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Justice internationale

Kosovo: six hauts responsables face aux juges

Carla del Ponte, la procureure général, a regretté une accélération des procédures qui conduisait le tribunal à limiter les accusations. 

		(Photo : AFP)
Carla del Ponte, la procureure général, a regretté une accélération des procédures qui conduisait le tribunal à limiter les accusations.
(Photo : AFP)
Le tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY) a ouvert le procès des responsables de la déportation de près de 800 000 Albanais du Kosovo au printemps 1999. Le parquet est parvenu à rassembler dans le box six hauts responsables. Tous ont agi, selon le parquet, sous la responsabilité de Slobodan Milosevic.

De notre correspondante à La Haye

«En 1999, les images du Kosovo montraient des milliers de réfugiés albanais qui quittaient le pays à pieds, en charrette, en tracteur», plaide le procureur Thomas Hannis. «Ce procès vous dira comment il y a eu cet exode humain, qui est en responsable.» En face du procureur, une armée d’avocats se dresse pour défendre les six hommes présents dans le box. L’ancien président de Serbie, Milan Milutinovic, qui a fait sa carrière dans l’ombre de Slobodan Milosevic, président de la République de Yougoslavie (alors constituée de la Serbie, du Monténégro et du Kosovo) à l’époque des crimes. A ses côtés, l’ancien vice-premier ministre, Nikola Saïnovic. Lui était un intime de Slobodan Milosevic, aux ordres duquel agissait Dragoljub Ojdanic, ex-chef d’état-major de l’armée yougoslave, les commandants Nebosja Pavkovic et Vladimir Lazarevic et le chef de la police, Sreten Lukic.

Accusés de crimes contre l’humanité et violations des lois ou coutumes de la guerre, ils ont tous travaillé à la solde de Slobodan Milosevic en 1998 et 1999 pour «modifier l’équilibre ethnique du Kosovo» et «assurer le contrôle des Serbes sur la province». Leurs aventures guerrières ont entraîné la déportation de près de 800 000 Albanais du Kosovo et le meurtre de plusieurs centaines de civils. Quant à la Serbie, elle est sortie exsangue d’un conflit qui n’a pris fin qu’au terme de 78 jours de bombardements conduits par l’Otan au printemps 1999.

Un plan pour maintenir le pouvoir serbe

Ces déportations, ces assassinats, ces destructions, résultaient «d’un plan destiné à maintenir le contrôle des Serbes sur la province», assène le procureur dans le prétoire. «Ce n’était pas une série d’accidents, ce n’était pas des coïncidences dans le cadre légitime d’une opération anti-terroriste». C’est pourtant ce que plaideront les six hommes au cours de ce procès qui devrait durer plusieurs mois. «Même dans les documents américains, l’Armée de libération du Kosovo (UCK) était qualifiée de force terroriste», lance déjà à la Cour le général Ojdanic.

Réprimés par le pouvoir de Belgrade, les sécessionnistes albanais s’étaient engagés dans une lutte armée dès 1998. Solennel, l’ancien chef d’état-major de l’armée s’est engagé dans une lecture appliquée. «Je suis devant vous en temps que soldat et général quatre étoiles», a-t-il asséné d’une voix forte, en épilogue au rappel de 42 ans de carrière avant de porter haut les galons de son père, pour attester de sa «conscience». Un résistant antifasciste de la seconde guerre mondiale, qui lui a donné «le sens de la patrie, notre valeur suprême». «Dans ce conflit, il était difficile de distinguer la guerre de la politique, la vérité de la propagande. Tout ce qui a été fait était dirigé contre l’Armée de libération du Kosovo et contre l’Otan. Pas contre les Albanais, pas contre la population civile», a-t-il voulu convaincre.

Un procès tronqué

Quelques mois en arrière, à la même place, Slobodan Milosevic proférait un discours similaire. Son décès, le 11 mars 2006, à quelques mois de la fin de son procès, n’a pas permis d’obtenir les réponses juridiques attendues, ni sur le Kosovo, ni sur les conflits précédents de Croatie et de Bosnie. Face aux critiques qui ont suivi la mort de l’ancien président yougoslave, le tribunal de La Haye, sommé par la communauté internationale de boucler ses travaux aux alentours de 2010, semble céder aux injonctions. En juin, les juges ont amendé leurs règles de procédure de sorte à limiter les accusations portées contre les accusés, et conduire des procès plus rapides. Or selon plusieurs juristes, une adaptation des procédures, trop complexes, permettrait d’avancer plus rapidement sans toucher au fond des affaires. Devant le Conseil de sécurité, la procureure général, Carla del Ponte, s’était plainte, en juin, d’une situation qui portait atteinte à l’indépendance du parquet.

Les conséquences de cette politique initiée par le tribunal se font déjà ressentir sur le procès démarré lundi. L’affaire Kosovo sera tronquée d’une part de son histoire. Dans l’acte d’accusation initiale, les six hommes étaient accusés du massacre de Racak, en janvier 1999, et des crimes commis à la prison de Dubrava. Mais les juges ont imposé une coupe réglée au procureur, au risque de laisser sans réponse judiciaire ces deux volets importants, et controversés, de la guerre de 1999.



par Stéphanie  Maupas

Article publié le 10/07/2006Dernière mise à jour le 10/07/2006 à TU