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Pays-Bas

Prison ferme pour trafic d’armes au Liberia

Guus Kouwenhoven au Liberia, en 1999. L'homme d'affaires néerlandais a été condamné pour trafic d’armes. Il échappe à une condamnation pour crimes de guerre.(Photo : AFP)
Guus Kouwenhoven au Liberia, en 1999. L'homme d'affaires néerlandais a été condamné pour trafic d’armes. Il échappe à une condamnation pour crimes de guerre.
(Photo : AFP)
Guus Kouwenhoven, un homme d’affaires qui figure parmi les 500 plus riches Néerlandais, a été condamné à huit ans de prison par un tribunal de La Haye, le 7 juin, pour ses activités de trafiquant d’armes au Liberia. Les 2 500 employés de l’une de ses exploitations forestières agissaient comme une milice à la solde de Charles Taylor. Faute de preuves, Guus Kouwenhoven a été acquitté du chef d’inculpation de crimes de guerre, pour lequel il risquait 20 ans de prison et 450 000 euros d’amende.

De notre correspondante aux Pays-Bas

Arrêté le 18 mars 2005 à Rotterdam, Guus Kouwenhoven a nié tout au long de son procès les accusations portées contre lui par la justice de son pays. Sûr de lui, il a réfuté être un ami de Charles Taylor, l’ancien président libérien, admettant tout juste avoir fait partie « du deuxième cercle, celui des hommes d’affaires ayant un accès direct au président ». De même, il a démenti avoir importé au Liberia des armes fabriquées en Chine, entre 1999 et 2002, en violation d’un embargo international. Il a nié s’être servi pour son commerce d’armes des navires qui acheminaient dans 37 pays le bois tiré des immenses concessions forestières que Charles Taylor lui avait confiées.

Incriminé depuis décembre 2000 par divers rapports des Nations unies et de l’ONG britannique Global Witness, Guus Kouwenhoven a été défendu par une avocate de talent, Inez Weski, qui a mis en doute les témoignages rapportés du Liberia par les enquêteurs néerlandais. Le procès, exemplaire, n’en a pas moins permis de lever le voile sur la façon dont le « bois du sang » a servi à financer la sanglante guerre civile libérienne, de 1989 à 2003.

Arrivé au début des années 1980 en Sierra Leone, pays frontalier du Liberia, en tant que spécialiste de l’import-export, Guus Kouwenhoven s’est vite installé au Liberia. Là, il s’est d’abord lié d’amitié avec Emanuel Shaw, le ministre des Finances du président Samuel Doe. A la faveur d’une privatisation, il a pris la direction de l’Africa Hotel, un établissement de luxe de Monrovia, la capitale. Il quitte le pays en 1989, aprés le coup d’Etat de Charles Taylor, qui fait brutalement exécuter Samuel Doe. Deux ans plus tard, de retour, il se rapproche du nouvel homme fort de Monrovia et obtient la direction de deux sociétés forestières, l’Oriental Timber Company (OTC) et la Royal Timber Company (RTC).

Une concession grande comme la Belgique

A elle seule, l’OTC représente 42% de la forêt libérienne. Grande comme la Belgique, cette concession génère une large partie de la manne financière que représente le bois pour le Liberia : des profits de 100 millions de dollars annuels. L’OTC est détenue à 30% par Guus Kouwenhoven, et à 70% par Global Star, filiale d’un groupe indonésien, Djan Djajanti, qui a pignon sur rue à Singapour comme à Hong Kong. Avec ses associés, Kouwenhoven dispose d’un navire, l’Antarctic Mariner, suspect par Global Witness d’avoir quitté le port de Buchanan avec du bois et d’y être revenu, à un rythme régulier, avec des cargaisons d’armes fabriquées en Chine. L’OTC disposait par ailleurs d’une flotte de camions et d’un hélicoptère pour transporter le bois à l’aller, les armes au retour. Des documents vidéo montrés pendant le procès indiquent que les mêmes vehicules ont servi à des attaques contre des civils, pour le compte des forces progouvernementales de Charles Taylor.

En mars 2003, Usual Suspects, un rapport détaillé de Global Witness sur les armes et les mercenaires du Liberia, de Côte d’Ivoire et de Sierra Leone, incrimine expressement Guus Kouwenhoven. Les policiers néerlandais se mettent alors à enquêter sur lui, passant un an entre le Liberia, Hong Kong et l’Indonésie. Aidés par le Tribunal spécial pour la Sierra Leone (TPSS), qui a inculpé Charles Taylor pour « crimes contre l’humanité », ils recueillent une correspondance aussi amicale que nourrie entre Guus Kouwenhoven et Charles Taylor. Si ces lettres n’ont pas suffi a établir la responsabilité de « Mister Guus » dans les atrocités commises au Liberia, elles devraient faire réflêchir les trafiquants qui courent toujours, comme Victor Bout, un Russe impliqué dans les mêmes trafics que Guus Kouwenhoven en Afrique de l’Ouest et en Afrique Centrale.

par Sabine  Cessou

Article publié le 07/06/2006Dernière mise à jour le 07/06/2006 à 18:07 TU