Russie-Afrique
Escales africaines pour Vladimir Poutine
(Photo : AFP)
De notre correspondant à Moscou
C’est la première visite de Vladimir Poutine en Afrique du Sud dans le cadre de ce que l’on pourrait appeler une mini tournée africaine puisque mercredi, à l’issue de cette 1ère étape, le président russe s’envolera pour le Maroc, destination là encore inédite. D’une manière générale, on peut noter que la Russie a négligé le continent africain depuis l’effondrement de l’URSS. L’Afrique était avant tout un terrain d’affrontement avec les Etats-Unis du temps de la Guerre froide et Moscou à cette époque soutenait un certain nombre de pays qui lui étaient fidèles et également des mouvements de guérillas marxistes ou marxisants. C’était le cas entre autre du mouvement anti-apartheid et c’est ce que relevait un analyste cité la semaine dernière par le quotidien en langue anglaise Moscow Times, expliquant que les Russes ont des relations très étroites avec un certain nombre de dirigeants sud-africains actuellement au pouvoir et qui ont été entraînés et formés par l’Union soviétique.
C’est un atout pour précisément relancer une coopération économique et politique qui n’est pas au niveau que les 2 pays sont en droit d’espérer : 170 millions de dollars, c’est le chiffre du commerce entre la Russie et l’Afrique du Sud. C’est très faible alors qu’il existe de réelles potentialités. Cette visite ou cette mini tournée montre aussi la volonté de la Russie, et singulièrement de Vladimir Poutine, de restaurer un prestige diplomatique qui s’est quelque peu émoussé et de tenter de retrouver un statut de grande puissance ou du moins d’en donner l’apparence ; ce voyage s’inscrit dans ce cadre et on peut imaginer que la Russie va dans l’avenir diversifier ses relations sur la scène mondiale et élargir le cercle de ces voyages officiels qui sont des moments symboliques mais malgré tout signifiants quand il s’agit de construire une diplomatie et une coopération économique.
Position dominante sur le diamant
Vladimir Poutine est accompagné d’une centaine d’hommes d’affaires et c’est là aussi sans précédent, en tout cas par le nombre. Cela désigne l’objectif premier de ce voyage en Afrique du Sud qui est de relancer, réactiver les liens économiques et commerciaux avec certains atouts : tout d’abord une volonté politique affichée de part et d’autre d’accroître ce volume. La Russie et l’Afrique du Sud sont l’une et l’autre des marchés émergents sur la scène mondiale parmi les plus importants. Les compagnies russes sont tout particulièrement intéressées par l’industrie des métaux et des diamants : elles souhaitent pouvoir investir en Afrique du Sud dans ce secteur et on peut souligner qu’il y a de réels potentiels car ces 2 pays ont une position dominante sur ce segment, notamment le diamant.
Moscou et Pretoria ont donc tout intérêt à s’entendre pour en quelque sorte dicter leur loi. On parlera aussi d’énergie, c’est en quelque sorte incontournable pour la Russie, grand pays producteur d’hydrocarbures. Mais aussi de nucléaire car les Russes veulent reconquérir des parts de marché dans ce secteur : Moscou fournit déjà de l’uranium enrichi pour l’unique centrale sud-africaine et envisage d’investir dans ce secteur. Au chapitre politique, Vladimir Poutine et Thabo Mbeki évoqueront bien évidemment la situation sur le contient africain et notamment au Soudan, en Côte d’Ivoire et en République démocratique du Congo. Mais il sera aussi question de la crise nucléaire iranienne et le président russe peut compter sur le soutien de l’Afrique du Sud qui, à l’instar de la Russie, est fermement opposée à l’idée d’imposer des sanctions à l’encontre de Téhéran malgré le refus du régime iranien de se conformer à ses obligations en matière de non-prolifération nucléaire.
Le Maroc attire la classe moyenne russe
L’escale marocaine est une étape de moindre importance mais nonobstant c’est aussi une première : là encore l’économie et le commerce occuperont une place centrale mais tout est à faire ou presque. La Russe ne représente que 4% des échanges extérieurs du Maroc, c’est extrêmement faible. Le 1er secteur où les Russes souhaitent rapidement renforcer ou plutôt lancer cette coopération, c’est le tourisme : de plus en plus de Russes de la classe moyenne voyagent et les destinations favorites, parce que les plus faciles notamment pour le régime de visas, sont la Turquie et l’Egypte. Le Maroc pourrait attirer davantage de clientèle russe et faire partie des catalogues de tours opérateurs.
Mais l’essentiel des discussions entre Vladimir Poutine et le roi du Maroc portera sur d’éventuelles ventes d’armes avec un contexte régional qui inquiète Rabat. Car la Russie a signé récemment un contrat avec l’Algérie pour la livraison d’avions de chasse Sukhoï et Mig, le tout pour un montant de 3 milliards et demi de dollars. C’est évidemment un sujet d’inquiétude pour le Maroc qui traditionnellement est l’allié de l’alliance militaire occidentale Otan dans le Maghreb et qui n’entretient pas des relations des plus chaleureuses avec son voisin algérien. Rabat pourrait à son tour acheter des armes à la Russie bien que le Maroc ne dispose pas des mêmes moyens financiers que l’Algérie.
par Jean-Frédéric Saumont
Article publié le 05/09/2006 Dernière mise à jour le 05/09/2006 à 09:20 TU