XIe Sommet de la Francophonie
Stratégies francophones de soutien au français en Europe : dans le monde universitaire
« L’élargissement de la Francophonie me semble un bon point parce qu’il prouve qu’elle présente un pôle d’attractivité qui coïncide avec l’aspiration de pays en développement, par exemple en Europe de l’Est, à intégrer l’Europe de l’Union », souligne Michèle Gendreau-Massaloux, recteur de l’AUF. Pour elle, cet élargissement coïncide aussi avec le souhait de voir se développer la démocratie (qui est une des priorités de la francophonie politique), l’Etat de droit et la réduction de la fracture entre les pays du Nord et les pays du Sud, en Afrique mais aussi en Europe de l’Est, au Moyen-Orient et dans les Caraïbes.
Depuis 2001, avec le vote de nouveaux statuts à Québec, l’AUF qui se veut à la fois opérateur de la Francophonie et réseau associatif, a décidé d’ouvrir ses portes et d’admettre des universités de pays très différents si elles répondent à certains critères, comme l’octroi de diplômes en langue française, la présence de professeurs de français et d’étudiants qui parlent français. Ainsi, elle a admis des universités de la République dominicaine et de Cuba dans les Caraïbes, ainsi que d’Indonésie, et aucun universitaire des pays arabes ne s’est opposé à l’entrée comme membre titulaire de l’AUF de l’université de Tel Aviv. « Bien que récent, le mouvement a déjà donné des résultats remarquables. Quand je suis arrivée en 2002, le nombre de membres avoisinait les 250. Nous sommes aujourd’hui plus de 600, précise Michèle Gendreau-Massaloux. Cela nous a permis de faire rayonner la langue française à l’université dans les pays traditionnels de la Francophonie mais aussi dans d’autres tels que l’Albanie, la Serbie, la Macédoine, l’Espagne et l’Italie, et nous souhaitons faire de même en Grande-Bretagne et en Allemagne où des dossiers se constituent en ce sens. »
Privilégier la nécessaire relation entre savoir et création d’emploi
En Europe centrale et orientale, l’AUF compte 69 membres dans 16 pays différents : Albanie, Arménie, Biélorussie, Bulgarie, Géorgie, Hongrie, Lituanie, Macédoine, Moldavie, Pologne, Roumanie, Russie, Serbie-Monténegro (séparée depuis en deux pays), Slovaquie, Ukraine ainsi que Turquie. Il est d’ailleurs intéressant de noter que la responsable de l’AUF pour ces pays, basée à Bucarest, docteur d’une université roumaine et parlant parfaitement le roumain, est la Malgache Liliane Ramarosoa, ancien vice-recteur de l’université d’Antananarivo.
L’AUF a trouvé dans ces pays un terrain favorable en raison du prestige traditionnel dont les universités bénéficient mais aussi du souhait de lier enseignement supérieur et création d’emplois. Car l’enseignement en français a deux volets, l’un culturel et l’autre menant au monde de l’industrie et des affaires, en liaison notamment avec les chambres de commerce. Pour les responsables de l’Agence, la nécessaire relation entre savoir et création d’emploi est déjà prise en compte par les PECO. On a par exemple à Sofia l’Institut francophone d’administration et de santé. Dans les pays de l’Est, précise la responsable de l’AUF, « on développe des filières de français comme la gestion des affaires à l’Académie des sciences économiques de Bucarest, parce que vous avez tout un développement de moyennes et petites entreprises qui exigent des masters de gestion en français ; beaucoup d’étudiants de la région y participent ». Autres exemples d’enseignement de français professionnalisant : une filière de gestion d’entreprises publiques à l’université de Moldova avec, comme à Bucarest, des cours en français ; des filières sur les relations économiques internationales, ou encore sur les technologies alimentaires ; l’agro-alimentaire, la médecine et la pharmacie ou le génie civil sont en effet autant de secteurs professionnalisants à développer en français.
Enseignement à distance grâce aux campus numériques
Michèle Gendreau-Massaloux met aussi l’accent sur l’enseignement à distance grâce à Internet. « Nous voulons faire en sorte que partout dans le monde où des étudiants de pays en développement parlent français, ils puissent accéder à un diplôme reconnu. Pour nous, le vecteur prioritaire, c’est l’enseignement en ligne à travers notamment des campus numériques. Aujourd’hui, ajoute par ailleurs le recteur de l’AUF, une seule langue comme l’anglais ne suffit pas, y compris en Europe de l’Est. Il faut des langues qui permettent aux étudiants d’entrer dans de nouveaux marchés car nous sommes dans un monde concurrentiel. »
Depuis 2005, l’AUF dispose d’un budget de 45 millions d’euros par an largement financé par la France – ce que déplorent les responsables francophones qui souhaitent un meilleur équilibre dans les financements, en particulier de la part du Canada. « Par rapport à la demande et à la qualité de la demande, ce qui est un point nouveau, il est vrai que notre budget est faible. On pourrait facilement multiplier par quatre ou cinq le budget que nous avons sans cesser de rester une agence associative et humaine et en répondant mieux aux demandes réelles que nous avons », admet la responsable de l’AUF. Pour le moment, seule une demande sur six est satisfaite.par Marie Joannidis
Article publié le 19/09/2006 Dernière mise à jour le 19/09/2006 à 18:08 TU