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Allemagne

Angela Merkel mise sur l'Europe

Le président George W. Bush et la Chancelière Angela Merkel affichent une entente cordiale. 

		(Photo : AFP)
Le président George W. Bush et la Chancelière Angela Merkel affichent une entente cordiale.
(Photo : AFP)

Le 22 novembre 2005, la conservatrice Angela Merkel devenait la première chancelière de l’histoire de l’Allemagne. Un an après, elle a été sacrée «femme la plus puissante du monde» par le magazine Forbes mais, au plan national, sa popularité est en chute libre. Son style contraste avec celui de son prédécesseur, Gerhard Schröder. Doucement mais sûrement, elle a commencé à imposer aux Allemands des réformes impopulaires. Le premier janvier prochain elle assumera la présidence du G8 qui rassemble les pays les plus riches du monde et celle de l’Union européenne, où elle espère relancer le projet si controversé de Constitution européenne.


Lorsqu’il y a un an Angela Merkel, cette ancienne scientifique un peu effacée de l’ex-Allemagne de l’Est rentrait dans l’histoire politique de l’Allemagne comme la première à accéder au poste de chancelière, elle était encore une inconnue sur la scène internationale. Rentrée en politique au moment de la chute du mur de Berlin en 1989, Angela Merkel avait débuté sa carrière sous la protection de l’ex-chancelier Helmut Kohl, ce qui lui a valu le surnom de «fille de Kohl». Mais elle s’est distancée de son mentor au moment du scandale des caisses noires du parti et a pris les rênes de l’Union chrétienne-démocrate (CDU) qui se trouvait alors en pleine déroute. Cette ascension politique fulgurante, Angela Merkel a réussi à la transposer sur la scène internationale. Malgré son image peu charismatique et plutôt discrète, elle a néanmoins réussi à s’imposer avec son propre style de gouvernement qui contraste avec celui de son prédécesseur Gerhard Schröder.

Une alliée pour George Bush

Le 31 août dernier, Angela Merkel devenait «la femme la plus  puissante du monde», en détrônant la secrétaire d’Etat américaine Condoleezza Rice, selon le classement des cent femmes les plus influentes en termes de visibilité médiatique et de pouvoir économique établi par le magazine américain Forbes. Une entrée d’autant plus remarquée dans la cour des grands (ou plutôt des grandes) qu’un an auparavant elle ne figurait même pas dans ce classement. Un an aura donc suffit à la chancelière allemande pour être courtisée partout, de Washington, à Moscou, en passant par Paris.

Le président américain George Bush apprécia le changement. Après l’ère du chancelier Gerhard Schröder trop proche de la Russie de Vladimir Poutine au goût des Américains et trop critique envers l’administration Bush, l’arrivée au pouvoir d' Angela Merkel a été accueillie avec soulagement à Washington qui mise sur cette nouvelle alliée en Europe. Avant son élection, la candidate Merkel s’était empressée de donner des gages aux Américains dénonçant les positions anti-Bush prises jusque-là par Schröder notamment sur la guerre en Irak. Le rapprochement avec les Etats-Unis est devenu une priorité diplomatique pour Angela Merkel.

Moins de deux mois après son investiture officielle comme chancelière, Angela Merkel a été reçue à Washington par George Bush, montrant ainsi au monde qu’un nouveau pivot était en train de naître. George Bush lui a rendu la politesse en juillet dernier en acceptant l’invitation à Trinwillershagen, petit village situé à 20 kilomètres de la Baltique, région de l’ancienne Allemagne de l’Est où Merkel a grandi. Des visites hautement symboliques.

Le président américain place beaucoup d’espoirs dans cette nouvelle alliée, devenue d’autant plus précieuse depuis le départ du pouvoir de ses amis l’espagnol José Maria Aznar (avril 2004), l’italien Silvio Berlusconi (mars 2006) et le britannique Tony Blair, fidèle parmi les fidèles qui vient d’annoncer le 7 septembre dernier qu'il quitterait le pouvoir dans les 12 prochains mois.

En un an, la chancelière allemande a effectué deux visites à Washington. Mais elle a tenu à afficher au monde que ce rapprochement ne signifiait pas faire allégeance, en exprimant ses réserves sur la prison de Guantanamo et en évoquant la question polémique du transfert secret de prisonniers par les services secrets américains (CIA) en Europe, lors d’une visite de la secrétaire d’Etat Condoleezza Rice en Allemagne.

Une différence de «ton»

Cette différence de ton, Angela Merkel a voulu la marquer aussi vis-à-vis de Moscou. Avec Vladimir Poutine, elle a eu une «franche discussion» n’hésitant pas à briser le protocole lors de son voyage en Russie en janvier dernier pour recevoir les opposants. Elle a ainsi marqué une rupture avec l’ère Schröder. L’ancien chancelier entretenait une amitié étroite avec Vladimir Poutine, qui lui aurait permis de devenir depuis le président du consortium germano-russe pour la construction d’un gazoduc sous la mer Baltique. La nouvelle chancelière évoque une «relation stratégique» avec Moscou. En effet, elle ne peut se permettre de remettre en cause un partenariat stratégique d’autant plus vital que la Russie lui fournit 40% du gaz consommé en Allemagne.

