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République démocratique du Congo

Les candidats en ordre de bataille électorale

33 millions de bulletins seront mis à la disposition des 26,5 millions d'électeurs, dans les 50 000 bureaux de vote des 169 circonscriptions électorales. 

		(Photo : AFP)
33 millions de bulletins seront mis à la disposition des 26,5 millions d'électeurs, dans les 50 000 bureaux de vote des 169 circonscriptions électorales.
(Photo : AFP)
Après trois ans d’une transition construite sur un «partage du pouvoir» entre seigneurs de la guerre, les urnes doivent trancher. Mais les anciens fiefs de guerre ne sont pas des réservoirs électoraux forcément captifs pour les ex-rebelles devenus vice-présidents. Candidats à la magistrature suprême, Jean-Pierre Bemba et Azarias Ruberwa, vont faire jeu inégal avec Joseph Kabila, qui siège à Kinshasa dans le fauteuil présidentiel hérité de son père et bénéficie d’appuis extérieurs déterminants. Dans le camp adverse, Etienne Tshisekedi appelle au boycott des scrutins présidentiel et législatif du 30 juillet. Du coup, son parti d’envergure nationale se trouve hors-jeu. Reste le lumumbiste Antoine Gizenga et un peloton de poids-plume.

Ce 12 juillet, le candidat Kabila était à Bunia, le chef-lieu de l’Ituri où sévissent toujours les milices tribales. Le 30 juin, il a tenu son premier meeting de campagne à Butembo, au Nord-Kivu. En 2005, au Sud-Kivu, il avait déjà exprimé à Bukavu tout l’intérêt électoral qu’il porte au grand Est congolais. Joseph Kabila compte bien en effet y faire le plein des voix. Il chasse en particulier sur les terres d’Azarias Ruberwa, le président du RCD-Goma (Rassemblement congolais pour la démocratie). Ce dernier reste déconsidéré par l’appui militaire qu’il a reçu du Rwanda, occupant honni par la majorité des populations de la région.

A Butembo, c’est d’un dissident du RCD de Ruberwa revenu vers Kinshasa, Mbusa Nyamwisi, le chef du RCD-ML, que Joseph Kabila compte faire une bouchée. Il annonce «un Congo nouveau» aux habitants de la cité commerciale jadis prospère. «Je m'assurerai de la restauration de la paix en Ituri. Je ferai tout ce que je peux pour permettre le retour des habitants qui ont fui dans la brousse», promet-il aux habitants de Bunia, en échange de leurs voix. Dans un passé récent certaines milices tribales lui ont fait allégeance lorsqu’il s’est agi de négocier avec des groupes soutenus par l’Ouganda voisin. Mais la poudrière aurifère a déjà enregistré plus de 60 000 morts et 600 000 déplacés. Elle reste l’une des provinces les plus instables du pays. Des combats ont repris fin juin, malgré la présence en force des casques bleus de la Mission des Nations unies au Congo (Monuc).

Une Alliance pour Joseph Kabila

Dans ces terres reculées de l’Est congolais, en tant que capitale, Kinshasa incarne encore dans la plupart des esprits ce qui reste de l’idée d’une Nation congolaise. Joseph Kabila tient à ne pas perdre une miette de symbolique nationale. A l’instar de son père, il fait aussi son affaire du remuant Katanga. «Je suis des vôtres», dit-il aux jeunes. Il a 35 ans lui-même et c’est en candidat indépendant que Joseph Kabange Kabila postule à une légitimité présidentielle pleine et entière après trois longues années de transition. Aujourd’hui, il s’affiche au-dessus de la mêlée, en laissant une trentaine de partis politiques battre campagne pour lui au sein d’une Alliance de la majorité présidentielle (AMP).

Le 30 juin, au moment où le président Kabila lançait sa campagne à Butembo, à Kinshasa, ses vice-présidents issus de la rébellion attendaient en vain la poursuite de «concertations politiques» sur les préparatifs électoraux. Le 4 juillet, 20 des 33 candidats à la présidentielle ont réclamé le gel des scrutins, en dénonçant des irrégularité dans le processus électoral. Des manifestations de rues ont été sévèrement réprimées, Joseph Kabila décrétant le calendrier électoral inamovible, l'ambassadeur des Etats-Unis en RDC, Roger Meece, renchérissant : «Le temps des délais supplémentaires est révolu». C’est aussi l’avis de Bruxelles et de Paris qui avaient accueilli l’avènement de Joseph Kabila avec soulagement, après la disparition de son père.

Le chef du Parti lumumbiste unifié (Palu), l’octogénaire Antoine Gizenga est entré en campagne dès le 29 juin. En appelant les Congolais à «voter massivement» pour lui, il a un regard appuyé du côté des électeurs de l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS). Beaucoup sont désorientés par le mot d’ordre de boycott du «sphinx» Tshisekedi. Or UDPS et Palu sont les seuls partis d’opposition à pouvoir briguer un score notable dans chacune des onze provinces où 13 partis seulement, sur 282 officiellement agréés, sont en mesure de présenter des candidats aux législatives. Dans l’opposition depuis quarante ans, le Palu a joué le jeu de la transition, tout en la critiquant. Etienne Tshisekedi s’y est refusé. Reste à savoir combien de ses électeurs se sont finalement enrôlés sur les listes et vers qui iront leurs faveurs.

