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Chronique armée-défense

L’US army redécouvre les civils

Philippe Leymarie 

		(Photo RFI)
Philippe Leymarie
(Photo RFI)

La formation des unités américaines susceptibles d’être expédiées en Irak ou en Afghanistan réserve désormais une large place aux civils, considérés comme des acteurs des conflits, et non plus comme un encombrant décor auquel il faudrait simplement tenter d’épargner le maximum de «dommages collatéraux». Désormais, à Fort Polk, en Louisiane du sud, où s’entraîne l’US army, on ne se contente plus de chercher l’affrontement avec des «ennemis» dûment étiquetés ; et les insurgés ne portent plus de «brassards» pour se signaler.

Les assaillants sont des «terroristes» réputés membres d’Al-Qaïda, basé dans une partie de la forêt dénommée «Pakistan»; ou des  «talibans», qui vivent dans une quinzaine de villages artificiels. Les 160  soldats qui jouent les premiers rôles -  et dont c’est la spécialité - sont vêtus en conséquence, et sont secondés par 800 acteurs, qui figurent des travailleurs humanitaires ou des journalistes occidentaux, des policiers locaux, des maires, des mollahs, des docteurs, des cultivateurs de pavot … bref, la société réelle, tandis qu'un groupe de vétérans  du Vietnam,  badigeonnés de sang factice, constitue – selon un reportage du mensuel The Economist, de «remarquables victimes d’attentats».

Car, plus qu'à la «guerre» en bonne et due forme, à l’ancienne, avec son front et ses arrières, ses lignes et ses défenses, ce à quoi on s’entraîne à Fort Polk, c’est à la guérilla, au maintien de l’ordre, avec force voitures piégées, ou attaques à la bombe le long des routes – à l’aide de ce qu’on nomme les «engins explosifs improvisés», les IED, plus et autant qu'aux traditionnelles roquettes, ou aux armes légères – même si elles restent bien sûr au programme.

Depuis longtemps, les Britanniques ou les Français s’attendent à trouver des civils sur le champ de bataille. Mais, pour le militaire américain moyen, cette prise en compte du civil, du quartier, des maisons, des coutumes … est une relative découverte. La guerre dans le Pacifique, en Indochine avait été surtout rurale - style jungle - ou maritime, ou aérienne. Même chose en Amérique latine, ou en Asie, quand les forces spéciales  et la Cia appuyaient les contre-insurrections. Les épisodes «urbains» récents – Haïti, Mogadiscio – n’avaient pas tourné à l'avantage des Américains.

Gagner la confiance de la population semblait le cadet des soucis des GI’s, des Marines : une préoccupation  à la limite de «l’intellectuel», et en tout cas bien trop dangereuse, par les temps qui courent. Sans doute en raison de l’hypertechnicité de cette armée, devenue dépendante d’un renseignement de type électronique qui – lorsque l’ennemi se cache parmi la population, ou lorsque c’est la population qui est l’ennemie – ne peut fournir à lui seule la solution. Si bien que, ces dernières années, le «modèle» du fantassin américain bardé d’équipements, lourdement armé, relié à ses collègues et chefs mais coupé de son environnement physique et humain, a montré ses limites.

Moralité : au Joint Readeaness Training Center de Fort Polk, on fait passer au second plan «l’esprit du guerrier», on apprend à «gagner les cœurs et les esprits», au lieu de tirer d’abord, pour créer «le choc et l’effroi». On apprend comment déjouer les pièges, comment essayer de protéger les civils, contre les terroristes, mais aussi contre les pillards. Comment tenter d’assurer la fourniture des services de base, pour éviter que la population ne se retourne contre vous. Un changement coûteux, sur cet immense champ de bataille factice, par où passent désormais une bonne partie des brigades qui seront déployées en Irak et en Afghanistan.

par Philippe  Leymarie

[09/07/2006]

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