L’ancien chancelier social démocrate Gerhard Schröder avait su créer avec le président français Jacques Chirac et Vladimir Poutine des relations d’amitié qui ont favorisé la constitution d’un axe Paris-Berlin-Moscou, qui a opposé un front d’opposition à l’administration Bush sur la guerre en Irak.

Avec la France, l’Allemagne de Merkel choisit des «relations privilégiées» mais pas «exclusives». Angela Merkel a malgré tout effectué à Paris sa première visite à l’étranger, signifiant ainsi l’importance qu’elle accorde au couple franco-allemand, moteur en Europe. «Les défis de la mondialisation nous contraignent à agir ensemble en Europe» a déclaré alors la chancelière allemande qui affiche ainsi son pragmatisme. Le président Chirac l’a reçue en janvier au château de Versailles mais il n’a pas réussi à obtenir qu’elle lève son veto à une réduction du taux de la TVA sur la restauration dans l’Union européenne. La France obtiendra juste à Bruxelles une dérogation pour continuer d’appliquer des taux réduits aux restaurateurs, une promesse électorale de Jacques Chirac. Avant son élection, Angela Merkel avait entretenu des relations plus étroites avec le ministre de l’intérieur français Nicolas Sarkozy, candidat déclaré aux présidentielles de 2007, qu’avec le président Chirac.

Sur le plan européen, à peine intronisée, Angela Merkel s’est présentée en vedette au sommet de Bruxelles en décembre 2005. Elle y a joué les médiatrices, réussissant à faire accepter un compromis financier pour le fonctionnement de l’Union européenne de 2007-2013, malgré les crispations françaises et britanniques. Elle a obtenu que tout le monde paye plus, y compris son pays, pour aider les nouveaux adhérents. Les vingt cinq lui sont restés reconnaissants et elle en est sortie renforcée.

A la recherche d'une nouvelle popularité

Les succès diplomatiques de la chancelière lui ont permis d’être plébiscitée par les sondages. Cent jours après son arrivée au pouvoir, elle était créditée de 80% d’opinions favorables. «Le pays du sourire», titrait en une le magazine Der Spiegel pour résumer cet état de grâce. «Angie» comme l’appellent ses fans n’a plus cette apparence plutôt gauche que la presse ne manquait pas de relever. Elle a changé de coiffure et avoue prendre «plus de plaisir» à s’habiller. Ce qui au départ pouvait être perçu comme un handicap, semble au contraire lui avoir porté chance. Elle a su se forger une image de franchise et de modestie dont elle a tiré avantage. Sa simplicité et son franc-parler n’ont pas manqué de séduire les Allemands. Mais peu à peu sa popularité s’est effritée. Au mois d’août dernier, à peine 37% de ses concitoyens approuvaient sa politique. Cette chute de popularité n’est que l’expression d’un fort mécontentement social face aux réformes libérales amorcées.

Lorsque le 20 août dernier, lors de son discours de rentrée politique, Angela Merkel a adressé un hommage appuyé à son prédécesseur, elle a salué le «grand service» rendu à l’Allemagne par Schröder grâce à son «agenda 2010». Reste que ce paquet de réformes libérales avait valu à Gerhard Schröder son poste de chancelier. Certains de partisans de Merkel lui reprochent de ne pas aller assez vite dans l’application des réformes, l’accusant d’immobilisme. La chancelière semble privilégier la stabilité de son gouvernement. En effet, en absence de majorité claire, lors des élections du 18 septembre 2005, elle avait dü composer avec les sociaux-démocrates du SPD et former un gouvernement de coalition après d’âpres négociations. Lentement mais fermement, elle suit sa politique avec détermination, malgré la colère des syndicats qui sont descendus dans la rue le mois dernier pour s’opposer à la réforme du système d'assurance-maladie, et le projet gouvernemental de repousser l'âge de la retraite à 67 ans, contre 65 actuellement.

Un nouveau défi se présente pour Angela Merkel le premier janvier prochain. Elle prendra la présidence des pays les plus industrialisés du G8 mais aussi la présidence de l’Union européenne. Parmi ses priorités figure le projet de Constitution européenne, en panne depuis les «non» français et néerlandais lors des référendums de mai et juin 2005. Mais elle reconnaît aussi que sa marge de manoeuvre sera étroite, notamment à cause des élections présidentielles françaises en mai 2006 et les législatives de juin.



par Elisa  Drago

Article publié le 21/11/2006 Dernière mise à jour le 21/11/2006 à 17:03 TU