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Justice internationale

Darfour : la difficile enquête de la CPI

Luis Moreno Ocampo, le procureur de la Cour pénale internationale. 

		(Photo : AFP)
Luis Moreno Ocampo, le procureur de la Cour pénale internationale.
(Photo : AFP)
Le procureur de la Cour pénale internationale (CPI), Luis Moreno Ocampo, a présenté au Conseil de sécurité son troisième rapport d’étape sur le déroulement de ses enquêtes au Darfour. Plus d’un an après la saisine du Conseil de sécurité, les enquêteurs poursuivent toujours leurs investigations hors du Soudan.

De notre correspondante à La Haye

« L’insécurité permanente qui prévaut au Darfour y empêche la conduite effective d’enquêtes », a de nouveau prévenu le procureur lors de son intervention mercredi devant le Conseil de sécurité de l’ONU, sans pour autant s’attaquer de front à l’absence de coopération de Khartoum. Dès lors, les investigations du parquet de la CPI sont conduites hors des sites de crimes. Non sans difficultés. L’équipe du parquet, installée sur le territoire du Tchad voisin, a dû provisoirement être suspendue en raison « des affrontements entre le gouvernement temporaire et les forces rebelles », en avril 2006. Le rapport du procureur n’apporte que peu d’éléments nouveaux sur la situation au Darfour. Luis Moreno Ocampo fait état « de massacres à grande échelle avec des centaines de victimes » et « identifie » des assassinats, viols, déplacements forcés de population, pillages, destructions d’édifices religieux et attaques contre du personnel humanitaire ou des soldats de l’Union africaine.

Le procureur prend ses distances avec les enquêteurs de l’ONU

Luis Moreno Ocampo ne fait donc que confirmer les conclusions, très documentées, remises par la commission d’enquête internationale de l’ONU au Conseil de sécurité en février 2005 et qui avait entraîné le vote d’une résolution pour saisir le procureur de la juridiction de La Haye. Mais, depuis le début de ses investigations, Luis Moreno Ocampo prend ses distances avec la Commission qui lui avait remis une liste, confidentielle, de 51 responsables présumés de crimes contre l’humanité et crimes de guerre.

« Cette liste n’impose aucune obligation au procureur et ne sert pas de fondement à l’identification des personnes appelées à faire l’objet de poursuites devant la Cour », a-t-il déclaré, précisant qu’il était « complexe » d’identifier les plus hauts responsables des crimes, avant d’annoncer qu’il conduirait des « poursuites séquentielles », par opposition à un grand procès rassemblant plusieurs responsables.

Le rapport n’éteint pas les critiques contre la Cour

Le rapport du procureur ne devrait pas calmer les impatiences, exprimées notamment par le Haut-commissaire aux droits de l’homme des Nations unies, Louise Arbour. Début mai, cette ancienne procureure des tribunaux pour l’ex-Yougoslavie et le Rwanda fustigeait la Cour. Face à « l’inaptitude persistance du gouvernement soudanais », avait-elle déclaré, la Cour devrait conduire ses enquêtes de façon « plus musclée et plus visible ». L’inaptitude de Khartoum à engager des poursuites est confirmée par ce rapport d’étape. Lors de la saisine du procureur international par l’ONU, Khartoum s’était engagée à poursuivre les responsables d’exactions et mettait en place un nouveau tribunal spécial avec force publicité. Cette juridiction, qui vient compléter une série de mécanismes judiciaires, commissions d’enquête et tribunaux, n’a conduit pour l’heure à aucun procès sérieux. Mais par ces différents mécanismes, les autorités soudanaises espèrent échapper aux inculpations de la Cour qui, selon son statut, ne peut engager de poursuites que si les Etats sont défaillants.

Pour l’heure, le pari est loin d’être gagné. Luis Moreno Ocampo a affirmé que la Cour restait compétente pour les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre, estimant que le conflit a « démembré l’infrastructure judiciaire pénale », ajoutant que « les autorités nationales doivent relever des défis considérables pour mener à bien des procédures pénales dignes de ce nom ». Le procureur en a appelé à une plus grande coopération des Etats et des institutions, tout en soulignant que des entretiens pourraient être conduits par les enquêteurs à Khartoum, en août 2006. Il a en outre regretté les « lenteurs » de la coopération avec la mission de l’Union africaine au Soudan (AMIS).

Comme lors de ses enquêtes engagées en Ouganda ou en République démocratique du Congo, le procureur a rappelé que « la prévention des conflits armés appelle une démarche globale, dans le cadre de mécanismes nationaux et internationaux plus larges », donnant de nouveau une dimension politique de son propre mandat.

par Stéphanie  Maupas

Article publié le 15/06/2006Dernière mise à jour le 15/06/2006 à TU

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Dossier spécial - Soudan: crimes contre l'humanité au Darfour 

		(photo AFP, montage RFI)