XIe Sommet de la Francophonie
Droits de l’homme et démocratie : des valeurs communes
(Photo : francophonie.org)
L’ouverture sur le monde des pays d’Europe centrale et orientale (PECO) s’est d’abord traduite par une volonté d’intégration à l’Union européenne et à l’OTAN. Nombre d’entre eux ont également choisi d’adhérer* à la Francophonie, entre 1993 et 2004, pour des raisons avant tout culturelles. Ces pays, qui ont toujours lutté pour sauvegarder leurs cultures nationales face aux empires germanique, ottoman, russe puis soviétique, et porteurs du lourd héritage des démocraties populaires, apprécient la mission de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) de promotion du pluralisme culturel et linguistique dans le respect de la souveraineté des États et des valeurs de liberté et de tolérance. Les critères d’adhésion à la Francophonie, moins contraignants que ceux de l’Europe (Copenhague, 1993), évaluent d’ailleurs le degré « d’attachement aux valeurs communes » en matière de démocratisation, de respect des droits humains ou d’exception culturelle (Sommet de Cotonou, 1995).
Intégration aux réseaux francophones par les instituts de formation et les clubs de réflexion
Compte tenu de la multiplicité des organismes internationaux ou européens d’appui à la démocratisation en cours des PECO, « la Francophonie cherche encore ses marques », reconnaît Christine Desouches, déléguée à la paix, à la démocratie et aux droits de l’homme (DDHDP) de l’OIF. Elle dispose, parmi nombre de réseaux spécialisés (cours de cassation, cours des comptes et hautes juridictions, médiateurs ou instances de régulation, etc.), d’un outil précieux, le Réseau des instituts francophones des droits de l’homme, de la démocratie et de la paix, qui regroupe plus d’une trentaine d’instituts universitaires ou de formation des barreaux. Dans le cadre de la Déclaration de Bamako, ce réseau favorise la mise en place du dispositif d’observation et d’évaluation permanentes des pratiques de la démocratie, des droits et des libertés. Membre du réseau dès sa création à Beyrouth en 2002, l’Institut roumain pour les droits de l’homme (IRDO) de Bucarest, dirigé par Irina Zlatescu, a obtenu en 1993 le statut de bibliothèque dépositaire du Conseil de l’Europe, l’organisation la plus ancienne du continent. Première étape de l’intégration des démocraties postcommunistes, le Conseil a en effet accueilli 18 PECO depuis 1990, apportant son assistance en matière constitutionnelle et de droit électoral, en vue d’un alignement sur les standards européens.
L’intégration aux réseaux francophones concerne également les élites culturelles qui ont pris position publiquement pour la Francophonie. Ce réflexe francophone existe par exemple au sein du Club politique des Balkans, ONG de haut niveau qui réunit les dirigeants démocrates de la région, grâce notamment à son directeur exécutif, Siméon Anguelov, délégué permanent de la Bulgarie auprès de l’Unesco. Il organise une conférence sur la démocratie en septembre 2006 à laquelle des représentants de l’OIF sont conviés. Symbolique mais significative également, la mise en valeur de l’action francophone par la Roumanie lors de la 61e session de la Commission des droits de l’homme de l’Onu à Genève : « Au sein de la Francophonie, nous avons aussi étudié les moyens de promouvoir d’une manière encore plus active la démocratie et les droits de l’homme », a souligné l’ambassadeur auprès des Nations unies, Doru Costea, dont l’intervention a permis de faire figurer la Déclaration de Bamako dans la Résolution Démocratie et Etat de droit.
Vers un projet d’instrument international sur les droits et devoirs des observateurs ?
Outre l’appui aux centres de formation aux droits de l’homme, la Francophonie est présente à travers ses missions d’observation électorale, qu’elle réalise à la demande des pays concernés (Albanie, Macédoine, Moldavie), en collaboration avec l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE). Elle envoie ses experts des PECO, notamment Pandeli Varfi, membre de la Commission centrale électorale en Albanie, Stefan Tafrov, l’ancien Délégué permanent de Bulgarie auprès de l’Onu (2001-2006) qui a assuré la présidence tournante du Conseil de Sécurité en 2004, ou encore l’ambassadeur albanais Luan Rama. Ce dernier, en novembre 2000, estimait que « la philosophie du travail dans le cadre régional, à l’intérieur de la Francophonie » doit surtout être comprise comme un « échange d’expériences ». Exemplaire à cet égard, la mission en Moldavie (législatives, mars 2005) dirigée par Yarga Larba, président de la Haute Cour de justice du Burkina Faso. Composée d’experts albanais, belge, bulgare, canadien, congolais et français, elle a préconisé dans son rapport que la DDHDP « élabore d’urgence un projet d’instrument international sur les droits et devoirs des observateurs, projet que le Secrétaire général pourrait soumettre aux autres organisations internationales engagées dans l’observation des élections ».
Au sommet de Bucarest, la DDHDP, par la voix de Christine Desouches, devrait proposer aux PECO de renouer les liens anciens avec les pays africains proches du modèle communiste et des mouvements de libération nationale, avec lesquels il existait toutes sortes de coopération, pour ouvrir des perspectives dans le cadre francophone. « Si l’ancien président béninois, Mathieu Kérékou, a renoncé au marxisme en novembre 1989 et s’est lancé dans la Conférence nationale souveraine en 1990, c’est qu’il avait vu Ceaucescu tué avec sa femme en Roumanie, et aussi la chute du mur de Berlin », rappelle la Déléguée, mettant l’accent sur cette interactivité historique. Si la volonté des PECO existe de prendre place dans l’espace mondial et solidaire qu’est la Francophonie, il reste à explorer le champ des actions à mener pour construire un échange bénéfique pour le Nord comme pour le Sud.par Antoinette Delafin
Article publié le 19/09/2006 Dernière mise à jour le 19/09/2006 à 12:55 TU