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XIe Sommet de la Francophonie

Ouverture à l’Est : les enjeux pour la solidarité francophone

Abdou Diouf : «<em>C’est au cœur de l’Europe (…) que la Roumanie va accueillir notre XIè Sommet. Ce sera un moment important qui montrera combien compte pour nous ce bassin historique de la Francophonie</em>». 

		(Photo : Francophonie.org)
Abdou Diouf : «C’est au cœur de l’Europe (…) que la Roumanie va accueillir notre XIè Sommet. Ce sera un moment important qui montrera combien compte pour nous ce bassin historique de la Francophonie».
(Photo : Francophonie.org)
L’arrivée au sein de la Francophonie de nouveaux pays, en particulier d’Europe centrale et orientale (PECO), ne manque pas de susciter des interrogations parmi ses membres traditionnels du Sud, notamment africains, qui redoutent, comme au moment de l’élargissement à 25 de l’Union européenne, une désaffection de leurs bailleurs de fonds. Mais l’ouverture à l’Est augure davantage d’un renforcement de la capacité de négociation internationale d’un ensemble francophone qui conserve, au cœur de sa stratégie, la solidarité et le développement.

L’Organisation internationale de la Francophonie (OIF), qui compte 53 Etats et gouvernements membres et 10 observateurs, est sollicitée par de nouveaux candidats comme la Thaïlande, l’Ukraine, la Serbie, Chypre, l’ordre de Malte et même le Soudan : candidatures en tant qu’observateurs qui seront examinées à son XIe sommet, à Bucarest en Roumanie, les 28 et 29 septembre 2006. « Nous sommes inquiets, mais en même temps fiers de constater que la Francophonie attire de plus en plus de monde, ce qui renforce notre capacité de négociation dans les instances internationales, politiques et économiques, souligne un haut fonctionnaire africain… A condition de mieux nous coordonner et de mieux nous connaître. »

Conscients des questions qui se posent, même si elles ne sont pas ouvertement formulées en public ni en privé, les responsables francophones promettent une « meilleure information » et une « meilleure intégration des nouveaux venus ». A ceux qui se demandent si véritablement le français est largement parlé dans ces pays, ils rappellent la tradition francophone des élites européennes depuis le XVIIIe siècle et le fait qu’en Afrique francophone même, tout le monde ne maîtrise pas forcément la langue officielle du pays.

Certains responsables soulignent aussi que la Francophonie constitue une alternative à l’hégémonie américaine et au libéralisme à tout crin qui l’accompagne, puisque la solidarité et le développement restent au centre de la stratégie de l’OIF. D’autant que certains pays d’Europe de l’Est, qui connaissent une forte croissance économique, peuvent à terme devenir des bailleurs de fonds potentiels pour les plus pauvres et qu’ils ont déjà coopéré avec certains pays du continent africain au moment de la guerre froide, en tant que « pays frères » du Pacte de Varsovie.

Les Européens, « agents d’influence pour les pays du Sud »

« Le rapprochement avec l’Union européenne et celui avec la Francophonie vont de pair et sont l’une de nos priorités », souligne Youri Pyvovarov, chargé d’affaires ukrainien à Paris. Il évoque la tradition francophone des élites de son pays et la progression de la langue française dans l’enseignement supérieur. Pour lui, l’entrée à l’OIF présente des avantages culturels, politiques et économiques. Lui aussi estime que les PECO peuvent jouer un rôle important au sein de l’Union européenne, premier bailleur de fonds des pays en développement, au même titre que d’autres nouveaux venus à l’OIF comme la Grèce, qui a demandé à passer du statut d’associé à celui de membre à part entière. « Les Européens peuvent être des agents d’influence pour les pays du Sud », souligne un responsable de l’OIF qui rappelle que la nouvelle représentante de l’organisation auprès de l’UE, à Bruxelles, est la Roumaine Maria Niculescu.

Les Africains maintiennent toutefois la pression pour qu’on ne les oublie pas. Ainsi, le président du Burkina Faso Blaise Compaoré, qui avait accueilli le précédent sommet en 2004, a proposé que le Mozambique et le Ghana puissent avoir leur place auprès de la Francophonie. Le chef d’Etat mozambicain, Armando Guebuza, a d’ailleurs évoqué le sujet en juillet à Paris avec le secrétaire général de l’OIF.

Abdou Diouf est conscient des enjeux et des défis auxquels doit faire face l’OIF qui a décidé d’adopter une plus grande visibilité et des stratégies agressives sur tous les fronts, à la mesure toutefois de ses moyens, qui restent limités. « C’est au cœur de l’Europe (…) que la Roumanie va accueillir notre XIè Sommet. Ce sera un moment important qui montrera combien compte pour nous ce bassin historique de la Francophonie, combien la Roumanie peut y jouer un rôle majeur, combien toute notre communauté, rassemblée autour d’elle sait manifester son sens de la solidarité, la valeur de son action », a-t-il déclaré le 20 mars 2006 à Bucarest. A Genève, dans un autre discours consacré aux nouvelles ambitions de la Francophonie, il avait évoqué la voie alternative que celle-ci représente : « Dans ce nouveau monde s’affiche certes un renouveau de la revendication démocratique, mais la pauvreté y progresse, les inégalités s’y accroissent, les identités, surtout quand elles sont minoritaires, sont malmenées. La montée en puissance du terrorisme et les nouvelles formes de croisade qu’il engendre attisent les haines et les divisions, le repli sur soi. C’est dans ce contexte, où l’on oppose courageusement le multilatéralisme à l’hégémonisme, le dialogue des civilisations au choc des civilisations, la diversité culturelle et linguistique au repli identitaire, le partage maîtrisé et régulé des richesses à la loi pure et dure du marché et du profit, qu’on redécouvre aujourd’hui le discours et les valeurs des pères fondateurs de la Francophonie. »

Une coopération multi-directionnelle

Depuis 2002, l’OIF, qui regroupe pays riches et pays pauvres, insiste sur l’intégration des pays francophones en développement à l’économie mondiale, l’accès aux financements internationaux et une utilisation plus efficace des aides publiques au développement, et enfin le financement des industries culturelles. Elle a aussi multiplié la coopération non seulement avec l’Union européenne et les Nations unies mais aussi les organisations financières internationales comme le FMI et la Banque mondiale. Elle agit aussi auprès de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) où les pays africains francophones ont réussi à faire avancer le dossier sur le coton.

Evoquant, en juillet dernier, devant les parlementaires francophones, les réformes en cours, Abdou Diouf s’est voulu optimiste mais réaliste. « Tout cela est en train de contribuer fortement au renforcement de la nouvelle OIF, de l’installer solidement sur la scène internationale comme un acteur qui compte, qui est écouté, dont on reconnaît l’apport spécifique et original, comme un partenaire crédible. L’élan est donné, nous ne relâcherons pas nos efforts pour que ce travail produise des résultats tangibles en faveur de la langue que nous avons en partage, en faveur de l’énorme enjeu que constitue la diversité culturelle, en faveur enfin de nos valeurs démocratiques, de paix et de justice économique et sociale. »

par Marie  Joannidis

Article publié le 19/09/2006 Dernière mise à jour le 19/09/2006 à 10:57 TU

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