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Algérie

Un fusible a sauté

Le « fusible » Ahmed Ouyahia - à droite - et son successeur au poste de Premier ministre, Abdelaziz Belkhadem.(Photo : AFP)
Le « fusible » Ahmed Ouyahia - à droite - et son successeur au poste de Premier ministre, Abdelaziz Belkhadem.
(Photo : AFP)
Tempête dans un verre d’eau à Alger. L’Alliance présidentielle, regroupement politique de trois partis (RND, FLN et MSP) représentés au gouvernement, s’est livrée pendant quelques semaines à des joutes verbales que peu d’observateurs ont prises au sérieux. Elles ont débouché sur la démission du chef du gouvernement et patron du parti RND, Ahmed Ouyahia. Il a été aussitôt remplacé par Abdelaziz Belkhadem, secrétaire général du parti FLN. Vingt-quatre heures après, tous les ministres sortants ont été reconduits.

De notre correspondant à Alger

Finalement, la coalition gouvernementale n’a pas éclaté. Ni au plan politique, ni au plan de la composante humaine. Fondamentalement, rien ne changera puisque le nouveau chef du gouvernement a pour mission première de garder le cap imprimé par son prédécesseur. Seul, le « fusible » Ouyahia a sauté. Les islamistes du Mouvement de la société pour la paix (MSP) voulaient qu’il s’en aille pour être remplacé par un technocrate. Ils songeaient aux législatives de 2007 qu’ils souhaitent « plus propres et plus honnêtes ». Leur vœu n’a pas été exaucé.

S’ils ont obtenu le départ d’Ouyahia, ils n’ont pas gagné au change. Abdelaziz Belkhadem, qui a pris les commandes du gouvernement, est un vieux routier du régime qui considère que le FLN est « la première force politique du pays ». Il a été député et président de l’assemblée populaire nationale sous le régime du parti unique et ministre des Affaires étrangères (2000 – 2004) d’Abdelaziz Bouteflika. Il a navigué dans les méandres de l’appareil du FLN pendant 30 ans avant de devenir, en 2005, son secrétaire général avec l’assentiment d’Abdelaziz Bouteflika et des sphères militaires influentes.

« Comédie » et « querelle de ménage »

Durant la courte période qui a précédé la démission d’Ahmed Ouyahia, tout en siégeant avec lui au gouvernement en qualité de ministre d’Etat, Abdelaziz Belkhadem lui a publiquement reproché son inefficacité dans l’exécution du programme d’action présidentiel. Il lui a aussi recommandé d’éviter de faire sa déclaration de politique générale annuelle, une obligation constitutionnelle, en insinuant qu’il risquait la censure des députés.

Surpris, le Rassemblement national démocratique a timidement réagi tandis que son patron, Ahmed Ouyahia, a gardé le silence. Des fonctionnaires du Palais du gouvernement révèlent qu’il ne s’est pas rendu à son bureau pendant cinq jours. De leur côté, plusieurs journaux n’ont pas pris au sérieux cette situation qu’ils ont tantôt qualifiée de « comédie », tantôt de « querelle de ménage ».

Analystes et observateurs ne comprenaient pas ce brusque accès de fièvre anti-gouvernement. Pendant trois ans, avec Ahmed Ouyahia à la barre, les ministres du FLN, du MSP et du RND, ont transcendé leurs présumés clivages idéologiques pour mettre en œuvre, ensemble et avec zèle, le programme présidentiel. Leurs députés ont adopté tous les projets de loi, y compris les plus controversés dont notamment celui de la libéralisation des hydrocarbures. Des ministres ont été réprimandés, certains humiliés, par le président Bouteflika sous les feux des caméras, sans que le gouvernement ne soit ébranlé. Il a fallu que Abdelaziz Belkhadem et que le ministre d’Etat Aboudjerra Soltani (MSP) se mettent à critiquer l’action d’Ahmed Ouyahia pour que l’affaire vire à la crise. L’homme, en fonctionnaire d’Etat discipliné, s’est abstenu de polémiquer avec ses compagnons de route. Son parti, créé en 1997 à l’instigation du général Betchine avec des fonctionnaires et des transfuges du FLN, ne lui a été d’aucun secours. Il a remis sa démission sans faire de vagues.

En toile de fond, la succession

En partant, il a dit avoir « exprimé au président de la  République son soutien total pour la politique qu'il a imprimée notamment au sujet de la réconciliation nationale, du renforcement de la sécurité et de l'édification économique ». A côté de ce discours « responsable », le chef du gouvernement démissionnaire a également indiqué lui avoir exprimé ses « vœux de bonne santé », laissant entendre par là qu’il n’était pas totalement rétabli. Cette allusion a été certainement mal perçue par le président et son entourage.

On raconte qu’à ce niveau, on avait déjà très mal pris qu’Ahmed Ouyahia n’adhère pas à l’idée, émise et défendue depuis une année par Abdelaziz Belkhadem, d’une révision constitutionnelle qui supprimerait notamment la limitation du mandat présidentiel, actuellement fixé à deux mandats consécutifs. C’est la seule explication plausible au fait qu’Abdelaziz Bouteflika ne lui ait pas réitéré sa confiance. Par contre, il a maintenu tous les ministres sortants et il a placé un de ses conseillers, Hachemi Djiar, au département de la Communication, vacant depuis une année. En toile de fond de ce réaménagement interne au régime se profile la succession à la présidence de la république en 2009. Ahmed Ouyahia a trois ans pour s’y préparer. Peut être moins.

par Belkacem  Kolli

Article publié le 26/05/2006 Dernière mise à jour le 26/05/2006 à 08:20 TU