Rechercher

/ languages

Choisir langue
 

Coupe du monde

La route est longue, mais l’Afrique arrive

John Pantsi, défenseur ghanéen, porte le drapeau de son pays après leur victoire contre les Etats-Unis, 2 à 1, le 22 juin 2006. Le Ghana est le seul pays africain encore en lice pour le Mondial 2006. 

		(Photo : AFP)
John Pantsi, défenseur ghanéen, porte le drapeau de son pays après leur victoire contre les Etats-Unis, 2 à 1, le 22 juin 2006. Le Ghana est le seul pays africain encore en lice pour le Mondial 2006.
(Photo : AFP)
La Côte d'Ivoire, l'Angola, la Tunisie et le Togo éliminés, il ne reste que le Ghana pour jouer le Brésil en 1/8e de finale. Les équipes africaines passées à la trappe sont-elles aussi faibles qu'on a voulu le faire croire ? Des leçons restent sûrement à prendre, mais une interrogation demeure incontournable : que rôle l'arbitrage a-t-il joué dans leurs résultats ?

Pour l’Afrique, la 18e Coupe du monde de football débuté le 10 juin 2006 par un sulfureux Argentine-Côte d’Ivoire et elle s’est achevée le vendredi 23 juin à Cologne par un Togo-France que les uns et les autres attendaient comme le match de la rédemption. Une défaite au goût amer pour commencer et une autre plus acceptable à la fin qui fait le bonheur des « Bleus » français soucieux d'effacer les affres de 2002. Entre ces deux matches qui sont loin de situer le niveau actuel du football africain, il y a eu un peu de Côte d'Ivoire et un peu plus de Ghana.

Un bilan en chiffres plutôt négatif

D’une façon générale, les sélections africaines n’ont pas démérité. Peuvent donc mieux faire. 14 buts marqués pour 22 encaissés. Si l’on ne s’en tient qu’aux résultats bruts, on constate que les sélections africaines ont joué15 matches et n’en ont remportés que 3. Ces victoires étant obtenues par la Côte d’Ivoire (lors de son 3e match sans enjeu) et le Ghana. Il y eut 3 nuls (dont 2 obtenus par l'Angola contre le Mexique et l'Iran) pour 9 défaites.

Et c’est justement de ces défaites que vient l’espoir qui fait dire qu’il n’y a plus de petites équipes et que les « accidents » à  9-0 comme celui subi le 19 juin 1974 en Coupe du monde par une excellente sélection des « Léopards » de l’ex-Zaïre ne sont plus à l’ordre du jour. Le terme « excellente » peut surprendre, mais les spécialistes persistent à penser que cette sélection demeure à ce jour l’une des plus belles jamais présentée par le continent africain. Ce fut plus une défaite mentale que sportive car les Tshinambu, Ndaye, Kazadi et autre Kakoko, bien qu’embrigadés par un pouvoir politique qui voulait en faire des messagers du mobutisme, étaient de sacrés manieurs de ballons.

Le bon potentiel de l'Angola

L'Angola a étonné ceux qui voulaient l'être. Pour avoir éliminé l'Algérie et le Nigeria, on savait qu'elle avait une équipe qui ne fut d'ailleurs pas la plus décevante de la CAN 2006. Au cours d'une table ronde à la télévision française, alors que l'Angola allait jouer son 3e et dernier match contre l'Iran, un confrère camerounais déclare qu'il ne voit pas ce qu'un pays comme celui-là fait à la Coupe du monde. Réponse d'un homme politique français invité de l'émission : « Si, après 30 ans de guerre et de désordres de toutes sortes, ce pays a réussi à sortir une équipe pareille qui joue aujourd'hui en Coupe du monde, je crois qu'il ne faudrait pas parler comme vous venez de le faire, mais l'applaudir et l'encourager parce qu'il y a du potentiel pour demain ». Ce qui manque à l'Angola ? Un vrai patron de la défense. Un Deco et un Vieira au milieu et un grand buteur devant pour épauler Akwa.

Le Togo, pas si décevant que ça

Le Togo a fait ce qu'il a pu dans une ambiance délétère que l'entourage de l'équipe a imposée aux joueurs qui nous ont finalement surpris. Car après la phase finale de la CAN en Egypte, nul ne les attendait à ce niveau. Ils ont perdu de justesse face à une sélection de Corée du Sud tombée de haut. Le 13 juin à Francfort, les Asiatiques ont vite compris qu'il y avait du répondant en face. Comme à leurs habitudes, ils ont multiplié les fautes et les actes d'anti-jeu pour égaliser d'abord et pour passer ensuite. Après une somptueuse première mi-temps face à la France qui jouait son avenir dans la compétition, ils ont baissé pied, permettant aux « Bleus » de marquer deux fois. La joie explosive des Français, lorsqu'ils marquèrent enfin le premier but, fut à la hauteur de leurs angoisses face à un Togo dont le gardien arrêtait tout et dont les attaquants menaçaient constamment Fabien Barthez. Les Togolais devraient se sentir fiers d'avoir suscité des concerts de klaxons sur les Champs-Élysées.

