XIe Sommet de la Francophonie
Stratégies francophones de soutien au français en Europe : dans le monde des affaires
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« Les chefs d’entreprise sont généralement convaincus de la nécessité de défendre une vie économique en français, affirme Steve Gentili, président du Forum francophone des affaires (FFA) et président de la Bred-Banque Populaire. Ce sont des pragmatiques et ils constatent par exemple qu’il est plus facile de négocier dans sa propre langue, en recourant à des concepts que l’on maîtrise, que dans la langue de l’interlocuteur dans laquelle on est en position de faiblesse et de surcroît avec un référentiel que l’on possède insuffisamment. » Steve Gentili sait de quoi il parle. Créé en 1987 au Sommet de Québec (Canada), le FFA est auprès du Sommet des chefs d’Etat et de gouvernement ayant le français en partage le porte-parole du secteur privé. Il est composé de comités nationaux – une quinzaine en Europe – qui regroupent les acteurs économiques de tous les secteurs, et d’organisations professionnelles, comme par exemple la Fondation internationale francophone finance-assurances-banques (FIFFAB).
Jusqu’à présent, on ne savait pas grand chose des pratiques des entreprises dans leur rapport au français. Pour en savoir davantage, la Sous-direction du français du ministère des Affaires étrangères a réalisé, en mars 2006, une enquête auprès de 78 filiales d’entreprises françaises diverses (transports, énergie, finances, tourisme, agro-alimentaire et bâtiment), implantées dans 33 pays sur les cinq continents, avec une forte représentation de l’Europe, de l’Asie et du Moyen Orient.
Air France en République tchèque : une prime mensuelle de langue française
Il en ressort que les entreprises exigent de leur personnel local une compréhension du français lorsque celui-ci est la langue du siège – ce qui est le cas de la moitié d’entre elles. La culture d’entreprise étant plus facile à appréhender pour le personnel lorsqu’il parle le français, sa maîtrise « entre en ligne de compte » pour 41 % des filiales interrogées lors du recrutement des salariés locaux. Elle en est même une condition expresse dans 24 % des cas. En outre, 53 % des filiales interrogées reconnaissent que la pratique du français est « un plus » pour la mobilité géographique et fonctionnelle, quand elle n’en est pas le préalable obligatoire (19 % des cas).
Si la pratique du français est ainsi un atout prouvé pour le salarié dans sa carrière, elle est également un avantage pour l’employeur francophone. Lorsque le personnel local maîtrise le français, il devient plus « performant », comme le rappelle l’expérience vécue en 2001 par le groupe Renault : lors de sa fusion avec Nissan, l’usage de l’anglais comme langue de l’alliance avec le groupe japonais a provoqué un rendement réduit de part et d’autre. En outre, 32 % des filiales constatent une meilleure fidélisation de leur personnel francophone. Ce qui explique pourquoi certaines, comme celle de PSA en Slovaquie, ont fait de l’apprentissage de la langue une condition d’embauche et offrent (55 %) des cours intensifs à leurs salariés ; 5 % d’entre elles rendent même ces cours obligatoires. La filiale d’Air France en République tchèque, elle, préfère le registre incitatif : la première année de stage de français est offerte et, une fois le niveau minimum atteint et le test de connaissances passé, une prime mensuelle est versée.
Former les cadres étrangers à la langue et la culture françaises
L’étude de mars 2006 visait également à mesurer si ces entreprises – qui pensent pour 99 % d’entre elles avoir « un rôle à jouer dans le rayonnement de la France » – perçoivent leur identité française ou francophone comme un atout dans la compétition mondiale. Les résultats sont complexes. Certes, 50 % d’entre elles pensent que les enjeux de la francophonie et de la francophilie sont liés et qu’ils ont un impact sur la création de marchés pour des produits français, mais seules 42 % d’entre elles mettent leur origine française en avant dans leur communication grand public.
Cet avantage concurrentiel est ainsi quelque peu négligé, à de notables exceptions près, comme celle du groupe LVMH, qui s’appuie sur l’image de la culture française dans le monde du luxe : les produits vendus à l’étranger gardent leur appellation française et le centre de formation du groupe, basé à Londres, forme les cadres étrangers à la connaissance de la langue et de la culture françaises. Un travail que la fondation Renault, créée en 1999, effectue en direction des étudiants des pays où le constructeur automobile est implanté.
L’initiative « Oui, je parle français »
C’est forts des résultats de cette enquête et pour encourager les entreprises à porter haut les couleurs francophones que le ministère français des Affaires étrangères (Sous-direction du français), l’Alliance française, la Chambre de commerce et d’industrie de Paris et le Forum francophone des affaires ont lancé l’initiative « Oui, je parle français » le 26 avril 2006. Elle repose sur l’idée que les pouvoirs publics et les entreprises françaises ont un rôle complémentaire à jouer dans le rayonnement de la francophonie et de la francophilie à l’étranger et se présente, concrètement, sous la forme d’une pochette rassemblant l’offre de formation linguistique et les certifications existantes pour évaluer le niveau en français des personnels. Les entreprises françaises sont invitées à rejoindre l’initiative en faisant de « Oui, je parle français » un véritable label.
Pour autant, s’exclame Steve Gentili, « il ne s’agit pas de ne faire des affaires qu’en français ! Il s’agit plutôt de prendre conscience que derrière la langue, il y a des conceptions, des visions du monde et si nous ne voulons pas que la vision anglo-saxonne domine et régisse sans partage la vie économique, il nous revient d’en défendre la diversité, la pluralité des approches. Le FFA promeut une vision et une pratique des relations économiques dans lesquelles se reconnaît le monde latin notamment. Ce mouvement est ouvert. » Il n’y a pas, précise un haut fonctionnaire de l’OIF, de modèle économique francophone à proprement parler, mais « une double conception : celle de la prééminence de l’économie de marché, liée au modèle des sociétés ouvertes et démocratiques ; celle de la nécessité de régulations multilatérales visant à corriger les déséquilibres historiques entre pays et les asymétries systémiques nées de leur absence ». Une vision mesurée qui devrait séduire de plus en plus d’entrepreneurs.
par Ariane Poissonnier
Article publié le 19/09/2006 Dernière mise à jour le 19/09/2006 à 18:46 TU
Pour en savoir davantage :
- Forum francophone des Affaires
- « Oui, je parle français »