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XIe Sommet de la Francophonie

Le français dans les pays d’Europe centrale et orientale

L'Alliance française de Dubrovnik en Croatie. 

		(Photo : www.ambafrance.hr)
L'Alliance française de Dubrovnik en Croatie.
(Photo : www.ambafrance.hr)
Depuis l’effondrement des régimes communistes, le russe a perdu son statut de langue première et obligatoire de la fin du primaire à l’université. L’offre linguistique en Europe centrale et orientale s’est donc libéralisée. Le français – qui a marqué l’histoire du continent – tire son épingle du jeu notamment grâce à la mobilisation des enseignants, des autorités qui ont lancé un Plan pluriannuel d’action et aux actions de coopération décentralisée.

Près de 10 % des 55 millions d’apprenants du français (hors de France) résident dans les pays d’Europe centrale et orientale (PECO). Le français se maintient dans ses bastions traditionnels (Roumanie, Moldavie) et se développe dans des pays où il était moins implanté (Hongrie, Pologne, République tchèque). En Roumanie, où la tradition du français est partie intégrante du patrimoine culturel, on compte ainsi près de 8 % de francophones et 20 % de francophone partiels. En Bulgarie, où son apprentissage est en baisse, un quart des lycéens tout de même apprennent le français. Dans les pays de l’ex-Yougoslavie, le français était peu parlé. Comme en République tchèque, dont l’histoire reste liée à celle de l’Autriche-Hongrie, mais où le nombre de lycéens qui apprennent le français a triplé entre 1990 et 2000. Dans les autres pays, sa place est plus modeste. Mais leur entrée dans l’Union ou sa perspective « a puissamment stimulé leur intérêt pour la Francophonie », estime le rapport Turpin (Sénat, 2000). Le phénomène tient sans doute au statut de langue de travail du français au sein des institutions européennes, mais il procède aussi d’une aspiration à s’ouvrir sur le monde et sur les valeurs véhiculées par la Francophonie. On observe enfin un intérêt croissant pour la production culturelle francophone.

Toutefois, ces bonnes dispositions se heurtent à des difficultés du fait de

Le français dans l’histoire européenne

Au Moyen Age, le français voyage déjà quand Guillaume le Conquérant, duc de Normandie, est sacré roi d’Angleterre en 1066. Il passe pour une langue de prestige à Venise à la fin du XIIIe siècle, quand Marco Polo dicte en français le récit de ses aventures en Extrême-Orient, Le livre des merveilles. A partir du XVIe siècle, la prééminence de la France joue un rôle important dans la diffusion du français en Europe. Il remplace le latin, langue « internationale », dans les domaines de la philosophie, de la médecine, de la banque et du grand commerce. Langue de la diplomatie, le français est utilisé dans les traités internationaux de 1714 – un an avant la mort de Louis XIV – jusqu’à la fin de la Première Guerre mondiale.
Les mariages entre familles royales et aristocratiques en font une langue parlée dans toutes les Cours : près de vingt-cinq au total, de l’actuelle Turquie au Portugal en passant par la Russie, la Norvège, la Pologne et l’Angleterre. Exemple parmi tant d’autres, le mariage de Louis XV en 1725, à l’âge de quinze ans, avec Marie Leszczynska. Son père, Stanislas Leszczynski, ancien roi de Pologne devenu Duc de Lorraine en 1737, fait construire à Nancy une place destinée à glorifier son gendre.
Au siècle des Lumières, où le français est reconnu comme langue universelle, la mode saisit l’Europe aristocratique au point que ses souverains font venir à leur Cour des écrivains français, Descartes auprès de Christine de Suède, Voltaire chez Frédéric de Prusse. A Saint-Pétersbourg ou à Moscou, un aristocrate qui se respecte se doit de parler le français. En Roumanie, la diffusion de la langue française date aussi de cette époque, quand les principautés de Valachie et de Moldavie étaient sous domination ottomane et que les fils des grandes familles venaient étudier à Paris. Sous l’Empire napoléonien, les Slovènes, comme les Croates et les Dalmates, ont gardé un souvenir très positif de l’influence française. Mais les campagnes napoléoniennes ont aussi froissé bon nombre de sensibilités dans d’autres parties de l’Europe. Quoi qu’il en soit, l’affaiblissement de la monarchie marque la fin de la suprématie française en Europe, avec le début de la prépondérance anglaise, tandis que les idées révolutionnaires favorisent l’émergence des langues nationales.

