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Médecine

Une bactérie tueuse frappe les hôpitaux : 14 morts

Les spores de Clostridium difficile le rendent particulièrement difficile à éliminer. 

		(Source : medecinepharmacie.univ-fcomte.fr)
Les spores de Clostridium difficile le rendent particulièrement difficile à éliminer.
(Source : medecinepharmacie.univ-fcomte.fr)
Les autorités sanitaires se veulent rassurantes après l’épidémie qui a tué 14 personnes dans quinze hôpitaux et maisons de retraite. Ces malades, âgés pour la plupart, sont morts après avoir été infectés par une souche particulièrement virulente de la bactérie Clostridium difficile. Sur les quinze établissements concernés, neuf sont aujourd’hui considérés comme étant «sous contrôle».

Clostridium difficile est une bactérie bien connue : elle est responsable de 15 à 25 % des diarrhées qui surviennent suite à une prise d’antibiotiques. Depuis 2003, une souche particulière de C. difficile, dite 027, est apparue aux Etats-Unis, au Canada, en Belgique et aux Pays-Bas. Cette souche est responsable d’infections nosocomiales (contractées à l’hôpital) sévères et épidémiques. C’est celle-là qui frappe le nord de la France depuis le mois de janvier.

Deux grands centres hospitaliers, ceux de Valenciennes - où les premiers cas épidémiques ont été signalés - et de Lens, concentrent à eux seuls 60 % des cas. Auparavant, des cas ponctuels avaient été signalés en France, mais c’est la première fois que C. difficile y est responsable d’une vague épidémique. Selon le Dr Jean-Claude Desenclos, de l’Institut de Veille Sanitaire (InVS), «la présence de la souche 027 a bien été identifiée dans neuf des quinze établissements touchés. Pour ces formes sévères de l’infection, on dispose d’antibiotiques spécifiques actifs contre la bactérie».

Antibiotiques déclencheurs

Les victimes sont généralement âgées (en moyenne de 80 ans) et fragilisées par un cancer ou des atteintes du rein, du cœur ou du foie. Ces malades ont déjà reçu des antibiotiques et dans le développement de l’infection à C. difficile, la prise d’antibiotiques est justement un facteur déclenchant. Ce bacille est en effet répandu : 3 % de la population adulte en est porteur asymptomatique, c’est-à-dire, sans en présenter aucun signe. Pour déclencher l’apparition de l’infection, il faut que le porteur suive un traitement antibiotique qui perturbe alors la flore intestinale.

L’infection à C. difficile (ICD) se produit donc chez les personnes porteuses du germe ou contaminées par celui-ci durant leur traitement. Les malades souffrent alors d’une forte diarrhée souvent accompagnée de fièvre et de douleurs abdominales traduisant une colite pseudo membraneuse (CPM). Les complications les plus graves peuvent entraîner un choc septique ou une perforation du côlon mortelle; l’InVS évalue la mortalité de l’ICD de 0,6 à 1,5 % en précisant qu’elle peut atteindre 35 à 50 % en cas de complications.

Etant donné que la transmission de la bactérie se fait par les mains sales, la prévention implique un renforcement du lavage des mains, de même que l’usage de gants et de surblouses. L’isolement des patients est aussi une mesure indispensable pour éviter que la contamination ne se répande de service en service. La prévention passe aussi par un usage très contrôlé des antibiotiques. Par exemple, le premier geste à faire en cas d’infection, est d’arrêter l’antibiotique qui a pu la déclencher. Mais la difficulté réside dans le fait que certains malades ont besoin malgré tout de ces antibiotiques.

Une bactérie coriace

Il n’en reste pas moins qu’il est très difficile de se débarrasser de la souche 027. Le Dr Desenclos (InVS) ne manque pas d’ailleurs de rappeler que la structure même de cette bactérie rend sa destruction particulièrement ardue. Elle est en effet enfermée dans une coque résistante, une spore, et n’en ressort que lorsqu’elle rencontre des conditions favorables. Il faut alors recourir à l’eau de Javel (hypochlorite de sodium) pour détruire ces spores «très, très résistantes» insiste l’InVS. Les sols, tables, portes, lits, toilettes des services où ont séjourné les malades seront récurés soigneusement. Toujours selon l’InVS, l’épidémie qui frappe la région Nord-Pas-de-Calais pourrait être liée à sa proximité avec la Belgique, où des souches de type 027 ont été identifiées en avril 2006, lors d’épidémies dans 8 hôpitaux.

Le dépistage et le signalement des cas constituent également un volet important de la lutte contre l’ICD. L’épidémie actuelle a mis en lumière les lacunes d’un système de surveillance qui devait pourtant permettre de localiser rapidement les infections graves. Pour Claude Rambaud, présidente de l’association le Lien qui lutte contre les infections nosocomiales, cet épisode confirme encore une fois que l’hygiène de base, la surveillance et le signalement des infections, restent les meilleurs moyens de les contrer. Mais, «le signalement des infections nosocomiales, obligatoires depuis 2001, rappelle-t-elle, est encore vécu par certains médecins et directeurs d’établissements comme une ingérence insupportable». Elle en veut pour preuve le fait que sur les 800 000 infections nosocomiales qui surviennent chaque année en France, seulement 2 000 font l’objet d’un signalement par les établissements de santé auprès de l’InVS. Chaque année, ces infections contractées lors d’un passage à l’hôpital, font près de 4 000 morts dont 1 600 seraient évitables, estime la Haute Autorité de santé.



par Claire  Arsenault

Article publié le 01/09/2006 Dernière mise à jour le 01/09/2006 à 16:15 TU