La Tunisie doit renouveler ses cadres

La Tunisie a semblé arrivé au bout du rouleau avec une équipe essoufflée qui aurait pu se retrouver quand même en 1/8e de finale avec un peu plus de dynamisme et… de chance. La génération qui a joué cette phase finale de la Coupe du monde, est celle qui fut sacrée championne d'Afrique à domicile en 2004. On avait pu noter à l'occasion de cette victoire méritée que la sélection tunisienne était soudée, solidaire et jouait en automatismes, signe que les joueurs se connaissent et savent se  retrouver sur le terrain, les yeux fermés. Certes Santos fut indisponible, mais on a pu mesurer les limites actuelles d'un Jaziri qui ne mena que rarement les siens à l'abordage. On comprend pourquoi le joueur le plus dangereux de la Tunisie fut à chaque rencontre, le défenseur Hatem Trabelsi.

L'incompréhensible choix des hommes

La Côte d'Ivoire. Avec le recul, on peut s'interroger sur les graves errements de la défense ivoirienne qui, dans son ensemble, a déçu. Il y a dans cette arrière-garde, plus de points faibles que de points forts. Domoreaud est-il encore dans le coup ? Meité est-il véritablement au niveau de ses camarades ? Même s'il est souvent dur l'homme, Blaise Kouassi, n'était-il pas le mieux placé pour fermer la porte aux côtés de Kolo Touré et d'Emmanuel Eboué ?

L'évocation du nom d'Eboué fait penser à ses montées sur le côté droit de cette défense qui a souvent laissé des zones de liberté aux adversaires dans les angles morts. Ce phénomène, on l'a noté bien plus à gauche (du côté de Boka) qu'à droite où Kolo Touré était constamment en couverture de son jeune partenaire d'Arsenal. Boka s'était souvent transformé en ailier gauche, laissant derrière lui des espaces utiles à l'adversaire. Il est loin le temps où les « Eléphants » avaient en défense des Jean-Baptiste Akran, des Denis Gnégnéri ou des Henri Konan, avec dans les buts des phénomènes comme Jean Keita, Fanny Ibrahima, Emmanuel Ezan ou Petit Abou. Au-delà des individualités qui ne sont pas toutes irréprochables, il a manqué à la défense ivoirienne, une coordination d'ensemble, des replacements rapides pour pallier aux montées ou aux erreurs des partenaires. Devant, le problème ne se pose pas puisque les avants ivoiriens ont de la classe même s'ils ne sont pas des Pokou Laurent. Beaucoup resteront déçus de n'avoir pas vu tout le temps Dindané et Drogba jouer ensemble.

Le Ghana au pied du mur brésilien

Le Ghana. Comme on le dit couramment en Afrique, c'est finalement le Ghana qui a relevé la tête du continent. Non pas que les autres représentants ont été mauvais ou en dessous de tout, mais parce que les Ghana boys ont montré leur capacité à associer la manière au résultat. Car à quoi sert-il de jouer les prestidigitateurs balle au pied si l'on doit toujours sortir du terrain la tête basse ? Nous attendrons de voir ce que fera le « Black Star » contre ces diables de Brésiliens qui changent de braquet en fonction de la difficulté qui se présente devant eux.

Un arbitrage à la tête du client

Les arbitres de cette Coupe du monde, il faudrait forcément en parler. Des internautes français dont une chaîne française (M6) a fait défiler les opinions pensent tout simplement que nous sommes en train de vivre la Coupe du monde « la plus mal arbitrée de l'histoire ». S'agissant de ce que nous avons vu jusqu'ici, des arbitres au sifflet facile pour certains ont faussé des matches par des décisions révoltantes, pénalisant et condamnant facilement un pays au profit d'un autre. Nos internautes qui interviennent souvent pour aborder des sujets divers, n'ont cette fois parlé que de l'arbitrage sur http://www.rfi.fr/.

Mlle Hélène Adikko de Torcy en France, Louis Dioma de Bobo-Dioulasso au Burkina Faso, Jean Rasolo de la République Centrafricaine, Arsène Bilukwa Shum de Lumumbashi en République Démocratique du Congo – pour ne citer que ceux-là – s'insurgent contre un arbitrage partial et contre ce « vaste complot international entretenu au nom de la pauvreté du continent ». Il est clair que l'Afrique, pour des raisons extra sportives, est aujourd'hui le maillon faible du football mondial. Et si le football africain est faible, c'est parce qu'il n'est pas encore riche. Et comme on ne prête qu'aux riches, le football mondial semble n'appartenir qu'à un cercle fermé.

