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France 2007-élection présidentielle

François Bayrou : un Béarnais à Paris

François Bayrou. 

		(Photo: AFP)
François Bayrou.
(Photo: AFP)
Entre Béarn et capitale, entre droite et gauche, la carrière de François Bayrou est toujours entre deux choix, à l’affût d’une nouvelle voie. Il n’est pas devenu un homme politique parisianiste, mais il n’est pas resté non plus un rural pure souche. Il a choisi de faire son chemin politique au centre, sans renoncer à séduire sur les côtés, maintenant plutôt à gauche. Il propose désormais aux Français, dont il va solliciter les suffrages lors de l’élection présidentielle de 2007, une «gouvernance transpartisane» pour renouveler la manière de faire de la politique et rompre avec les compromissions liées aux logiques de partis. Pour y parvenir, il prône d’ailleurs le passage à la VIe République. Une chose est sûre, il ne veut entrer dans aucune case, si ce n’est dans celle qu’il aura créée lui-même. Une attitude révélatrice de l’assurance et de l’ambition de ce terrien qui croit en son destin.

Il roule au centre, mais surtout pour lui. François Bayrou, le président de l’Union pour la démocratie française (UDF), a choisi d’essayer de se créer un espace politique entre la gauche et la droite. Par conviction, certes, mais aussi parce que c’était le seul moyen de se mettre en position de tenter sa chance à l’Elysée. En 2002, pour sa première tentative, il a obtenu 6,84% des suffrages au premier tour. En 2007, il se présentera à nouveau. Avec l’espoir de faire mieux, voire beaucoup mieux.

Et pour y parvenir, François Bayrou a choisi de mettre en œuvre, durant les cinq dernières années, une stratégie d’indépendance face au parti majoritaire, l’Union pour un mouvement populaire (UMP), dirigé aujourd’hui par Nicolas Sarkozy, créé hier pour Jacques Chirac. Désormais, l’UDF ne se plie plus à la traditionnelle alliance centre-droite. François Bayrou a, par exemple, refusé que les membres de son parti participent au gouvernement de Dominique de Villepin. Et l’UDF a coupé définitivement le cordon en votant, avec les socialistes, la censure contre ce même gouvernement au moment de l’affaire Clearstream au printemps 2006. Ces positions lui ont coûté quelques défections, celle de Gilles de Robien, par exemple, qui a refusé le dictat du président de l’UDF et a accepté un ministère. Mais tant pis, l’émancipation a un prix.

Conviction ou opportunisme ?

A en croire François Bayrou, cette stratégie n’a qu’un objectif : faire de la politique autrement, c’est-à-dire sans se soumettre à la logique partisane. Il plaide en faveur du droit à aller chercher les compétences là où elles sont, à droite ou à gauche. Ses détracteurs l’accusent, en revanche, de manger à tous les râteliers dans le seul et unique espoir d’exister politiquement. Conviction d’un côté, opportunisme de l’autre. Certainement un peu des deux.

Béarnais, il a commencé à tâter de la politique dans sa région, en poussant la porte du Centre démocrate de Jean Lecanuet, dont il devient responsable de la section de Pau, en 1974. Il a 23 ans et a déjà compris que son destin n’est pas d’enseigner, comme le laissait supposer son parcours estudiantin. La mort de son père, Calixte, un drôle de cultivateur féru de littérature, survenue quelques semaines avant qu’il passe et réussisse son agrégation de lettres classiques en 1974, l’oblige pourtant à mener de front plusieurs activités pendant un certain temps. Les travaux des champs pour ne pas laisser la ferme familiale à l’abandon, l’enseignement pour gagner sa vie -il a réussi à se faire nommer à Nay, près de son village de Bordères-, et la politique qui devient sa marotte.

François Bayrou est né à la campagne mais aurait pu la quitter et s’en détacher définitivement. Il en a décidé autrement en demeurant un homme de terroir. Au départ par obligation, ensuite par choix. Il s’est installé à Bordères à la mort de son père et y est resté. Sa femme, Elisabeth, y réside. Ses six enfants y ont été élevés. Lui-même y revient tous les week-ends.

