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Nucléaire iranien

Moscou néglige le nouveau défi de Téhéran

Bien que l’Iran ait annoncé, mercredi, de nouveaux progrès dans sa maîtrise de l’enrichissement de l’uranium, la Russie a rejeté, jeudi, le projet de résolution de l’Onu prévoyant des sanctions contre la République islamique. Toujours hostile à une approche ferme du dossier nucléaire iranien, Moscou prône un «long processus de négociation». C’est, cependant, un nouveau défi à la communauté internationale qu’a lancé Téhéran en confirmant l’installation et le prochain lancement d’une deuxième cascade de centrifugeuses à uranium. A terme, ce processus pourrait lui permettre de dépasser le stade du nucléaire civil pour déboucher sur un programme militaire.
Carte des sites nucléaires iraniens 

		(Carte : RFI)
Carte des sites nucléaires iraniens
(Carte : RFI)

La France, la Grande-Bretagne et l’Allemagne, avec l’appui des Etats-Unis, avaient pourtant fait quelques concessions à la Russie dans la rédaction du nouveau projet de résolution visant à sanctionner Téhéran pour la poursuite de son programme nucléaire. Le texte, qui devait être examiné ce jeudi par les cinq membres permanents du Conseil de sécurité de l’Onu (Etats-Unis, Chine, Russie, France et Grande-Bretagne), ne faisait, notamment, pas mention de la centrale iranienne de Bouchehr, dont Moscou préside à la construction.

Cela n’a pas empêché la Russie, qui entretient avec Téhéran des liens énergétiques et commerciaux très étroits, de rejeter ce projet, jeudi, estimant qu’il ne « répondait pas » aux objectifs que s’était fixé la communauté internationale et qu’un « long processus de négociations serait nécessaire ». Cité par les agences russes, le ministre des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, a déclaré : « Notre objectif sera de réduire les risques de possible arrivée de technologies sensibles en Iran avant que l'AIEA n'éclaircisse toutes les questions qui l'intéressent, et de conserver tous les canaux nécessaires de communication avec l'Iran ».

Dans la crise du nucléaire iranien, le Kremlin a toujours affiché, comme la Chine – autre partenaire important de l’Iran – une attitude conciliante envers le régime de Téhéran : priorité au dialogue, réticence aux sanctions. Aujourd’hui, toutefois, le rejet, par Moscou, du projet onusien semble un peu plus ferme que par le passé.

Le texte prévoit, entre autres, d'imposer un embargo sur « tout matériel, équipement, bien et technologie qui pourraient contribuer aux programmes nucléaires et aux programmes de missiles balistiques de l'Iran ». Il est également question d’interdire de voyager à l'étranger et de geler les avoirs financiers à l'étranger de toute personne impliquée dans le programme nucléaire iranien.

Washington veut une résolution « maintenant »

La fermeté du refus russe n’empêche pas la France de le minimiser. Paris estime « normal » qu'à ce stade chacun « affiche ses positions ». Selon le porte-parole du ministère français des Affaires étrangères, Jean-Baptiste Mattéi, « nous sommes dans le processus normal d'élaboration d'une résolution des Nations unies, avec l'objectif de parvenir à un accord et d'assurer l'unité de la communauté internationale ». Et d’ajouter, à l’adresse des journalistes : « Nous avons pris note des déclarations russes. Vous aurez également relevé les commentaires faits par les autorités américaines ».

Fidèle à la ligne rigide adoptée par l’administration Bush, la secrétaire d'Etat américaine, Condoleezza Rice, a appelé le Conseil de sécurité à approuver « maintenant » une résolution. « Pour que la communauté internationale soit crédible, elle doit approuver maintenant une résolution qui fasse rendre des compte à l'Iran pour son attitude de défi ».

Or le projet de résolution doit être d'abord approuvé dans ses lignes essentielles par Moscou et Pékin avant d'être soumis aux autres membres du Conseil de sécurité ne disposant pas du droit de veto. Jeudi, la Chine s’est bornée à faire part de sa préoccupation, appelant Téhéran à appliquer la résolution 1696 qui lui demande de cesser l’enrichissement d’uranium.

Usage exclusivement militaire 

Le site nucléaire de Natanz où l'Iran enrichit de l'uranium. 

		(Photo : AFP)
Le site nucléaire de Natanz où l'Iran enrichit de l'uranium.
(Photo : AFP)

Mais loin de se soumettre aux pressions de la communauté internationale, l’Iran lui a lancé un nouveau défi. Dédaignant les avertissements des Nations unies, le régime iranien a annoncé, mercredi, avoir franchi un nouveau palier dans sa maîtrise de la technologie nucléaire. Une deuxième cascade de 164 centrifugeuses destinée à enrichir l’uranium a été installée dans l'usine pilote d'enrichissement de Natanz (centre). « La seconde cascade a été mise en place il y a deux semaines et nous allons la ravitailler en gaz (d'hexafluorure d'uranium UF6) cette semaine », a indiqué l'agence officielle Isna.

Une première cascade avait été mise en service en avril dernier, ce qui avait permis aux ingénieurs iraniens de produire une petite quantité d’uranium enrichi à près de 5%. Ce taux reste faible. La République islamique, qui dément toute vocation militaire à son programme nucléaire, n’est donc pas encore en mesure de produire une arme atomique, ce que redoutent les Occidentaux.

Mais à terme, en multipliant le nombre de cascades – jusqu’à des dizaines de milliers de centrifugeuses – pendant un temps suffisant – sans doute plusieurs années encore, selon les services de renseignement américains – l’Iran pourrait obtenir un uranium enrichi à près de 90%. Son usage serait alors exclusivement militaire.

par Philippe  Quillerier

Article publié le 26/10/2006 Dernière mise à jour le 26/10/2006 à 16:05 TU

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