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Mali

Les Touareg rebelles veulent négocier

Une partie de la rébellion touarègue s'est réveillée au Nord-Est du Mali.(Carte : RFI)
Une partie de la rébellion touarègue s'est réveillée au Nord-Est du Mali.
(Carte : RFI)
Ce sont des vétérans de l’ex-rébellion du Mouvement populaire de l’Azawad (MPA) qui revendiquent le raid lancé mardi matin sur Kidal (nord-est) et Menaka (est), une région pauvre et désertique théâtre d’un conflit sanglant dans la première moitié de la décennie quatre-vingt-dix. «Ce qui est important, c'est que le gouvernement engage tout de suite des négociations», déclare le porte-parole des assaillants qui se sont retirés nuitamment des deux camps militaires en emportant vivres et munitions pour se retrancher mercredi sur les hauteurs de Kidal. «Au Mali on n’a plus besoin des armes pour se faire entendre», répond le président malien Amani Toumani Touré, visiblement soucieux de ne pas souffler la «Flamme de la paix» allumée à Tombouctou en mars 1996 pour pérenniser la réconciliation avec les Touareg.

Le porte-parole des rebelles, un certain Ama Ag Sid Ahmed, assure qu’il parle au nom du lieutenant-colonel Hassan Fagaga, un déserteur de l’armée nationale qui avait rejoint le MPA dans les années 90 et commanderait la troupe qui vient de s‘illustrer à nouveau à Kidal, tête de pont traditionnelle des rébellions touareg. A ses côtés, d’autres vétérans d’une lutte armée que Bamako croyait révolue, Ibrahima Bahanga par exemple, ou Bah Moussa, ancien commandant du bataillon militaire de Menaka. La nuit dernière, en abandonnant les places-fortes emportées mardi matin, les rebelles ont libéré une vingtaine d’otages et laissé derrière eux un mort et deux blessés. Ils disent se battre pour les trois régions du nord (Tombouctou, Gao, et Kidal), assurant compter dans leurs rangs «des ex-militaires de l'armée régulière, des ex-rebelles et des civils [et réclamant] une gestion particulière pour ces trois régions».

Qui sont les rebelles ?

«Les trois figures de l’attaque des camps de Kidal et de Menaka sont tous issus du même ancien mouvement de la rébellion touareg.»


Balkanisée par les frontières de la Libye, d’Algérie, du Niger et du Burkina Faso, mais aussi du Nigeria ou du Tchad, la société des Touareg représente au Mali quelque 6% de la population, soit, officiellement, près de 400 000 personnes. Fondée jadis sur une vie nomade anéantie par le bornage colonial, rétive à tout pouvoir central depuis l’indépendance du Mali, cette communauté est sortie très affaiblie des grandes sécheresses qui ont décimé ses troupeaux dans les années soixante-dix. «Notre région est pauvre et nous voulons qu'on la développe vite», lance non sans naïveté le porte-parole des auteurs du double raid. Pour certains Touareg, la situation paraît en effet désespérée. D’autant que, depuis leur intégration dans l’armée régulière, le ciment national n’a pas vraiment pris avec tous les anciens combattants du MPA. Les mécontents d’aujourd’hui reprennent l’antienne d’hier : «Bamako néglige les Touareg».

Amag Ag Sid Ahmed, membre du groupe des Touaregs rebelles

«Les Touaregs ne demandent qu’un peu de développement et à être écoutés.»


En février dernier, avec quelques dizaines de jeunes Touareg en armes, le lieutenant-colonel Hassan Fagaga s’était déjà plaint des conditions de vie des ex-rebelles du MPA intégrés dans l’armée nationale. Il réclamait aussi la création d’une nouvelle commune dans la région de Kidal. Ces dernières années, la grogne militaire est récurrente dans les rangs touareg. Mais elle ne trouble pas seulement les autorités nationales. Elle met aussi en émoi les notables touareg qui estiment avoir trouvé leur juste place dans la configuration malienne. C’est le cas du deuxième vice-président de l’Assemblée nationale, Assarid Ag Imbarca-Ouane. Il est député à Gao, dans les confins ensablés du Mali, et se refuse à comprendre les motivations des auteurs des raids de mardi.

Assarid Ag Imbarca-Ouane, député touareg

«Je ne comprends rien à ce qui se passe à Kidal et je rejette la violence comme moyen d’expression.»


Dès qu’il a été informé des évènements intervenus à mille kilomètres de Bamako, la capitale, le président Toumani Touré s’est empressé d’appeler ses compatriotes à éviter les amalgames. Toutes les plaies ne sont pas complètement cicatrisées au Mali depuis l’accord de paix de 1992 avec le MPA. Des troubles sporadiques ont persisté longtemps après le conflit qui avait fait des centaines de morts. Il s’agit donc de ne pas envenimer les relations entre les Touareg et leurs compatriotes maliens. Pour autant, des renforts militaires ont été dépêchés depuis Gao, Mopti et Bamako, «pour libérer totalement la ville» de Kidal. En effet, rebelles ou au contraire loyalistes, tous les Touareg n’ont pas quitté la garnison en même temps que les assaillants. Repartis en pick-up, ces derniers se seraient regroupés aux alentours de Kidal. Propice au banditisme, la région est également surveillée par les Etats-Unis qui redoutent une infiltration des islamistes radicaux algériens du Groupement salafiste de prédication et de combat (GSPC).

Amadou Toumani Touré

«Je suivrai cette affaire avec responsabilité et mesure.»


«Face aux épreuves, je demande à chaque Malien de garder le calme et de faire preuve de mesure quelle que soit la situation», lance le président malien. Jurant de «suivre cette affaire avec responsabilité et avec mesure», il appelle ses administrés à ne pas confondre «ceux qui ont attaqué avec les autres Tamashek [Touareg] qui vivent avec nous et qui sont les plus gênés».


Article publié le 24/05/2006 Dernière mise à jour le 24/05/2006 à 19:00 TU