présidentielle de l’année prochaine, a également prononcé un discours consacré à « la politique de la France en Afrique ». 

« Il nous faut construire une relation nouvelle, assainie, décomplexée, équilibrée, débarrassée des scories du passé et des obsolescences qui perdurent de part et d’autre de la Méditerranée », a affirmé le numéro deux du gouvernement français. Dans son discours, Nicolas Sarkozy a également indiqué que la relation entre la France et l’Afrique devait « être plus transparente. Il nous faut la débarrasser des réseaux d’un autre temps, des émissaires officieux qui n’ont d’autres mandats que ceux qu’ils s’inventent ». Nombre d’observateurs ont noté, dans les propos du ministre, une volonté de rompre avec les politiques africaines de ces dernières années, avec une volonté de se démarquer de Jacques Chirac.

Le passage de Nicolas Sarkozy à Cotonou n’est pas passé inaperçu : des policiers anti-émeutes et des soldats étaient déployés autour du bâtiment officiel dans lequel la rencontre a eu lieu entre le ministre français de l’Intérieur et son homologue béninois. A l’extérieur, plusieurs centaines de personnes ont manifesté contre la visite du numéro deux du gouvernement français. Parmi eux, bon nombre d’étudiants. « Sarkozy, on ne veut pas de toi au Bénin » ; « Raciste, hors de chez nous » ; « Sarkozy égale zéro », ont scandé les protestataires.

Comme au Mali, une partie de la population voulait condamner la nouvelle politique d’immigration de la France, durcie par une nouvelle loi votée mercredi à l’Assemblée nationale à l’initiative de Nicolas Sarkozy, ministre de l’Intérieur. L’Association de lutte contre le racisme, l’ethnocentrisme et le régionalisme (Alcrer) et la Fédération nationale des étudiants du Bénin (FNEB) avaient organisé un sit in devant le bâtiment officiel.

Des propos durs, des deux côtés

La tournée au Mali et au Bénin de Nicolas Sarkozy, dont la loi durcit les conditions d’installation des étrangers en France, a été interprétée par certains comme une provocation. Et les réactions ont été dures : « Il n’est pas question d’accepter chez nous quelqu’un qui n’a pas de respect pour les Noirs et qui pense que nous sommes toujours à l’époque nazie où il faut oppresser les gens qui ont une couleur de peau différente de la vôtre », a déclaré Martin Assogba, le président d’Alcrer, à l’issue de la manifestation.

Tandis que les militants jouaient l’affrontement, l’un des conseillers du président béninois, Albert Tévoèdjéré, préférait la méthode douce. Avant même l’arrivée du ministre français à Cotonou, ce conseiller rendait publique une lettre ouverte qui lui était adressée. Pour Albert Tévoèdjéré, en raison du passé commun du Bénin et de la France, l’ancienne puissance coloniale, « nous avons droit à la France autant, sinon davantage, que certains ressortissants européens qui s’installent désormais sans nulle barrière de Dunkerque à Avignon ». Dans ce courrier, le conseiller de Thomas Yayi Boni a également proposé l’ouverture d’un « dialogue positif, pour découvrir et inventer les projets et les mesures pouvant effectivement retenir en Afrique ceux qui n’ont que le choix de partir ». Le conseiller du président béninois a estimé par ailleurs qu’un vrai codéveloppement constitue la seule solution pour freiner les velléités de départ des Africains.

Albert Tévoèdjéré a également proposé à Nicolas Sarkozy de délocaliser en Afrique des instituts universitaires et des organismes de recherche et d’accompagner cette mesure des « investissements pour l’invention commune ». Nicolas Sarkozy entendra-t-il cet appel ? Lorsqu’il avait présenté son projet de loi sur « l’immigration choisie » devant les députés français, le ministre de l’Intérieur l’avait dit ouvertement : la France a besoin des informaticiens indiens, des ingénieurs chinois, mais pas d’une main-d’œuvre sans qualification comme la main-d’œuvre africaine. Quant aux cadres africains formés en France et travaillant en France, le ministre de l’Intérieur a déjà dit qu’il a l’intention de leur imposer une période de travail dans leur pays d’origine.

Jeudi, au Mali, au cours d’une rencontre houleuse avec des représentants de la société civile, Nicolas Sarkozy avait lancé : « La France, économiquement, n’a pas besoin de l’Afrique. Les flux entre la France et l’Afrique représentent 2% de notre économie ». Une participante au débat avait reproché à Nicolas Sarkozy de négliger la participation des Africains à l’expansion française. Nicolas Sarkozy voulait lever les « malentendus » entre la France et les Africains. Il a rappelé à la dure réalité ceux qui rêvent de la France et continuent à la mettre sur un piédestal. 


par Colette  Thomas

Article publié le 19/05/2006 Dernière mise à jour le 19/05/2006 à 17:09 TU