France
Nicolas Hulot, un aventurier de l’écologie en campagne
(Photo : AFP)
L’aventure a commencé en 1987, lorsque le jeune journaliste Nicolas Hulot est appelé à présenter ce qui est devenu une émission phare de la télévision française sur la nature, Ushuaïa, le magazine de l’extrême, du nom de la ville la plus australe du monde, capitale de la province méridionale argentine la Terre de Feu, appelée aussi Terre du Bout du Monde, située en Patagonie. Grâce à cette émission diffusée sur la chaîne TF1, il devient un familier du grand public, auquel il fait découvrir des images insolites dans les endroits les plus sauvages du monde. Mais au-delà du dépaysement, l’aventurier Hulot pointe aussi la fragilité de toutes ces beautés de la nature menacées par l’homme. Cette prise de conscience va l’amener à un engagement pour la défense de l’environnement et sa popularité deviendra un atout précieux.
Figure atypique, le journaliste à l’allure juvénile est devenu, à 51 ans, une des personnalités préférées des Français. Quelque 66% d'entre eux estiment que Nicolas Hulot est la personnalité qui représentera le mieux la défense de l’environnement pendant la campagne présidentielle. En revanche, 57% des personnes interrogées ne souhaitent pas qu’il soit candidat à la magistrature suprême, selon un sondage publié le 5 novembre par Le Journal du Dimanche.
Un poste de vice-Premier ministre chargé du développement durable
Nicolas Hulot n’a pas encore décidé s’il présentera sa candidature à l’élection présidentielle française de 2007, mais il menace de le faire si « la gauche et la droite n’ont pas d’engagements forts sur les enjeux climatiques et écologiques ». Il vient de jeter un pavé dans la mare en présentant, ce mardi, le Pacte pour l'Ecologie, un livre co-rédigé avec plus d'une vingtaine d'experts et publié chez Calmann-Lévy. Il y soumet une liste de priorités et d'engagements aux candidats à l'élection présidentielle.
Entouré d’une pléiade de scientifiques et d’artistes célèbres, ses amis, sur lesquels il compte pour relayer son message, le journaliste a présenté cinq mesures phare très concrètes dans le domaine fiscal, agricole et administratif pour éviter un désastre écologique et anticiper le changement climatique.
Il propose ainsi de créer en France un poste de « vice-Premier ministre chargé du développement durable ». Poste qu’il verrait bien attribuer, à gauche, à l’ ancienne ministre de l’environnement, Dominique Voynet, et à droite, à l'ancien ministre Michel Barnier, à la sénatrice-maire de Strasbourg, Fabienne Keller, ou à la députée UMP Nathalie Kosciusko-Morizet.
Parmi les mesures proposées en matière de défense de l’environnement, il préconise l'instauration d'une « taxe carbone » en croissance régulière, jusqu'à la réduction par quatre des émissions de gaz carbonique (CO2) en France. Le Pacte propose aussi de réorienter les subventions agricoles vers une agriculture de qualité, soucieuse de l'environnement. Il considère, par ailleurs, que les orientations du développement durable doivent être soumises au débat public et suggère une refonte des programmes d'éducation à l'environnement, de l'école primaire aux classes supérieures, afin de créer un corps d'Etat formé au développement durable. Enfin, l’animateur se prononce en faveur d'un moratoire sur les organismes génétiquement modifiés. Nicolas Hulot attend des réponses claires et immédiates de la part des candidats à l’élection présidentielle, sans quoi il pourrait décider, dans les prochaines semaines, de se porter candidat à la magistrature suprême.
Très courtisé par la classe politique
Son premier succès, Nicolas Hulot l’a déjà obtenu, car l’annonce de son éventuelle candidature a immédiatement interpellé les partis politiques et les candidats potentiels à la présidentielle qui ne peuvent ignorer une personnalité aussi populaire et se voient ainsi imposer le thème de l’environnement. Pour preuve, les déclarations de séduction fusent de toute part.
Concernés au premier chef par cette question, les écologistes paraissent un peu gênés par cette intrusion sur leur propre terrain, alors qu’il y a déjà quatre candidats potentiels chez eux. Si la candidate des Verts, l’ancienne ministre de l’environnement Dominique Voynet, se montre réservée sur une éventuelle candidature de Hulot, elle considère qu’il est un « excellent brise-glace » et l’appelle à travailler avec elle. Certains, parmi les écologistes, notamment Antoine Waechter, du Mouvement écologiste indépendant (MEI), qui n’avait pas réussi à réunir les signatures nécessaires lors des élections en 1995 et de 2002, voit en Nicolas Hulot « le seul aujourd’hui » à pouvoir réunir tous les partis se réclamant de l’écologie. Nicolas Hulot était bien apparu à côté de Dominique Voynet aux Journées d’été des Verts, mais l’ancienne ministre de l’environnement a déjà rejeté de fait la possibilité d’une candidature commune car elle refuse que l’on « masque les différences » entre les mouvements écologistes.
Le Premier secrétaire du parti socialiste, François Hollande, estime pour sa part « nécessaire » l’intervention de Nicolas Hulot dans la campagne électorale. Mais sa compagne, Ségolène Royal, candidate à l’investiture socialiste, considère que cette candidature « ne serait pas une bonne chose car elle diviserait ». Tandis que son adversaire, Laurent Fabius, en pleine bataille, lui aussi, pour les primaires du parti socialiste du 16 novembre prochain, verrait bien Nicolas Hulot numéro deux de son gouvernement. Cette offre de portefeuille a provoqué les sarcasmes de la droite qui, plus discrète sur le sujet, reconnaît aussi les vertus de Nicolas Hulot. L’UMP de Nicolas Sarkozy, par exemple, le considère comme « une des personnalités les plus qualifiées » et « les plus crédibles » pour traiter des questions environnementales. Pour sa part, le président du Mouvement pour la France, parti de droite souverainiste, Philippe de Villiers, se sent « une espèce de parenté » avec Nicolas Hulot dans son combat pour l'environnement.
Nicolas Hulot avait déjà réussi à s’imposer sur la scène politique française en devenant conseiller officieux du Président Jacques Chirac pour les questions d’environnement. Il aurait même été pressenti au ministère de l’Ecologie, lorsque l’actuel Premier ministre, Dominique de Villepin, a formé son gouvernement. Nicolas Hulot aurait soufflé à Jacques Chirac la phrase prononcée en 2002 au Sommet mondial sur le développement durable à Johannesburg : « Notre maison brûle et nous regardons ailleurs ». Aujourd’hui, il pose ses exigences.
par Elisa Drago
Article publié le 07/11/2006 Dernière mise à jour le 07/11/2006 à 18:31 TU