Certains arbitres oublient la neutralité

En 2006, nous avons le sentiment que le football est avant tout l’affaire des grandes nations et que, arbitrage aidant, il n’est pas question que les « petites nations » se mêlent de vouloir rentrer elles aussi dans la maison football. Des fautes non sifflées, des cartons trop facilement donnés, le refus de voir des penalties flagrants et tous ces petites choses qui font que les arbitres, du moins certains, sifflent à la tête du client.

Un petit rappel : Togo-France, le 23 juin à Cologne. A la 87e minute, le Togolais Salifou tacle le ballon et le récupère au moment où Makélele se précipite. L’arbitre accourt et colle rageusement un carton jaune au joueur Togolais qui s’emporte au risque de prendre un 2e carton dans la foulée, ce que l’arbitre n’ose pas faire et pour cause : il n’ y avait pas faute. Ce que confirmera Arsène Wenger, le consultant de TF1. Ce qui est frappant aussi, c’est l'irritation de celui qui est avant tout un juge sur le terrain et dont les règlements exigent la plus grande neutralité. L'arbitre du match Allemagne-Suède riait carrément au moment de coller le 2e carton jaune au Suédois Lucic ; il venait tout simplement d'obéir aux réclamations tapageuses des joueurs allemands. Les arbitres devront expliquer un jour, les raisons pour lesquelles ils n’aiment pas certains joueurs.

Une Ivoirienne absolument excédée

Les arbitres rendent-ils compte de leurs erreurs ? A qui ? Comment interpréter les propos du patron de la FIFA, Sepp Blatter qui reconnaît lui-même que « la Côte d'Ivoire a été volée » ? Au final, certains passent à la trappe, la Coupe du monde continue et « c'est la faute à pas de chance ».

Une Ivoirienne excédée par les fautes non sifflées contre les joueurs néerlandais et en particulier contre Didier Drogba, fonce sur le micro de mon collègue Zéphirin Kouadio et déclare, furieuse et la larme à l'œil : « Moi je demande à tous mes confrères africains que la Coupe du monde, la prochaine Coupe du monde, il faudrait qu'on la boycotte parce que l'arbitrage n'est pas correct ! Cette peau noire là, elle est mal vue partout ! Jusqu'à cette Coupe du monde là ! Parce qu'on l'a vu avec la Côte d'Ivoire, on l'a vu avec d'autres pays africains, quand il y a des penalties, des fautes, les arbitres ne sifflent pas ! Merci ! »  

La route est encore longue pour l'Afrique

Quand un caricaturiste français montre comment un arbitre est conduit dans sa chambre d'hôtel, alors que sur son grand lit, plusieurs jeunes filles l'attendent pratiquement nues, on peut se poser des questions qui vont bien au-delà d'un tel décor. Les arbitres de football parmi lesquels il y a sûrement des sifflets intègres, doivent bien se douter qu'il y a des brebis galeuses en leur sein et comme tout ce qui pourrit sent, il arrivera bien un jour où des scandales éclateront à la face du monde.

Nous ne commettrons pas l'erreur de sur-noter le football africain actuel dont les lacunes et les errements existent et sont, avant tout, ceux de son organisation, de ses structures et ceux de ses dirigeants. Aucun dirigeant africain n'a osé déclarer que sa sélection allait en Allemagne pour remporter la Coupe du monde. La route est encore longue pour l'Afrique qui continue d'apprendre et de s'aguerrir. Il serait bien que les arbitres aussi ne se mêlent pas de poser des mines anti-personnelles sur un parcours déjà semé d'embûches.

Des propos diviseurs et stricto-nationalistes

Au moment où seul le Ghana demeure en lice, on assiste, venant aussi de certains de nos internautes, à cette polémique stérile qui voudrait que le Cameroun, qui a pourtant été éliminé sur le terrain, soit le meilleur représentant (absent) du continent à cette Coupe du monde. Il aurait même fallu le « choisir » pour services rendus au football africain. Je profite donc de l'opportunité du présent bilan pour signaler à Mr Lucas Ngan de Paris, que sa littérature n'est pas de celle qu'applaudiront ceux et celles qui veulent un football africain uni et fort dans ses composantes nigériane, sénégalaise, camerounaise, ivoirienne, etc. C'est plutôt léger de penser et d'écrire que : « certains Africains sont jaloux des bonnes performances des ‘Lions Indomptables’, la meilleure équipe africaine de football de tous les temps ». Contrairement à ce que pense ce monsieur, Drogba et Eto ne sont pas des ennemis. L'idéal, n'était-ce pas d'éviter à ces deux grands pays de football de se retrouver dans la même poule ?

par Dave  Wilson

Article publié le 26/06/2006Dernière mise à jour le 26/06/2006 à TU

Dossiers

(Conception : Nicolas Catonné)