Lumumbistes et mobutistes

Si Antoine Gizenga porte la bannière du lumumbisme largement au-dessus de la tête du fils de Patrice-Emery Lumumba, Guy-Patrice Lumumba, candidat indépendant à la présidentielle, Pierre Pay Pay bat le rappel des ex-mobutistes dans la Coalition des démocrates congolais (Codeco). Celle-ci l’a désigné comme son candidat en décembre 2005. A Kinshasa, l’ancien ministre Pay Pay, ancien gouverneur de la Banque centrale du Zaïre promet aujourd’hui d’empêcher «toute tentative de déstabilisation fondée sur l'appât de gain». L’un des fils de Mobutu, François-Joseph Nzanga, s’affiche de son côté à la tête de l’Union des démocrates mobutistes. Au total, repentis ou non, les mobutistes sont bien évidemment très nombreux à rêver sinon une restauration de l’ancien réseau, du moins leur propre rétablissement dans les allées du pouvoir.

Le fils du «patron des patrons» sous Mobutu, homme d’affaires lui-même, Jean-Pierre Bemba a investi en Equateur dans le Mouvement de libération du Congo (MLC), sous Kabila père. Appelé par Kabila fils à la table de la transition comme ancien seigneur de la guerre, il est lui aussi candidat à la présidentielle et vient de rejoindre un Regroupement des nationalistes congolais (Renaco) qui rassemble une vingtaine de partis et où les ex-mobutistes sont également légions. Il aura quand même des difficultés à ratisser suffisamment au plan national. A défaut d’un retour sur investissement électoral satisfaisant, il devra accommoder les menaces judiciaires internationales qui pèsent sur lui depuis ses aventures en Centrafrique pour soutenir le président déchu Ange-Félix Patasse.

Stigmatisé par son appartenance communautaire banyamulenge (des rwandophones de la région d’Uvira), Azarias Ruberwa, le chef du RCD-Goma, tirera lui-aussi difficilement son épingle du jeu électoral, législatives inclues. D’autres chefs de guerre ou de factions verront leur empire provisoire s’effondrer ou peser de peu de poids dans les scrutins qui s’annoncent. Ces élections sont cruciales car il s’agit de tourner la page de la guerre. Il n’est pas sûr qu’elles soient capables à elles seules de transporter le Congo sur un terrain politique nettoyé de ses poisons communautaires et de la tentation des armes. Ce n’est toujours pas le cas, au Katanga, dans les deux Kivu comme en Ituri.

25,6 millions d’électeurs vont devoir choisir entre 33 candidats à la présidentielle et 9 706 postulants députés, qui vont se disputer les 500 sièges du Parlement national. Un fatras de 33 millions de bulletins va être acheminé dans les 50 000 bureaux de vote répartis dans les 169 circonscriptions électorales. L’exercice en vraie grandeur promet des cafouillages. Mais l’essentiel réside dans l’espoir de voir le plus vaste pays d’Afrique centrale (2 345 000 kilomètres carrés) s’engager sur la voie d’une stabilisation prometteuse de développement.

Les sirènes des mines

De par sa stature et ses richesses, la RDC gouverne une région tout entière. Sa stabilité intéresse les peuples voisins, mais aussi les investisseurs, sinon les aventuriers qui ont profité du chaos de ces dernières années. Si l’on en croit le dernier rapport du centre de recherches indépendant, Global Witness, «à l'approche des élections, les hommes politiques et les entreprises tentent de manière effrénée de s'emparer d'une part toujours plus importante du commerce lucratif des minéraux, en se souciant peu, voire pas du tout, du bien-être de la population congolaise». En la matière, l’enjeu demeure international.

Le 28 juin, une cohorte de dignitaires de la mouvance Kabila étaient venus célébrer la relance de la production du cuivre et du cobalt, à Kolwezi, au cœur du Katanga-Shaba qui vit débarquer des commandos marocains et des parachutistes français en 1977 et 1978, pendant les deux guerres du Shaba. Pompe à finances sous Mobutu, paralysée par les dernières guerres, l’historique compagnie publique, la Gécamines a fondu pendant la transition, au profit d’une trentaine de joint-ventures dans lesquelles des intérêts privés, nationaux et étrangers, se taillent la part du lion. A Kolwezi, la Gécamines, a cédé 75% de ses parts à un groupe belgo-canadien privé, Kinross Forrest Limited.

L’appel des sirènes saluant la réouverture de la mine de Kolwezi réjouit les chômeurs. Partout dans le pays, la perspective de voter soulève l’espoir d’un avenir meilleur. Il faudra encore l’écrire, après le 30 juillet.



par Monique  Mas

Article publié le 13/07/2006Dernière mise à jour le 13/07/2006 à TU