Asie-Etats-Unis
George Bush en Asie
(Photo : AFP)
Le président Bush, qui a entamé une tournée d’une semaine en Asie, est arrivé ce vendredi à Hanoï pour une visite officielle au Vietnam, où il participera au Sommet de l’Apec (18-19 novembre), le forum de coopération économique d'Asie-Pacifique qui regroupe 21 pays représentant plus de 40% de la population de la planète et la moitié de l’économie mondiale. Commerce et sécurité sont au menu de ce périple de George Bush en Asie, où il va essayer de rassurer ses interlocuteurs sur la politique des Etats-Unis après la victoire de l’opposition démocrate le 7 novembre. Avant d’arriver au Vietnam, le président américain a fait une courte escale à Moscou et à Singapour. Lundi, George Bush s’envolera pour l’Indonésie et terminera sa tournée le lendemain par un petit déjeuner avec les militaires américains stationnés à Hawaï, Etat des Etats-Unis situé dans l’Océan Pacifique.
George Bush est arrivé ce vendredi à Hanoï pour participer au sommet annuel des pays d’Asie-Pacifique, mais aussi pour sa première visite officielle au Vietnam, trente ans après la fin de la guerre. Ce rendez-vous vietnamien marque le retour à la normalisation des relations entre les deux pays, aujourd’hui partenaires. Après le rétablissement de leurs relations diplomatiques en 1995, le président américain Bill Clinton avait en effet consolidé le rapprochement des Etats-Unis et du Vietnam par une visite à Hanoï en 2000. Toutefois, c'est seulement l’année dernière que le Vietnam lui avait rendu la politesse avec la première visite aux Etats-Unis d’un chef du gouvernement vietnamien.
Washington laisse Hanoï et Moscou entrer à l'OMC
Le 7 novembre dernier, une ère nouvelle s'est ouverte pour les relations entre les deux pays, un accord avec les Etats-Unis permettant au Vietnam d'entrer dans l’Organisation mondiale du commerce (OMC). C'est ce que George Bush va faire ce dimanche, en faveur de la Russie, cette fois. A Hanoï, en effet, Bush et Poutine doivent ratifier un accord en cours de négociations depuis plus d’une décennie. Et cela pour lever les derniers obstacles américains à l’entrée de la Russie dans l’OMC.
Concernant le Vietnam, le 13 novembre dernier, le département d'Etat a retiré Hanoï de la liste noire des régimes préoccupants en matière de liberté religieuse, ce que les autorités vietnamiennes réclamaient depuis 2004. En revanche les parlementaires américains ont refusé d’accorder au relations commerciales avec le Vietnam le statut de «normales», ce que le président Bush aurait souhaité avant son arrivée à Hanoï.
Quelque peu embarassé, le chef de la diplomatie américaine, Condoleezza Rice, a cherché à rassurer les autorités vietnamiennes sur ce contretemps. Le secrétaire général de l’Association d’amitié Vietnam-Etats-Unis, Hoang Cong Thuy, minimise ce refus des parlementaires américains comme «une affaire [de politique] intérieure américaine», une allusion à la victoire de l’opposition démocrate aux élections parlementaires du 7 novembre dernier.
Les temps ont changé et le régime communiste de Hanoï ne fait plus peur aux Américains. Symbole de ce changement, l'arrivée du patron de Microsoft à Hanoï en avril dernier pour annoncer un investissement d’un milliard de dollars dans le secteur de l’informatique. Bill Gates a été accueilli en superstar. L’icône du capitalisme est arrivé dans la capitale vietnamienne au moment même où le parti communiste chinois organisait son congrès.
