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Burundi

Coup monté ou coup d’Etat

L'opposition accuse le président Pierre Nkurunziza d'avoir monté de toutes pièces un dossier d'accusation de tentative de coup d'Etat. 

		(Photo : AFP)
L'opposition accuse le président Pierre Nkurunziza d'avoir monté de toutes pièces un dossier d'accusation de tentative de coup d'Etat.
(Photo : AFP)
Tout a débuté le 31 juillet dernier par l’arrestation d’Alain Mugabarabona. Il est le leader d’un ex-mouvement rebelle hutu, Forces nationales de libération Icanzo, aujourd’hui dans l’opposition. Ses déclarations allaient très vite devenir essentielles dans la dénonciation d’un coup d’Etat présumé en préparation contre le gouvernement burundais. Depuis un mois toutes les arrestations et investigations ont été conduites autour de ses propos. Mais voilà que ce témoin à charge crucial revient sur toutes ses affirmations en déclarant avoir parlé sous la torture.

«Cette histoire de coup d’Etat est un coup monté par la Documentation nationale (police présidentielle), toutes les accusations que j’ai portées contre l’ancien président Domitien Ndayizeye et l’ancien vic-président Alphonse-Marie Kadege et les autres ont été extorquées par le torture et la menace», a déclaré Alain Mugabarabona le principal accusateur dans l’affaire du coup d’Etat présumé. Il avait été arrêté le 31 juillet à Bujumbura et présenté par les autorités burundaises comme le principal cerveau d’un coup d’Etat en préparation. Mais de la prison centrale de Bujumbura où il est détenu, Alain Mugabarabona est intervenu par téléphone sur des radios privées pour accuser, le général Alphonse Nshimirimana, chef de la Documentation nationale(police nationale) et Jean-Pierre Ndikumana, procureur général de la République, d’avoir participé à un montage en l’obligeant à «signer des aveux et à incriminer plusieurs personnalités». En plus de Domitien Ndayizye et d’Alphonse-Marie Kadege, huit autres personnes sont sous les verrous et poursuivies «pour atteinte à la sûreté intérieure de l’Etat». 

Aujourd’hui, Alain Mugabarabona affirme que des menaces de mort ont été proférées contre sa personne et les membres de sa famille. Et, après avoir passé «trois jours sans être nourri», Alain Mugabarabona a choisi sa ligne de défense en faisant des déclarations à la radio et en prenant les Burundais à témoin. L’opposition s’est immédiatement emparée de ces nouveaux rebondissements pour dénoncer «la dérive autoritaire et dictatoriale» du pouvoir en place depuis seulement un an.

Les cas de tortures avérés

Depuis l’arrestation des personnes impliquées dans le présumé coup d’Etat, de nombreuses plaintes sont remontées jusqu’aux organisations de défense des droits de l’Homme. Mais celles-ci n’ont pas pu obtenir l’autorisation de visiter les cachots où sont détenus les «présumés coupables». L’épouse de l’ancien vice-président, Alphonse-Marie Kadege, a affirmé avoir vu son mari «nu à même le sol» battu par ses geôliers. La ministre des Droits humains, Françoise Ngendahayo, s’est alors rendue sur les lieux de détention, au début du mois d’août pour constater elle-même les allégations des familles. «Je suis allé voir les personnes arrêtées (…), elles m’ont dit et j’ai constaté qu’elles avaient été battues. J’ai demandé au chef de la Documentation nationale que cela cesse», a-t-elle confirmé. Françoise Ngendahayo est membre d’un petit parti politique tutsi qui participe au gouvernement.        

Les organisations humanitaires et des droits de l’Homme dénonçaient déjà depuis quelques mois des cas d’arrestations arbitraires, des sévices infligés aux détenus et également des exécutions sommaires et extra judiciaires. Des commissions d’enquête dans le cadre de la construction de la paix n’ont jamais vu le jour malgré les promesses du gouvernement. Tout cela crée une situation de terreur entretenue par le régime.           

Le Front pour la démocratie au Burundi (Frodebu), principal parti d’opposition et qui avait retiré ses ministres du gouvernement en mars dernier, avait appelé la communauté internationale à l’aide en condamnant les arrestations arbitraires. Dans un communiqué le Frodebu avait prévenu des agissements du pouvoir qui sont de nature à «compromettre de façon irrémédiable le processus de paix qui a été engagé au Burundi». En effet, le sommet régional qui devrait consacrer la signature, le 29 août, d’un accord de cessez-le-feu entre le gouvernement et les rebelles hutus des Forces nationales de libération (FLN) a été reporté à une date indéterminée. Toutefois certains médiateurs espèrent obtenir de tous les belligérants un engagement définitif pour la signature d’un accord de paix total dans le courant du mois de septembre.   



par Didier  Samson

Article publié le 28/08/2006 Dernière mise à jour le 28/08/2006 à 18:52 TU