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Cameroun

Schisme au SDF

Aucun des camps ne veut laisser à l’autre la jouissance du sigle et des emblèmes du parti SDF.(Logo : sdfparty.org)
Aucun des camps ne veut laisser à l’autre la jouissance du sigle et des emblèmes du parti SDF.
(Logo : sdfparty.org)
Les deux factions du parti d’opposition Social Democratic Front (SDF) qui se disputent le nom du parti, qui se réclament de sa légitimité et, à ce titre, revendiquent la légalité de leurs actions, sont désormais inscrites dans la logique d’une rupture durable. Même si les décisions de justice cristallisent toutes les attentes, le principal parti d’opposition, qui vit depuis de longs mois une crise inédite, est en lambeaux. Ce qui est loin de déplaire au RDPC (Rassemblement démocratique du peuple camerounais) du président Paul Biya.

De notre correspondant à Yaoundé

Le schisme est là. Le parti est éclaté. Six jours après les assises des deux factions rivales du SDF, tenues entre le 26 et le 28 mai, l’unité est emportée par une guerre des chefs, dévastatrice, au sein d’une classe politique peu portée au renouvellement des équipes aux commandes des appareils depuis leur création. Jamais, depuis sa naissance dans le sang le 26 mai 1990 à Bamenda, dans le nord-ouest anglophone, le SDF n’était arrivé à ce seuil de désunion entres ses militants. En 1995, une première scission, la plus retentissante, s’était soldée par la création d’une nouvelle formation politique (le Forum des sociaux-démocrates), animée alors par Dorothy Kom, Charly Gabriel Mbock, Edouard Tankwe et quelques autres, exclus préalablement de cette formation politique.

« Dans les prochains jours, les délégués du parti qui ont pris part au congrès de Yaoundé vont s’atteler à renforcer notre implantation sur l’ensemble du territoire. Ils sont porteurs d’un message de dialogue et de paix ». D’un ton déterminé, le leader dissident Bernard Muna, ancien procureur du Tribunal pénal international sur le Rwanda, se déclare décidé à aller jusqu’au bout de sa logique.

« Expliquer la situation aux militants »

A l’autre bout du parti, Lavoisier Tsapy, un partisan du leader historique John Fru Ndi (reconduit lors du congrès de Bamenda) annonce que « dans les prochains jours, le président national va désigner un secrétaire général du parti. Ce dernier va convoquer une réunion du comité exécutif national pour définir les actions à mener ». Il n’est d’ailleurs pas exclu que le chairman lui-même, effectue un tournée nationale afin « d’expliquer la situation aux militants ».

Cette fois-ci, aucun des camps ne veut laisser à l’autre la jouissance du sigle et des emblèmes du parti. Rien n’indique que les décisions de justice attendues pousseront vers la porte l’une ou l’autre des factions rivales dont le discours d’exclusion réciproque s’est radicalisé au fil des mois. Et la mobilisation autour de l’un et l’autre congrès (près de 2 000 délégués à Bamenda et quelque 1 500 à Yaoundé) semble indiquer que plus aucune faction ne contrôle la totalité des militants. Vu sous cet angle, des observateurs craignent que la dislocation de ce qui était un bloc uni opposé au pouvoir, n’affecte la représentation des forces d’opposition à l’Assemblée nationale dans les prochains mois.

La donne n’a pas changé

Entre 1997 et 2002, le SDF a vu ses effectifs au Parlement passer d’une cinquantaine à une vingtaine de députés. Encore le parti a-t-il dû s’appuyer sur son bastion du nord-ouest anglophone laissant l’image, commode pour le pouvoir, d’un parti régional. Or, selon Aboya Manassé, politologue et enseignant à l’université de Douala, « on s’achemine vers des relations extrêmement tendues entre les deux factions, notamment dans la province du nord-ouest, fief du SDF ». En toile de fond : le contrôle de ce bastion historique du parti, entre Bernard Muna et John Fru Ndi, tous deux fondateurs du SDF, et fils du terroir…

Il y a plus. « La querelle politique que vit le SDF va déboucher sur la persistance durable des deux factions autour de l’appropriation du nom du parti. Ceci permettra au pouvoir de manœuvrer en fonction de ses intérêts ponctuels », prédit Mathias Eric Owona Nguini, sociologue, politologue et enseignant à l’université de Yaoundé II. Jusque-là, la crise au sein du SDF a pu laisser l’impression que le pouvoir RDPC était  plus prompt à soutenir et à reconnaître John Fru Ndi que les dissidents. Ce qui a fait dire à certains qu’il s’agit-là d’une stratégie du régime consistant à ménager un personnage certes charismatique, mais peu susceptible de menacer le pouvoir dans ses fondements, servant ainsi de caution à une certaine forme de « démocratie apaisée ». En 1998, le président Biya avait déjà confessé n’avoir pas souhaité la tenue à Yaoundé, d’un congrès convoqué par ceux qui, emmenés par Souleymanou, (le premier vice-président d’alors) voulaient ouvertement renverser John Fru Ndi. Apparemment, la donne n’a pas changé.



par Valentin  Zinga

Article publié le 31/05/2006Dernière mise à jour le 31/05/2006 à 15:58 TU