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Afghanistan

Portables et télés tirent l'économie

En Afghanistan, le portable est un signe de richesse et de statut social privilégié. 

		(Photo : Anne Le Troquer/RFI)
En Afghanistan, le portable est un signe de richesse et de statut social privilégié.
(Photo : Anne Le Troquer/RFI)

Le numéro un du secteur privé afghan, un opérateur de téléphonie mobile, a reçu le premier prêt accordé par des banques commerciales et non par des organisations de développement. Avec celui des médias, le secteur des portables a le vent en poupe, témoignage de la soif des Afghans à communiquer et s’ouvrir sur le monde.


De notre correspondante à Kaboul

Le portable collé à l'oreille, Mohammad pose fièrement pour la photo dans la principale rue de Faizabad (Nord-Ouest). Même si les communications coupent souvent, même s'il a bien du mal à recharger la batterie étant donné qu'il n'y a pas d'électricité tous les jours, il a un mobile, signe de richesse et de statut social privilégié, dans un pays où il y a cinq ans moins de 50 000 personnes disposaient d'une ligne téléphonique fixe. Le téléphone portable a fait irruption dans la vie de plus d'un million et demi d'Afghans pour devenir la première success story du secteur économique privé et quasiment la seule avec le domaine médiatique.

50 000 clients de plus le mois dernier

Si l’Afghanistan est encore très instable, ses habitants ont aussi envie d’une ouverture sur le monde, après deux décennies de conflits et l’un des régimes les plus isolés sur la scène internationale. Avec ses panneaux publicitaires à la plupart des carrefours de la capitale, Roshan (lumière en persan) compte 900 000 clients. C'est de loin le premier des trois opérateur mobile du pays. «Nous sommes comme un jeune enfant, nous n'arrêtons pas de grandir, raconte fièrement Karim Khoja, patron de Roshan. Nous avons eu 50 000 clients supplémentaires le mois dernier, le meilleur chiffre depuis notre création il y a trois ans, et des délégations d'aînés (chefs de villages) se présentent  dans nos bureaux à Kaboul pour demander le téléphone au fin fond de leur province».

Nouvelle étape dans cette aventure, l'entreprise a obtenu mardi un prêt de 65 millions de dollars un peu particulier. Le premier en Afghanistan, à avoir été octroyé par des banques commerciales (pakistanaises et sud-africaines) et non plus uniquement par des organisations de développement. Le réseau de Roshan atteint 40% de la population dans 27 des 34 provinces afghanes et  Roshan veut étendre sa couverture à 70 autres villes. Proparco, filiale de l'Agence française de développement, a choisi de prêter 10 millions de dollars à cette entreprise car ce secteur souvent porteur dans les pays en voie de développement, malgré la pauvreté, sert de locomotive au reste de l’économie.

Le plus gros employeur du secteur privé

L'explosion du portable a ainsi accéléré le développement du commerce dans les villes, mais aussi un engorgement du réseau: il faut souvent plusieurs essais pour passer un appel et les coupures sont fréquentes. «Nous avons mis cinq ans à toucher 5% de la population. L'Inde et le Pakistan en avaient mis dix», se félicite le ministre des Télécommunications, Amirzai Sangeen, qui peut aussi se frotter les mains pour d'autres raisons. Roshan assure à elle seule 6% des revenus de l'Etat afghan et constitue le plus gros employeur privé avec 700 salariés et 15 000 emplois indirects - vendeurs de cartes prépayées ou commerçants qui louent leurs portables -, dans un pays où le chômage est énorme et où la moitié de la population vit avec 2 dollars par jour. Car la soif de communiquer et de consommer après des années de guerre l’emporte sur les prix des télécommunications. L’achat d’un portable équivaut en effet au salaire moyen d’un fonctionnaire (40 dollars).

Un tiers des Afghans a quitté le pays pendant les 23 ans de conflit, tous veulent garder le contact avec leur famille. Ces anciens réfugiés ont aussi connu la modernité, une certaine liberté au Pakistan, en Iran, et la majorité de la population afghane est très jeune. Une situation qui explique aussi la réussite des médias privés, alors qu’images et musiques étaient bannies par le régime taliban. Tolo Tv, créée en 2004 par la famille Mohseni revenue de son exil australien, a été la première chaîne à oser montrer des danseuses indiennes aux bras et jambes dénudés, à faire chanter des jeunes dans une émission de télé-réalité ou à proposer des enquêtes dans une société très conservatrice, dominée par d'anciens chefs de guerre observant un islam rigoriste et minée par la corruption de l'administration. Un succès que tout le monde veut copier.

La sixième chaîne privée vient d’être lancée à Kaboul. Mais médias comme opérateurs mobiles doivent aussi faire face au manque d'infrastructures, de services publics et à l'insécurité. «Pour ouvrir un relais dans l'Ouruzgan [au centre], il a fallu employer 30 agents de sécurité, explique le directeur de Roshan. Nous dépensons plus de 12 millions de dollars par an pour l’essence qui alimente nos générateurs. C'est nous qui faisons l'électricité dans le pays, pas le ministère de l'Energie». Des entraves importantes pour attirer des investisseurs dans l’agro-alimentaire ou les équipements et la construction alors que le pays repart de zéro.



par Anne  Le Troquer

Article publié le 30/08/2006 Dernière mise à jour le 30/08/2006 à 14:34 TU