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Egypte

Transport pharaonique

Après dix ans de controverse et d'expertises, il aura fallu une dizaine d'heures dans la nuit du 24 au 25 août pour mettre la colossale statue du pharaon Ramsès II à l'abri de la pollution du Caire et l'installer à une quarantaine de kilomètres, près du futur grand musée égyptien, à l'entrée de la route reliant le Caire et Alexandrie, au pied des pyramides de Gizeh.


De notre correspondant au Caire

La statue de Ramsès II traverse Le Caire sous les applaudissements de la foule. 

		(Photo : AFP)
La statue de Ramsès II traverse Le Caire sous les applaudissements de la foule.
(Photo : AFP)

Au pays du dieu Amon, République ou pas, les pharaons règnent toujours. La preuve, leurs statues continuent à être vénérées. C’est en effet par dizaines de milliers que les Cairotes ont fait, dans la nuit de jeudi à vendredi 25 août, leurs adieux à Ramsès II qui trônait place de la gare. Il est parti pour la province de Gizeh, à 50 kilomètres au sud-ouest du Caire, sous les applaudissements d’une foule nostalgique d’une époque où «les chefs étaient de vrais chefs». La statue du grand roi qui, il y a 32 siècles, a régné 67 ans sur l’Egypte, a même eu droit, attention ultime, à voyager debout. On aurait dit une parade du roi qui saluait, du haut de sa quinzaine de mètres, ses fidèles sujets. Un déménagement qui relève, évidemment, de l’entreprise pharaonique.

Un char spécial pour Ramsès II

Transporter 140 tonnes de granite rose en position verticale, et qui plus est, en plein Caire aurait même dépassé Hercule. Il fallait, en termes de travaux, construire un char pouvant supporter le colosse et surtout, nettoyer les écuries d’Augias c'est-à-dire la mégapole où les rues sont occupées par toutes sortes d’obstacles, sans compter les dos d’ânes, les nids de poules, les câbles électriques et téléphoniques. Mais plus dur encore, il fallait dégager les rues des voitures stationnées et détourner la circulation délirante, de jour comme de nuit, en cette canicule du mois d’août. Pari gagné ! Au bout de dix heures, le cortège a finalement rejoint le site du futur grand musée égyptien, à l'entrée de la route reliant le Caire et Alexandrie. Ramsès s’est finalement retrouvé en bonne compagne au pied des tombeaux de ses grands aïeux : les pyramides de Gizeh.

Le grand roi qui est allé se battre contre les Hittites en Syrie avant de conclure avec eux le premier traité de paix de l’histoire n’en est pas à son coup d’essai en matière de voyage spectaculaire. En 1976 le pharaon est parti en personne pour Paris où il a été accueilli comme il se doit pour un chef d’Etat, vivant ou mort, par 21 coups de canon. La momie de Ramsès II  détériorée par les bactéries et la pollution avait été envoyée en traitement en France. A son retour, un an plus tard, le roi d’Egypte a été reçu par 21 coups de canons républicains. Les descendants des Pharaons ne voulaient pas être en reste vis-à-vis de ceux des Gallo-Romains quitte a égratigner la sensibilités de certains «révolutionnaires» intraitables quant aux «méfaits de la monarchie en tous temps et tous lieux». Ce sont, d’ailleurs, les camarades de ces mêmes révolutionnaires qui avaient décidé de transporter la statue gisante à Mit Rahina (Gizeh) au lendemain du coup d’Etat militaire de juillet 1952.

Ramsès rongé par la pollution

Il s’agissait alors de symboliser la renaissance d’une Egypte conquérante grâce au nouveau régime militaire. Ce sont d’ailleurs les militaires qui ont transporté la statue, de manière un peu chaotique, vers la place de la gare en juin 1954. Ils en avaient profité pour débaptiser la plus grande avenue cairote de l’époque et transformer la voie de la reine Nazli en avenue Ramsès. Mais la place bien dégagée de 1954 -on avait même pu installer une grande fontaine au pied de la statue- a progressivement changé d’aspect sous l’effet de la démocratisation de l’automobile. Bentley, Daimler et Chrysler et Oldsmobile ont cédé la place aux italiennes puis aux japonaises aux coréennes et enfin aux petites chinoises.

Pas moins de 350 mille véhicules passaient quotidiennement sous le nez du grand roi qu’ils empoisonnaient de leurs gaz d’échappements. Ramsès était même devenu invisible, encerclé qu’il était par les chaussées, les bretelles et les ponts surélevés. Le granite rose d’Assouan commençait à souffrir aussi du passage des rames de la nouvelle ligne de métro circulants sous ses pieds. Ramsès devait absolument déménager. C’est chose faite. Reste à en faire de même pour d’autres vestiges remontant à la période du grand roi comme, par exemple, en France, l’obélisque de la place de la Concorde soumis aux mêmes agressions avec, en prime, les pigeons parisiens et leurs déjections. Au Caire, au moins, les pigeons, on les mange.



par Alexandre  Buccianti

Article publié le 25/08/2006 Dernière mise à jour le 25/08/2006 à 17:21 TU