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Hongrie

1956 : un passé qui ne passe toujours pas

12 novembre 1956 : un char soviétique dans les rues de Budapest. Seize ans après la chute du communisme, la droite refuse toujours de commémorer la fête nationale du 23 octobre avec la gauche. 

		(Photo : AFP)
12 novembre 1956 : un char soviétique dans les rues de Budapest. Seize ans après la chute du communisme, la droite refuse toujours de commémorer la fête nationale du 23 octobre avec la gauche.
(Photo : AFP)
Depuis un mois, des manifestants continuent d’exiger la démission du Premier ministre Ferenc Gyurcsany. Tous les jours, ils se donnent rendez-vous sur la place Kossuth devant le parlement, en fin d’après-midi, pour écouter des discours où souvent la révolution de 56 est mentionnée. Nombreux sont ceux qui n’hésitent pas à faire un parallèle entre les deux situations, au grand mécontentement de ceux qui ont participé à la révolution il y a cinquante ans.

De notre correspondante à Budapest

La société hongroise est plus que jamais divisée. Planant toujours au-dessus d’elle, le spectre du communisme continue à hanter les mémoires magyares. Sans tomber dans un manichéisme simpliste, il faudra certainement encore une bonne dizaine d’années, c’est-à-dire une génération, pour que ceux qui ont accepté le communisme et ceux qui, au contraire, en ont été victimes puissent dépasser les uns leur rancœur et les autres le malaise de leur capacité d’adaptation.

Depuis un mois, ces deux sociétés s’affrontent plus durement encore. Hétérogène, la droite hongroise conduite principalement par le chef de file du Fidesz, Viktor Orban, emprunte une nouvelle voie qui est celle du populisme en devenant le porte-parole des perdants et des victimes. Le Fidesz estime être le légataire de la mémoire de 56 – par principe et par opposition, puisque ce ne peut être la gauche issue du communisme qui la revendique. Mais ce n’est pas aussi simple. Car si, dès le début de la révolution en octobre 1956, les révolutionnaires ont été présentés comme des « terroristes » et que la révolution a immédiatement été interprétée comme une contre-révolution, ces victimes, et non des moindres avec Imre Nagy, étaient communistes. Depuis seize ans, la droite refuse de commémorer en collaboration avec la gauche ce qui est devenu dès 1989, une fête nationale. Il en sera de même ce 23 octobre.

Un héritage que tous revendiquent

Situation schizophrénique s’il en est. Jusqu’en 1989, la ligne du parti imposait de ne parler que de contre-révolution et puis soudainement, avant même la chute du mur de Berlin, 56 est devenu une fierté nationale, une fierté dans l’histoire hongroise qui en compte peu. Viktoria se souvient de cette époque. «Lycéenne au printemps 89, je passait mon bac et lors de l’oral, j’ai dû vérifier auprès de mon professeur, d’un rapide coup d’œil si je pouvais parler de révolution et non plus de contre-révolution». D’un jour à l’autre, il était désormais possible de parler d’un événement qui avait traumatisé une population entière. Un événement qui les avaient fait «passer du paradis à l’enfer», se rappelle le poète Tibor Gyurkovics. «Un événement qui avait unis pratiquement tous les Hongrois et dont l’échec allait les diviser à nouveau».

La gauche, quant à elle, revendique aussi cet héritage. Encore une fois, ce sont les communistes réformateurs qui ont tenté de lever le joug soviétique. Majoritairement héritiers du communisme, les actuels dirigeants du parti socialiste hongrois sont souvent de purs produits du kadarisme, ce célèbre socialisme à la goulasch qui a fait de la Hongrie à partir des années 70, la baraque la plus gaie du camp socialiste. Dans cette Hongrie divisée, ce sont eux qui ont manifesté la plus grande capacité d’adaptation en sachant passer d’une économie étatisée à une économie de marché. Le Premier ministre actuel en est la preuve éclatante. Ancien secrétaire des jeunesses communistes, il a fait fortune grâce aux privatisations des années 90. Pour l’électorat de droite, il est l’exemple même de celui qui sait s’adapter aux saisons qui se succèdent.

Pour ceux qui n’ont pas réussi à prendre en marche le train de la modernité, le parallèle établi entre l’espoir et l’exaltation suscitée par la révolution de 56 et celui de voir démissionner Ferenc Gyurcsany est justifié. La confusion règne dans ces esprits mais rien ne le leur fera admettre. Le refus de se soumettre, de se résigner est tout aussi fort que serait le sentiment d’avoir été entendu si le chef du gouvernement démissionnait.



par Cécile  Vrain

Article publié le 23/10/2006 Dernière mise à jour le 23/10/2006 à 08:55 TU

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[15/09/2006]