Washington-Pékin, le face-à-face des poids lourds
George Bush effectue sa visite en Asie alors qu'il sort particulièrement affaibli des élections de mi-mandat. «L'Amérique restera engagée en Asie parce que nos intérêts dépendent de l'expansion de la liberté et des opportunités dans la région», a déclaré George Bush, ce jeudi, dans un discours à l'université de Singapour, première étape de sa tournée. En même temps, il a jugé nécessaire d'affirmer que la perte du contrôle du Congrès par le parti républicain ne se traduirait pas par un affaiblissement des Etats-Unis dans la région. Même si le président Bush se veut rassurant, il se trouve aujourd'hui dans une position inconfortable face aux autres poids lourds présents à Hanoï, notamment son homologue chinois Hu Jintao.
La Chine vient, en effet, d’organiser avec éclat un sommet sino-africain. La plus grande réunion diplomatique jamais organisée par le géant asiatique à l'intention des pays africains s’est soldée par un franc succès. Et comme un bonheur ne vient jamais seul, c’est une Chinoise qui vient d’être choisie pour diriger l’Organisation mondiale de la santé (OMS). La nomination de Margaret Chan à cette fonction prestigieuse a été présentée comme une victoire du géant asiatique. Avec l’efficacité de sa diplomatie et une croissance économique à deux chiffres, l’Empire du Milieu se trouve dans une phase ascendante. Il est déjà une puissance régionale incontestable.
Pyongyang et Téhéran au menu sécuritaire
La Corée du Nord est l'un des thèmes que George Bush et Hu Jintao ne manqueront pas d'aborder, lors de leur rencontre prévue à Hanoï, les pourparlers à six (Etats-Unis, Corée du Nord, Corée du Sud, Chine, Japon et Russie) ayant été entamés en 2003 sous l'égide de Pékin. Depuis Singapour, le président américain a demandé à Pyongyang de choisir «le chemin de la Paix». Le régime nord-coréen avait annoncé sa décision de reprendre les discussions sur le nucléaire, sous condition que les Etats-Unis lèvent les sanctions financières.
Washington demande une «avancée concrète» à Pyongyang, tout en exprimant «un certain scepticisme» sur la volonté réelle de la Corée du Nord à s’engager vers une dénucléarisation, après l'annonce d'un essai nucléaire le 9 octobre dernier. Le chef de la diplomatie chinoise s’était prononcé pour une reprise des discussions «dès que possible». L'émissaire américain Christopher Hill avait évoqué la date de début décembre pour la reprise des pourparlers. Mais la secrétaire d'Etat américaine a immédiatement marqué le terrain. «Inutile d’avoir des discussions si nous ne pensons pas qu’elles seront fructueuses» a déclaré, Condoleezza Rice, se refusant à confirmer une date.
Les Américains se plaisent à relever les points faibles du géant chinois. Une commission du Congrès a par exemple réclamé jeudi des sanctions plus sévères contre les sociétés chinoises impliquées dans le commerce d'armes non conventionnelles et contre les atteintes au droit à la propriété intellectuelle en Chine. Ses rapporteurs invitent par ailleurs le Congrès américain à interdire aux fournisseurs d'accès nationaux de révéler à Pékin toute information concernant les internautes chinois. Par ailleurs, la commission demande qu’un accord soit trouvé avec la Chine afin que Pékin accepte des opérations conjointes pour inspecter les bateaux croisant vers ou à destination des ports nord-coréens.
L’Iran s'invite aussi dans cette tournée du président américain en Asie, dominée par les questions de coopération et de sécurité. Sur le chemin de Hanoï, George Bush a fait une courte escale mercredi à Moscou pour un déjeuner de 75 minutes avec son homologue russe Valdimir Poutine. Pendant le peu de temps passé ensemble, les deux hommes ont rapidement évoqué la question du nucléaire iranien. Moscou s’est montré réticent à soutenir des sanctions dans le cadre du Conseil de sécurité des Nations unies. Pour sa part Washington s’inquiète de la construction par la Russie de la première centrale nucléaire iranienne, à Bouchehr, dans le sud du pays.
