XIe Sommet de la Francophonie
Promotion de la diversité culturelle : Europe et Francophonie, même combat !
(Photo : francophonie.org)
La Francophonie a joué un rôle précurseur dans le combat pour affranchir la culture des règles du commerce international. Dès 2002, au sommet de Beyrouth, elle préconise l’adoption d’un instrument juridique international sur la diversité culturelle. En amont des travaux à l’Unesco, elle entreprend tout un travail de sensibilisation des pays francophones avec le soutien actif de la France et du Canada. Elle défend les enjeux de la diversité culturelle dans les sphères économiques, au plus haut niveau diplomatique et au sein de la société civile, soutenant l’émergence de coalitions nationales réunissant associations et artistes. Véritable moteur pendant les travaux de préparation de la convention, la Francophonie met des experts juridiques à disposition des délégations francophones à l’Unesco et veille à encourager une coopération active avec les autres aires linguistiques hispanophones, lusophones et arabophones.
L’Union européenne (UE), autre pôle d’influence dans les négociations, réussit à rallier la Grande-Bretagne et s’exprime d’une seule voix en faveur de la diversité culturelle. « Beaucoup d’enthousiasme et de volonté se sont dégagés de ce travail dans le cadre de la préparation d’une position commune », se souvient Irena Moozova, délégué permanent de la République tchèque à l’Unesco. Et c’est vrai qu’il a fallu faire bloc avec ténacité pour que la Commission européenne puisse obtenir, le temps de ces négociations, un rôle plus actif que celui de simple observateur.
Un enjeu majeur pour l’équilibre des PECO
Pour que la convention entre en vigueur, il faut maintenant que 30 pays au moins la ratifient. Trois pays membres de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) ont, au 1er août 2006, fait aboutir le processus : le Canada, l’île Maurice et la Roumanie. La Croatie, Djibouti, le Burkina Faso, le Mali et le Cambodge ont ratifié la convention mais n’ont pas encore déposé les instruments de ratification à l’Unesco. Le processus devrait aboutir prochainement dans d’autres pays d’Europe centrale et orientale (PECO), notamment en Bulgarie. Pour les pays membres de l’Union européenne, l’idée initialement envisagée d’un dépôt simultané des instruments de ratification semble difficilement réalisable. La France, qui a déjà fait aboutir son processus interne de ratification, hésite entre un dépôt avant le sommet de Bucarest et la solidarité européenne. D’autant que le processus est plus long dans d’autres pays de l’UE comme la Belgique, qui compte plusieurs parlements. L’essentiel reste cependant de faire vite afin d’éviter que les Etats-Unis, opposés à la convention, ne signent davantage d’accords bilatéraux neutralisant le texte.
L’enjeu pour les PECO est majeur, compte tenu de l’expérience historique de ces pays et face à l’invasion culturelle américaine menaçant leurs marchés. « La convention peut nous aider à promouvoir des produits culturels de qualité, à trouver un équilibre entre une culture subventionnée à 100% par "l’Etat miracle" et une culture entièrement liée à l’économie de marché », affirme Andrei Magheru, ambassadeur de Roumanie à l’Unesco, président du groupe des ambassadeurs francophones. Dans les Balkans, soutenir la diversité culturelle est également fondamental pour promouvoir une culture de paix. « Il est important que la diversité culturelle apparaisse au grand jour et qu’un travail de catharsis de la guerre et des massacres soit fait en favorisant les rencontres entre artistes », plaide Nicolas Petrovitch, directeur de l’association éditrice du Courrier des Balkans.
Le plurilinguisme, passeport pour l’autre
Reconnue dans la convention comme « élément fondamental de la diversité culturelle », la diversité linguistique est inscrite au cœur des politiques de l’Union Européenne et de l’OIF. Depuis l’élargissement du 1er mai 2004, l’UE compte 20 langues officielles ; or c’est la seule organisation au monde où s’applique le principe d’égalité des langues. Selon le traité d’Amsterdam (1997), tout citoyen peut s’adresser aux institutions de l’Union dans sa propre langue et recevoir une réponse dans la même langue. Les services de traduction doivent gérer plus de 400 combinaisons linguistiques. Comment travailler ensemble dans ces conditions ? Le règlement du Conseil du 15 avril 1958, qui pose l’égalité des langues officielles et de travail sans établir de distinction entre les deux catégories, confie à chaque institution le soin de prévoir les modalités de mise en œuvre du principe d’égalité.
La Commission et le Parlement ont généralisé le recours à trois langues de travail : le français, l’anglais et l’allemand. Le Conseil assure une traduction dans les 20 langues officielles pour les réunions politiques, favorise l’utilisation de « langues relais » – le français et l’anglais – pour les réunions de travail, et a également mis en place un système de traductions "à la demande", laissant à chaque pays le soin d’établir ses priorités de traduction dans la limite d’une enveloppe financière égale pour tous. Dans la pratique, l’anglais s’impose souvent comme l’unique langue de communication. Face à ce constat, la Francophonie s’est engagée activement dans l’application d’un plan pluriannuel en faveur du français au sein des institutions européennes, signé le 11 janvier 2002 (voir article n°505).
Au sein de l’espace francophone, la défense du plurilinguisme est également devenue depuis quelques années une priorité. En Afrique où le français cohabite avec de nombreuses autres langues maternelles, promouvoir le français à l’école sans s’appuyer sur une alphabétisation dans les langues nationales utilisées à la maison a finalement paru non seulement incohérent mais aussi inefficace. Depuis 1994, une expérimentation d’écoles bilingues français-langue nationale conduite au Burkina Faso s’est ainsi avérée très heureuse en termes de réussite scolaire. La Francophonie se range également de plus en plus à l’idée que le plurilinguisme est une clé d’accès à un meilleur développement aussi bien économique que démocratique.
Ce combat pour le respect de la diversité mené par la Francophonie comme par l’Union européenne parle à tous les hommes. Ce que l’écrivain Edouard Glissant souligne ainsi : « Le divers du monde a besoin des langues du monde. »*par Laetitia Lefaure
Article publié le 19/09/2006 Dernière mise à jour le 19/09/2006 à 13:16 TU