l’évolution préoccupante de la place du français dans l’Union européenne. Lors des négociations relatives à l’élargissement (effectif le 1er mai 2004), les représentants des PECO s’exprimaient en quasi totalité en anglais. Et ce malgré le programme de formation au français en direction des fonctionnaires, traducteurs et interprètes des instances européennes et des administrations centrales des pays candidats que la France avait lancé lors de sa présidence de 1995. En 2002, la politique de promotion du français devient multilatérale avec la signature d’un Plan pluriannuel d’action pour le français dans l’UE adopté par la France, le Luxembourg, la Belgique et la Francophonie.

La diversité de l’enseignement bilingue francophone

De nombreux pays d’Europe de l’Est comme de l’Ouest ont mis en place un cursus bilingue francophone : au total, plus de 400 sections bilingues soit près de 60 000 élèves apprenant le français. L’enseignement est dispensé en deux langues, langue locale et français. Ces filières d’excellence présentent une grande diversité selon les pays. Une, voire deux « années zéro » permettent aux élèves d’acquérir un niveau de français suffisant pour entamer un cursus dans les disciplines non linguistiques (DNL) – six ans en République tchèque, cinq ans en Hongrie tandis que la Croatie et la Macédoine n’ont pas intégré ce système dans leur structure éducative. La République tchèque ou encore l’Albanie proposent des sections bilingues francophones à dominante scientifique (physique, chimie et mathématiques). La Biélorussie mise plutôt sur l’enseignement des sciences économiques et sociales, la Lituanie sur la musique et l’éducation physique et sportive ; la Roumanie sur la géographie, l’histoire et la civilisation française. En règle générale, histoire et géographie sont au programme dans toutes les sections bilingues. En Bulgarie, des sections se développent aussi dans l’enseignement professionnel.

Les pays et les instances multilatérales francophones fournissent un effort important pour la promotion du français dans les PECO par le biais des jumelages, de la coopération décentralisée ou de la coopération scolaire et universitaire. Les jumelages s’étaient développés durant la période communiste avec certains pays de l’Est (Pologne, Roumanie) dans le cadre d’échanges culturels puis, à partir de 1990, d’actions à caractère économique. Le soutien à la francophonie par le biais d’actions éducatives constitue toujours l’un des moteurs des nouveaux jumelages. La coopération décentralisée a été le fait d’associations comme Initiatives France-Hongrie, la Fondation France-Pologne ou Eurom avec la Roumanie. Dans le budget français, les PECO représentaient, en 2000, 27 % des crédits consacrés par le ministère des Affaires étrangères à la coopération décentralisée (Pologne et Roumanie, environ 7 % chacun, République tchèque, Hongrie, Slovaquie).

« Les enseignants de français se mobilisent aussi pour assurer la promotion en Europe de cette langue qu’ils enseignent et chérissent », se plaît à répéter Janina Zielinska. Cette Polonaise, directrice du Collège de formation des professeurs de français à l’université de Varsovie, est la vice-présidente de la Fédération internationale des professeurs de français*, qui compte plus de 70 000 professeurs sur les cinq continents et organise, du 2 au 5 novembre 2006, son premier Congrès européen à Vienne (Autriche). Ce congrès servira de tribune aux associations d’enseignants qui débattront de la place du français, de ses particularités et de ses enjeux, en termes de pédagogie mais aussi de politique de promotion de la langue française en Europe. Pour Janina Zielinska, il faut insister sur la nécessaire synergie entre les différents partenaires impliqués dans cette promotion sur le terrain.

par Antoinette  Delafin

Article publié le 19/09/2006 Dernière mise à jour le 19/09/2006 à 14:58 TU

* La FIPF organise un colloque international annuel, un congrès mondial tous les trois ans, et publie la revue Le français dans le monde. http://www.fipf.org/ ; http://www.francparler.org/ ; http://www.vienne2006.org/

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