Téhéran demande des «gestes concrets» à Washington, alors que l'administration Bush semble donner les signes d'une volonté d'entamer des discussions avec l'Iran sur l'Irak. La Maison Blanche a révélé mercredi qu' elle était en train de revoir l''ensemble de sa politique irakienne.Ce jeudi, l’armée américaine a annoncé la mort de dix soldats en l’espace de deux jours en IraK (2 863 soldats américains sont morts en Irak depuis le début du conflit en mars 2003).
«Nous réussirons, sauf si nous partons» a déclaré ce vendredi à Hanoï le président Bush. Interrogé sur les leçons qu'il tirait de la défaite américaine au Vietnam il y a trente ans, il se limita a commenter:«Nous avons tendance à vouloir un succès immédiat dans le monde et la tâche en Irak prendra du temps». Le chef de la diplomatie américaine, en route pour Hanoï, a refusé de comparer la guerre en Irak à celle du Vietnam, considérant ce genre de comparaison «faux», «malsain» et «inutile».
Mise en scène vietnamienne
Le Vietnam n’a pas lésiné sur les moyens pour accueillir le sommet Asie- Pacifique et en faire un succès retentissant. Le centre de convention spécialement construit pour accueillir le sommet du forum de Coopération économique pour l'Asie-Pacifique (Apec) a coûté 268 millions de dollars. Le gouvernement a mobilisé des milliers de fonctionnaires pour embellir la capitale. Pour le régime communiste de Hanoï, le sommet de l’Apec, qui regroupe 21 pays et rassemble ce week-end dans la capitale vietnamienne quelques 10 000 délégués, doit être une consécration. Le pays, qui vient d’obtenir son adhésion à l’OMC après douze ans de négociations, se trouve en plein essor capitaliste et cherche à s’imposer sur la scène régionale et internationale.
Le sommet de l’Apec, «c'est le plus grand événement international jamais organisé par le Vietnam», souligne le vice-ministre des Affaires étrangères, Le Cong Phung. En effet, même s’il n’a pas encore acquis la notoriété voulue, le forum de Coopération économique Asie-Pacifique est un poids lourd incontournable. Crée en 1989 pour renforcer la communauté Asie-Pacifique et améliorer la croissance économique et la prospérité de la région, il représente aujourd’hui la zone économique la plus dynamique du monde. Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Ce forum rassemble plus du tiers de la population du monde (2,6 milliards de personnes) et 47% du commerce de la planète.
Pour donner au monde la meilleure image du Vietnam, les autorités ont fait appel à la plus célèbre styliste du pays, Minh Hanh. Entourée de 25 couturières, elle s’est inspirée des vêtements traditionnels vietnamiens pour confectionner les vêtements en soie que vont porter à la cérémonie de clôture du sommet les dirigeants des 21 pays membres de l'Apec. Le président Bush a choisi un bleu royal, son homologue chinois le rouge de la chance et de la prospérité.
Escale en pays musulman
Reste que le président Bush risque d’être mal à l’aise, assis à côté du général Surayud Chulanont, le Premier ministre nommé par les militaires qui viennent de prendre le pouvoir en Thaïlande, il y a deux mois. Malgré les pressions de Washington, les nouvelles autorités du pays n'ont pas levé la loi martiale avant ce sommet, ce qui risque de contrarier le président américain.
Lundi le président Bush s'envolera pour l'Indonésie, le plus grand pays musulman. Une visite qui a déjà suscité de vives protestations de leaders musulmans indonésiens qui ont même menacé le président Susilo Bambang Yudhoyono d'un vote de défiance s'il recevait George Bush le 20 novembre. Sans passer par Jakarta, le président américain devra rester cinq heures à Bogor, à 60 kilomètres, où il dînera avec le président indonésien Susilo Bambang Yudhoyono.
L’opinion publique indonésienne est opposée au soutien américain à Israël et à la présence de l’armée américaine en Irak. Les sorciers indonésiens se sont joints aux contestataires et n’ont pas hésité à recourir à la magie noire, sacrifiant des serpents pour jeter un mauvais sort au président Américain.
par Elisa Drago
Article publié le 16/11/2006 Dernière mise à jour le 16/11/2006 à 23:44 TU