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Santé

Belle revanche pour le DDT

La réhabilitation du DDT montre que la recherche contre les moustiques transmetteurs du paludisme (anophèles gambiae) ne parvient pas à proposer d’alternative viable. 

		(Photo : Institut Pasteur)
La réhabilitation du DDT montre que la recherche contre les moustiques transmetteurs du paludisme (anophèles gambiae) ne parvient pas à proposer d’alternative viable.
(Photo : Institut Pasteur)
Le dichloro-diphényl-trichloréthane (DDT) est interdit depuis 1972, après avoir été pendant des décennies un insecticide majeur, notamment dans la lutte contre les moustiques vecteurs du paludisme. En 1992, lors de la Conférence de Rio apparaît la notion de polluants organiques persistants (POP) dans lequel le DDT sera classé, avec 16 produits dont 12 insecticides. Aujourd’hui, alors que le paludisme tue plus que jamais, on redécouvre les propriétés de cet insecticide tant décrié.

En mars 2000, l’Organisation mondiale de la santé appuyait l’élaboration d’un traité juridiquement contraignant, visant à «combattre la menace que font peser sur l’environnement et la santé publique 12 polluants organiques persistants, dont le DDT». Six ans plus tard, virage à 180 degrés : «le DDT, affirme maintenant l’OMS, ne présente aucun risque pour la santé lorsqu’il est utilisé correctement». La réhabilitation du DDT, dont on a cru devoir et pouvoir se passer, montre que la recherche contre les moustiques transmetteurs du paludisme ne parvient pas à proposer d’alternative viable. Malgré des moyens importants, la lutte contre cette maladie qui tue chaque année près de trois millions de personnes, reste bien en deçà des objectifs fixés, soit la réduction de moitié de la mortalité due au paludisme d’ici 2010.

Les abus de l’agriculture

Quand, en 1939, le Suisse Paul Hermann Müller découvre les propriétés neurotoxiques du DDT pour les insectes, les scientifiques ne s’y trompent pas. Il recevra le prix Nobel de médecine pour cette découverte. Efficace et peu coûteux, le DDT fait rapidement ses preuves à grande échelle. En 1945, l’Agence internationale pour le développement (AID) lance un programme d’éradication du paludisme dans 48 pays. Les résultats sont spectaculaires : l’épidémie est enrayée en Grèce, en Italie et dans le sud de la France en une seule année, pendant qu’en Afrique du Sud, en quelques années, le nombre de cas est divisé par dix. En Inde comme au Sri Lanka, la maladie recule, épargnant des dizaines de milliers de morts.

C’est son utilisation abusive dans l’agriculture qui a entraîné le bannissement du DDT. Toxique pour les oiseaux qui consomment des insectes contaminés, le DDT s’accumule également dans la chaîne alimentaire et se propage sur de longues distances (on en retrouve encore dans le Grand Nord canadien et dans l’Arctique). De plus, il persiste dans l’environnement : si on en pulvérise 10 kg dans un champ de 10 ha, 15 ans après il en reste encore 5 kg. Par contre, sa toxicité pour l’homme, en dehors de la voie orale évidemment, fait toujours débat. Plusieurs études indiquent que le DDT pourrait perturber les fonctions endocriniennes et de reproduction. En revanche, sa toxicité par voie cutanée serait quasiment nulle : pendant la Seconde Guerre mondiale, les soldats américains saupoudraient leurs vêtements de DDT, sans séquelle apparente.

A petites doses, un insecticide de choix

Le DDT revient en cour à l’OMS, pour qui il est «un insecticide de choix» contre le paludisme, notamment à cause de sa longue durée d’action (6 mois). L’organisation insiste toutefois sur les précautions d’emploi qui doivent être respectées afin de ne pas rééditer les erreurs du passé. Mais insiste l’OMS, la part utilisée dans la lutte contre le paludisme ne représente qu’une infime partie des quantités répandues par l’agriculture. De plus, lorsque le DDT est strictement appliqué à l’intérieur des habitations comme l’OMS le recommande, il constitue une menace très faible, voire inexistante pour l’environnement. Vaporisé sur les murs, les plafonds, sous les meubles, le DDT peut réduire la transmission du paludisme de 90 % affirme l’OMS, se référant à des expériences récentes en Afrique du Sud et en Inde. 

Le retour en grâce du DDT se justifie d’autant plus pour l’OMS que la lutte contre le paludisme ne progresse guère. Celle-ci se décline en trois phases : la lutte antivectorielle, l’utilisation généralisée de moustiquaires imprégnées d’insecticide, les tests de diagnostic rapides et le recours à des combinaisons thérapeutiques à base d’artémisinine. Or, concernant par exemple les moustiquaires imprégnées, qui ont fait la preuve de leur efficacité, seule 2 % de la population africaine à risque y a accès, alors que la déclaration d’Abuja (Nigeria) en 2000 s’était fixée une couverture de 60 % pour l’an 2005. Quant aux kits de diagnostic et aux traitements efficaces, ils sont toujours hors de portée de la majorité des malades.

La décision de reprendre officiellement les pulvérisations au DDT constitue en fait une réponse à l’urgence posée par l’avancée du paludisme. Même les écologistes en sont conscients : «le recours au DDT ne nous plaît pas, mais nous comprenons qu’en l’absence de solution de rechange, il doit être utilisé en quantités très limitées» admet le directeur du  Fonds mondial pour la nature (WWF) pour l’Afrique du Sud. En pleine recrudescence, la maladie en effet tue aujourd’hui deux fois plus qu’il y a vingt ans. Chaque année, près de trois millions de personnes meurent du paludisme, dont un million sont des enfants de moins de cinq ans. 90 % de ces décès ont lieu en Afrique.



par Claire  Arsenault

Article publié le 26/09/2006 Dernière mise à jour le 26/09/2006 à 16:42 TU