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Afrique – Amérique du Sud

L’union fait la force

Premier sommet Afrique/Amérique du sud contre l'hégémonie des grandes puissances du Nord. 

		(Source : www.asasummit-abuja2006.org)
Premier sommet Afrique/Amérique du sud contre l'hégémonie des grandes puissances du Nord.
(Source : www.asasummit-abuja2006.org)

L’Afrique a donné rendez-vous à l’Amérique du Sud les 28 et 29 novembre à Abuja, capitale du Nigeria, le pays le plus peuplé et premier producteur de pétrole du continent. Une quarantaine de chefs d’Etats participent à ce premier sommet qui rassemble les continents africain et sud américain, lourdement endettés mais potentiellement riches. Le Sud affiche ainsi sa détermination à unir ses forces pour s’affranchir de la dépendance des puissances riches du Nord. Ensemble, ils voudraient additionner leurs poids pétroliers respectifs, par exemple, dans la balance internationale, développer le secteur des biocarburants ou encore créer une banque des pays du Sud.


L’idée d’organiser un sommet Afrique-Amérique du Sud a été proposée en avril 2005 par le président Obasanjo du Nigeria lors de la visite de Lula da Silva, le président du Brésil. Olusegun Obasanjo, en sa qualité alors de président en exercice de l’Union africaine, a adressé l’invitation au continent sud américain pour l’organisation à Abuja de leur premier sommet. La confirmation eu lieu lors de la visite du président Obasanjo à Brasilia, en septembre 2005. Ce rapprochement des géants des deux continents, le Nigeria - premier pays producteur de pétrole et le plus peuplé d’Afrique - et le Brésil - première économie d’Amérique du Sud et cinquième pays du monde par sa population - pourrait marquer un tournant dans les relations entre l’Afrique et l’Amérique latine.

L’arrivée au pouvoir de la gauche au Brésil et au Venezuela a imprimé un changement de cap dans les relations avec l’Afrique. Ainsi, depuis sa première élection en 2002, le président du Brésil, Lula da Silva, s’est déjà rendu cinq fois sur le continent africain, devenu une priorité stratégique de sa politique étrangère. Cette politique de rapprochement menée par Brasilia avec les capitales africaines s’est traduite par l’ouverture de nombreuses ambassades. Lorsque Lula est arrivé au pouvoir, le Brésil disposait de 13 ambassades en Afrique. En 2006, elles sont au nombre de 30.

Les échanges commerciaux entre le Brésil et l’Afrique ont également doublé depuis 2003, pour atteindre 12,6 milliards de dollars en 2005. Les entreprises brésiliennes investissent sur le continent africain, notamment dans les secteurs pétrolier et minier actuellement occupés par les grandes compagnies nord-américaines et européennes. Ainsi, le groupe brésilien Petrobras a signé un accord d’exploration avec la Guinée-Bissau et va exploiter des gisements off-shore en Angola, tandis que la Companhia Vale do rio Doce s’intéresse au manganèse au Gabon et au charbon au Mozambique.

Un rêve pour deux

Avec 80 millions de Noirs et Métis, (soit près de 48% de ses habitants), le Brésil compte la deuxième population noire au monde après le Nigeria. Ces descendants d’esclaves africains lui donnent l’allure de «grand frère d’Amérique». Le cœur des Africains est déjà conquis par le football, la samba, les feuilletons brésiliens qui établissent un pont entre l’Afrique et le Brésil. Lula espère ainsi bénéficier de ce capital de sympathie pour développer ses investissements en Afrique et, peut-être, obtenir le soutien des dirigeants africains à la réalisation d’un de ses plus grands rêves – la conquête d’un siège permanent au Conseil de sécurité des Nations unies. Son homologue Obasanjo a fait le même rêve pour le Nigeria.

Le président du Venezuela a, lui aussi, déjà fait un premier pas en direction des Africains. Le nombre de ses ambassades en Afrique est passé de 8 à 14 depuis l’arrivée au pouvoir de Hugo Chavez. Et il a même créé, en 2005, un poste de vice-ministre chargé des relations avec l’Afrique. Invité exceptionnel du sommet de l’Union africaine, en Gambie, en juillet dernier, Hugo Chavez a exprimé l’importance stratégique qu’il accorde au renforcement des relations Sud-Sud, en rappelant l’histoire similaire des deux blocs . «Le XIXe siècle a été le siècle de la libération de l’Amérique latine (…), le XXe siècle celui de la libération de l’Afrique (…), nous devons aborder le XXIe siècle ensemble», a-t-il exhorté.

Libérés de leur joug colonial mais non pas indépendants, étouffant sous le poids de la dette envers les pays occidentaux et les grandes institutions internationales, les pays africains et sud américains cherchent à s’affranchir de la tutelle des pays riches du Nord, anciens pays colonisateurs pour beaucoup d’entre eux. Ensemble, ils constituent une force redoutable. Ensemble, ils souhaitent trouver les moyens de se dégager de l’influence du Fonds monétaire international (FMI) et de la Banque mondiale, ce que Lula vient de faire en anticipant le remboursement de la totalité de sa dette au FMI, d’un montant de 15,5 milliards de dollars. Les Africains rêvent de l’imiter. L’idée de création d’une banque de développement Sud-Sud, qui serait venue du Venezuela, devrait être évoquée au sommet d’Abuja.

Le défi des biocarburants

La lutte contre le sida, première cause de décès en Afrique, figure également au centre de cette rencontre. Le Brésil, où vivent un tiers des 1,7 million de malades du sida en Amérique latine, est souvent cité comme un exemple dans le traitement de la maladie. Le pays a réussi à réduire de moitié le taux de mortalité due au sida en produisant et en distribuant des médicaments génériques anti-rétroviraux fabriqués sur place. Le Brésil exporte son savoir faire en Afrique. Ainsi, le président Lula s’est déjà engagé au Mozambique et en Namibie à appuyer la mise en place d'usines pharmaceutiques qui fabriqueront des médicaments génériques anti-rétroviraux.

Les biocarburants représentent un autre défi, et non des moindres. Le Brésil dispose d’une avance technologique dans ce domaine et vient de lancer une vraie «révolution énergétique» qui marque un début d'indépendance vis-à-vis du pétrole. Une idée qui fascine les Africains, à commencer par le Nigeria, le plus grand pays producteur de pétrole en Afrique mais aussi le premier à avoir prévu l’utilisation de l’éthanol comme carburant pour les voitures.

Si les Brésiliens rêvent que le Brésil puisse se transformer en une l’Arabie saoudite du XXIe siècle, si le Venezuela de Chavez rêve d’un cartel pétrolier afro-américain qui damerait le pion aux Etats-Unis, les Africains, quant à eux, rêvent aussi de prospérité et d’indépendance.



par Elisa  Drago

Article publié le 28/11/2006 Dernière mise à jour le 28/11/2006 à 18:36 TU