Littérature
Orhan Pamuk, Nobel de littérature
(Photo : AFP)
Orhan Pamuk assure qu'il n'est pas un auteur politique. C'est vrai, mais il n'empêche : depuis quelques années, son nom défraye souvent la chronique politique et diplomatique. C'est au début de l'année dernière que le nom de Pamuk fait une entrée fracassante dans le débat européen : l'écrivain vient de répondre aux questions d'un journal suisse sur le génocide arménien. «Un million d'Arméniens et 300 000 Kurdes ont été tués, déclare-t-il, et personne n'ose le dire».
Aussitôt publiée, l'interview provoque une énorme polémique en Turquie : l'écrivain est mis en examen pour insulte à l'identité nationale et un sous-préfet ordonne la destruction de ses livres. Finalement il n'en sera rien, les poursuites seront abandonnées. Entre-temps le monde les lettres, dans toute l'Europe, s'est largement mobilisé pour le soutenir.
Pamuk se bat donc pour la liberté d'expression. Ce n'est pas nouveau. Il y a plus de 15 ans déjà, il fut le premier écrivain du monde musulman à condamner ouvertement la fatwa contre Salman Rushdie. Un peu plus tard, il prit aussi position pour un autre grand écrivain turc, Yasar Kemal, poursuivi pour ses prises de positions en faveur du respect des minorités.
L’écriture, comme on entre en religion
Autant dire que pour bon nombre d'observateurs, le prix Nobel qui vient de lui être décerné récompense certes sa plume, mais aussi sa liberté de ton et d'esprit. Il passe, dit-il, 9 heures par jour penché sur sa table d’écriture, dans son grand appartement d’Istanbul. Il est nerveux, passionné, obstiné, accroché plus que tout à ces mots qu’il couche dans les pages de ses carnets à spirale. Orhan Pamuk a épousé l’écriture comme on entre en religion.
Il aurait pu se choisir une autre vie, celle d’architecte. Mais, à 23 ans, ce fils de bonne famille a donc fait le pari un peu fou de la littérature. Pari risqué : il lui aura fallu plus de 7 ans de travail solitaire avant de publier son premier roman. Les éditeurs étaient sceptiques, pas lui. Il avait raison : 25 ans plus tard, Pamuk est non seulement devenu l’un des auteurs les plus célèbres du monde, traduit en une vingtaine de langues, mais il est aussi un symbole, celui d’un passeur de cultures entre l'Orient et l'Occident.
Ecrivain populaire et homme libre. Ses propos sur le génocide arménien l'ont propulsé au coeur d'une très violente polémique. Mais si Pamuk est un citoyen engagé, ce n'est pas un auteur politique. Lui-même se définit comme un romancier classique, volontiers onirique et poétique. D'ailleurs ce Nobel ne tombe pas du ciel : Pamuk a déjà reçu une très longue liste de prix littéraires un peu partout dans le monde.
par Valérie Lehoux
Article publié le 12/10/2006 Dernière mise à jour le 12/10/2006 à 19:03 TU