Et pour cause, c’est là que François Bayrou a implanté son élevage de chevaux de course. C’était son rêve d’enfance. Il a pu le réaliser grâce aux ventes de l’un de ses ouvrages. S’il a abandonné l’enseignement des lettres, il en a conservé le goût et s’adonne à l’écriture. Sa biographie du roi Henri IV, un héros béarnais comme il les aime, a connu un gros succès en librairie. Il s’est ainsi constitué un petit pécule qu’il a investi dans sa passion en achetant des terres et des pouliches. Il possède aujourd’hui un haras qui a produit quelques chevaux qui ont gagné des prix.

Le berceau de son ascension politique

François Bayrou est donc tout sauf un membre du microcosme parisien. Il dénonce la domination de l’image face au contenu et les partis pris médiatiques dictés par les intérêts financiers qui y ont cours. Il revendique, au contraire, de porter des valeurs qui lui viennent de son ancrage provincial et de son âme béarnaise, fière et inflexible. Et il a d’ailleurs fait de son terroir le berceau de son ascension politique. Il a pris son essor dans sa région natale avant d’aller à la conquête de la capitale. En 1982, il est élu conseiller général des Pyrénées-Atlantiques. En 1983, il obtient un mandat de conseiller municipal de Pau. En 1986, le voilà député des Pyrénées-Atlantiques. Il l’est encore aujourd’hui.

Pour gravir les échelons vers un destin national, il est entré dans le jeu des partis. Le Centre démocrate, qui deviendra le Centre des démocrates sociaux (CDS), lui ouvre les portes des cabinets ministériels. Il devient, en 1979, chargé de mission dans le cabinet de Pierre Méhaignerie, ministre de l’Agriculture, puis dans celui d’Alain Poher, président du Sénat, en 1981. En 1984, il suit Pierre Pfimlin, alors président du Parlement européen, comme conseiller.

En 1989, François Bayrou fait ses armes de trublion en se joignant au groupe des «rénovateurs» de la droite où figurent des personnalités comme Michel Noir, Dominique Baudis, Philippe Séguin, des «quadras» qui voulaient le changement et la fin des divisions. Cette initiative échoue à bousculer les appareils. Mais Bayrou y gagne une visibilité à l’échelle nationale. Et il continue ensuite son parcours au sein du parti centriste. Il dirige la campagne de Simone Veil pour les Européennes. Il prend ensuite, en 1994, la tête du CDS, puis, en 1995, celle de Force démocrate, une composante de l’UDF, dont il devient finalement président en 1998.

Il a vaincu son bégaiement

Entre-temps, Edouard Balladur l’a nommé, en 1993, ministre de l’Education nationale. Une fonction qu’il continuera d’occuper après l’arrivée d’Alain Juppé à Matignon. Cette étape ministérielle lui laisse un sentiment de grande satisfaction et renforce certainement sa conviction qu’il peut viser plus haut, en vertu de la maxime de Valéry Giscard d’Estaing, un exemple pour lui, selon laquelle : «Une bonne carrière, c’est député à un âge qui commence par un 3, ministre à un âge qui commence par un 4, Premier ministre à 5 et président à 6».

François Bayrou a 55 ans. Et tout l’avenir devant lui. En tout cas, c’est ce que pense ce catholique pratiquant qui ne s’avoue jamais battu quels que soient les handicaps de départ. L’une de ses plus belles victoires n’a d’ailleurs rien à voir avec la politique. C’est celle qui lui a permis de vaincre son bégaiement. Car qui le croirait aujourd’hui tant son élocution est fluide, François Bayrou était bègue quand il était enfant. Cela lui a valu des moqueries mais a certainement participé à forger son caractère. Cela a vraisemblablement aussi contribué à lui donner la conviction que l’on peut maîtriser son destin. Ce qu’il s’applique à faire.



par Valérie  Gas

Article publié le 03/10/2006 Dernière mise à jour le 03/10/2006 à 18:14 TU